Clara Thomine — Tout doit disparaître — Le Magasin
Exposition
Clara Thomine
Tout doit disparaître — Le Magasin
Passé : 4 → 14 septembre 2021
Partant de cette ambiguïté réjouissante, Clara Thomine nous propose une expérience paradoxale.
Puisque tout peut disparaître du fait de notre frénésie consumériste, elle nous invite, dès maintenant, à entrer dans l’après-fin du monde. Dans cet espace inconnu, le temps d’une exposition, elle a ouvert… un vrai magasin.
Mais que trouve-t-on dans ce lieu singulier ? Que reste-t-il de notre présent dans ce futur post-apocalyptique ?
Des traces, des vestiges ? De jolies choses un peu fragiles, peut-être. Des objets-témoins, posés sur des étagères, quelques meubles, un papier peint incertain…
Et malgré tout, des images animées qui racontent ce nouveau temps.
Bien sûr, puisque c’est un magasin, il est possible d’acheter certains de ces objets, de les faire emballer, de les emporter avec soi.
Alors que sont-ils finalement ? Des souvenirs ? Des reliques ? Des œuvres d’art ? Encore des objets de consommation ?!
Et qu’en ferons-nous ? Peu importe. Tout doit disparaître !
À peine entré.e dans l’exposition de Clara Thomine, on se retrouve immergé.e dans un magasin. Un magasin avec ses paniers métalliques et ses slogans qui nous invitent à acheter. Un magasin normal en somme. Sauf qu’en l’occurence, il s’agit d’acheter « La fin du monde » à travers divers objets disposés sur des rayons. Par ailleurs dans ce magasin, comme dans beaucoup d’autres, on peut voir des vidéos, des films qui parlent, eux aussi, de la fin du monde. Avec un certain enthousiasme.
En visitant cette surprenante boutique, on réalise assez vite que les œuvres de cette exposition ne sont pas les objets présentés et que l’on peut acheter pour une somme modique.
La véritable proposition de l’artiste, c’est le dispositif de ce magasin de la fin du monde, lui-même, et l’expérience qu’il induit.
On soupçonne aussi que cette marchandisation de l’apocalypse, un peu éhontée, fait écho, de manière ironique, à la question qui hante désormais notre actualité, à travers de multiples catastrophes : il se pourrait que les humains se soient engagé.e.s, à force de consommation frénétique, sur une voie destructrice qui les mène à leur perte.
Clara Thomine place en tout cas le visiteur dans une situation paradoxale, en déplaçant très librement les horizons temporels.
À travers ses films, elle nous raconte des histoires qui se passent après la fin du monde, dans des décors qui ressemblent à s’y méprendre, à ceux d’aujourd’hui.
Et dans son magasin de la fin du monde, nous pouvons acheter de surprenants vestiges… du temps présent.
Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ? Trop tard pour reculer, de toute façon. Notre curiosité nous a entraîné.e.s trop loin.
Nous voilà̀ en train de consommer la fin du monde et tout doit disparaitre !
La marque qui est derrière le magasin " Tout doit disparaître ", c’est : Les Éditions de la Fin du Monde. Ce sont les Éditions de la Fin du Monde qui vendent des objets dans le magasin “Tout doit disparaître”.
Clara Thomine nous emmène à la rencontre de situations « presque normales », mais pas tout à fait. Elle le fait à travers des films, des performances, ou des expositions. Reporter de faux-semblants vraisemblables, fabricante d’objets qui-ne-sont-pas-vraiment-ce-qu’ils-sont, ou encore conférencière trop honnête pour s’en tenir à son sujet, elle franchit sans cesse des lignes de démarcation. À commencer par celle, pourtant supposée nette, entre réalité et fiction. Et dans le même temps, elle se plaît à effacer les traces de ces effractions, à brouiller les pistes, quitte à nier avec beaucoup de candeur les contradictions qui pourraient apparaître.
Ainsi, elle nous entraîne, émerveillée, dans la visite filmée d’un monde plus vrai que nature dans lequel, pourtant, les humains se révèlent étrangement figé.e.s. Ou bien, elle donne une conférence à propos d’une femme morte, il y a un siècle et qu’elle veut sortir de l’oubli avec l’aide de poupées russes et d’images fractales. Ou bien encore, lors d’une exposition personnelle, elle présente un distributeur automatique proposant, pour un euro, une boule en plastique contenant une reproduction en miniature d’une de ses sculptures.
A chaque fois, sa sincérité nous convainc autant qu’elle laisse en suspens nos interprétations.
C’est toujours la performance qui est le point de départ et le régime de création de ses productions. Improvisant devant la caméra, elle produit ainsi de nombreuses « chroniques imprévisibles ».
Imprévisibles d’abord pour elle-même, car c’est, à chaque fois, la situation qui génère l’improvisation, qui elle-même modifie la situation. Coiffée d’une perruque qui est presque (encore une fois) semblable à sa propre chevelure, elle s’extasie devant le ballet de moissonneuses batteuses en plein travail, dans un champ. Ou bien elle pose, en robe blanche, avec le sourire ravi d’une enfant, devant tous les stands et les manèges d’une fête foraine.
À quoi nous invite-t-elle dans ces situations ?
D’abord à partager son enthousiasme au premier degré, mais sans fermer la porte, bien sûr, à un second ou un troisième degré. L’essentiel pour elle est que toutes les lectures puissent cohabiter, voire se contaminer. C’est là, sans doute, dans l’ambiguïté, que peuvent surgir les questions fertiles, les rencontres d’idées inattendues et les étincelles d’humour ou de poésie.
Depuis qu’elle a emmené l’artiste belge Marcel Broodthaers (mort en 1976) en voyage en Normandie, sous la forme d’un petit nounours, affublé d’un masque de l’artiste et qu’ils ont ainsi pu réaliser ensemble des films et des sculptures, pour une exposition à Cherbourg, elle n’a plus peur de rien. Elle ose, par exemple, affronter le néant, seule dans un grand stade vide, avec sa seule imagination.
Le temps d’une exposition, elle ouvre un magasin pour vendre des objets “trouvés après la fin du monde” et nous permettre ainsi d’en profiter dès maintenant. N’oubliant pas de souligner, avec un grand sourire, que ce faisant, en bons consommateur.trice.s d’objets inutiles, nous contribuons, nous aussi, à faire advenir cette fameuse fin du monde. Après tout, le slogan des soldes — et le titre de l’exposition — ne nous laissent pas le choix : “Tout doit disparaître !”.
Elle fait encore du ski sur des pistes spécialement construites sous terre, toujours après la fin du monde. Elle donne une conférence où elle calcule l’empreinte carbone du Déjeuner sur l’herbe et propose des réflexions essentielles sur les miroirs, la vérité toute nue, la banquise qui fond et bien d’autres sujets.
Elle fabrique des caméras en plâtre pour filmer son public et mieux saisir la vérité de l’instant. Oui, c’est ça, mieux saisir la vérité de l’instant.
« Tout le monde connaît le réchauffement climatique.
Et même “y croit”. Mais qu’est-ce que ça veut dire “y croire” ?
Si on y croyait vraiment on arrêterait beaucoup de choses tout de suite. On ne parlerait que de ça. On ne saurait pas continuer à vivre de la même façon.
Mais au fond, on n’arrive pas à croire ce que l’on sait (la montée des eaux, les régions qui deviennent invivables, le méthane qui va s’échapper de la Toundra et du fond des océans et démultiplie les effets). C’est trop gros pour qu’on puisse le penser.
À la veille de la première guerre mondiale, les gens n’y croyaient pas et pourtant c’était une évidence. C’était tellement énorme ! (Bergson raconte bien ça)
Pareil pour le climat.
Quand je parle de La fin du monde, ce n’est pas pour l’annoncer c’est pour entrer un peu dans cette zone où on ne pense plus.
Parler de la fin du monde de manière paradoxale, voir absurde, comme je le fais, c’est aussi, jouer avec cet impensé ou plutôt cet impensable, cet impossible à penser, le mettre en mouvement, déplacer les lignes, faire vaciller les certitudes, ébranler les cadres de pensée.
Clara Thomine
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Tout doit disparaître — Le Magasin — de Clara Thomine Vernissage Vendredi 3 septembre 2021 à 14:00
Horaires
Du lundi au vendredi de 10h à 19h
Samedi et dimanche de 11h à 19h
Fermeture les jours fériés
Programme de ce lieu
L’artiste
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Clara Thomine