Vincent Olinet — Cloche sexe
Exposition
Vincent Olinet
Cloche sexe
Passé : 7 septembre → 11 octobre 2014
Cloche sexe est la troisième exposition personnelle de Vincent Olinet à la galerie où sont présentés Young Ruins et Strasmourg et les Strasmourgeois.
« Young Ruins » est une série de peintures de faux marbre sur plaque de verre, dont la couche de peinture est grattée par endroits. Peindre sous verre, c’est peindre à l’envers. C’est élaborer à rebours, commencer par les détails et finir par des aplats larges, puis gratter pour révéler la transparence du support. Le faux marbre, par définition, n’existe qu’en tant que production. Il copie la nature, parfois en exagère les traits, et invente son histoire géologique au cours de sa réalisation.
Certaines de ces plaques ont été installées dans des bars et laissées à la disposition de contributeurs anonymes, lesquels sont devenus des participants de l’œuvre. C’est cette mise en danger provoquée par l’anonymat du graffiti qui m’intéresse. Le marbre réduit à sa pellicule d’artifice où transparaît un souffle d’humanité, aussi pauvre et futile qu’un graffiti. Parole gravée en secret, dans l’intimité des toilettes ou sur une table de collège. Provocatrice, vengeresse, maladroite, amoureuse… comme une respiration anonyme de la pensée.
Strasmourg et les Strasmourgeois est une série de demi-cloches en bronze, fer et bois, posées les unes après les autres dans une marche silencieuse. La cloche comme matrice, une enveloppe utérine génératrice de sons dont la fonction alerte et rythme nos sociétés. Le choc du battant contre le bronze.
Pour cette œuvre, le battant s’anthropomorphise en un sexe de statue antique. Le théoricien de l’art Bruno-Nassim Aboudrar résume ainsi : Dans la tradition artistique occidentale, la représentation de l’appareil génital masculin fait partie intégrante de l’ordre esthétique du nu : il n’y a pas d’académie sans représentation du sexe masculin. Mais comment représenter celui-ci ? Il en va, en effet, du pénis, un peu comme de l’enfant selon Diderot : « [c’] est une masse informe et fluide qui cherche à se développer ». Ce problème formel, auquel Léonard de Vinci prête déjà attention dans ses Carnets, connaît des solutions artistiques diverses, de la stylisation (chez David, par exemple) au « portrait » (chez Delacroix ou, au XXème siècle, chez Lucian Freud)1. Cette question de la représentation pose la question du positionnement du sexe masculin comme sexe fort, garant de l’académie, mais aussi comme symbole d’une mise à nu, d’un dévoilement.
Ce dévoilement se traduit par l’exposition de cloches, objets pudiques, lourds de culture chrétienne. La cloche, traditionnellement nichée dans un clocher, volant à tout va pour appeler à elle, est décrochée de cette tour pour s’affirmer à nos regards. Je pars dans cette quête absurde de la vérité qui me va ensuite me pousser à disséquer ces cloches pour mieux en saisir le secret. Un découpage qui va à l’encontre de leur vocation musicale et qui fait résonner visuellement leur vide intérieur. Une césure qui permet de rassembler ces cloches, de les serrer les unes aux autres, inventant un carillon compact. Comme pour une mélodie, dont les différentes notes s’assemblent et se mélangent, ces sculptures sont un ensemble entier dont l’âme se partage en six. Six étapes cinématiques, six tailles et timbres différents, six âges différents du même objet.
Strasmourg et les strasmourgeois est un mélange de brutalité et de sophistication, dont la masse des poutres et du bronze fait écho au vide qu’elles contiennent. Utiliser ces matériaux vénérables est pour moi une façon de tisser, dans un véritable rapport physique à la sculpture, des liens vers une culture classique, une culture hiératique, une culture française.
1 Aboudrar Bruno-Nassim, « De la verge, et sa représentation dans les beaux-arts et les sciences de l’homme », Savoirs et clinique, 2006/1 no 7, p. 71.
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Vernissage Samedi 6 septembre 2014 19:00 → 21:00
Horaires
Du mardi au samedi de 11h à 19h