Wade Guyton

Exposition

Peinture

Wade Guyton

Passé : 3 juin → 22 juillet 2023

La Galerie Chantal Crousel a le plaisir d’annoncer une exposition de nouvelles peintures de Wade Guyton. Il s’agit de la quatrième exposition personnelle de l’artiste à la galerie, la dernière ayant eu lieu en 2019.

Certaines images sont récurrentes dans son travail : le sol de l’atelier, des fichiers bitmap agrandis, des articles récents issus du site web du New York Times, des peintures en cours de réalisation posées au sol, une sculpture en forme de chaise, une vue de l’atelier un jour de pluie. Des plans rapprochés se révèlent, notamment sur d’autres peintures et coulures d’encre, le cannage d’une chaise Breuer, ainsi qu’un cerf échoué au bord du rivage. Cette fois, les peintures apparaissent plus mouillées et les couleurs plus saturées. Les couches dérivent d’une peinture à l’autre.

Pour l’exposition, l’artiste dévoile deux fenêtres originelles de la galerie.

John Kelsey écrit :

Dans l’une de ses nouvelles peintures, Wade Guyton redonne à l’interface du site web du New York Times une matérialité faite d’encre, que de nombreux amateurs d’art contemporain n’ont pas eu l’occasion d’expérimenter. Nous constatons qu’il s’agit d’actualités en ligne, puisque certains articles datent d’ « il y a deux minutes ». Il est amusant de lire « Today’s Paper » sur la toile, comme si l’information quotidienne générée par des algorithmes et consommée à la minute rêvait que sa présence physique et quotidienne n’avait pas déjà disparue. Wade Guyton confère ici aux actualités une nouvelle présence, d’une glorieuse réalité et plasticité, parsemée de couleurs saturées qu’il amplifie via Photoshop, en intensifiant les courbes et les niveaux de saturation de la capture d’écran. Les nouvelles concernant Macron et Trump, la météo et le vol de données se mélangent dans les peintures. Comme si une dimension invisible de la fonction « réactualiser » était matérialisée : la dissonance cognitive, l’effroi et notre propre disparition au sein de l’interface. À quoi ressemble l’abstraction aujourd’hui ? Où s’arrête l’information et où commence la peinture ? Et si nous avons cessé de croire que les actualités sont vraies, pouvons-nous convenir qu’elles retrouvent une forme de beauté ?

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Wade Guyton, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, Paris, 2023 Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel. Photo : Martin Argyroglo

Les couleurs de ces œuvres ne sont pas toujours choisies par l’artiste mais résultent souvent d’interférences algorithmiques et gestuelles, de hasards qui se produisent entre les couches numériques et la matérialité de son processus. Ce sont des peintures composées à la fois de données et d’imprévus. En exposant ses images à différentes intensités de bruit numérique, Wade Guyton révèle et accueille l’imprévu, l’impensé et le non-consommé dans l’expérience contemporaine. Pendant ce temps, au milieu des interférences numériques et du désordre de l’encre qui coule, un souvenir de l’esthétique moderniste persiste dans l’intérêt de l’artiste pour les formes régulières et rectangulaires. Les « fenêtres », numériques et picturales, sont inclinées de 90 ou 180 degrés, ou renversées. La toile est un support intemporel et ici, Wade Guyton s’en tient à son format standard de 213,4 × 175,3 cm. Une des œuvres s’inspire de l’image du cannage d’une chaise Breuer, tandis qu’une autre dévoile la structure tubulaire chromée, libérée de sa forme emblématique. Sur une toile, la représentation dédoublée d’un cerf tué rappelle l’équation faite par Warhol entre sérialité et mort. Aujourd’hui, un demi-siècle après Warhol, la reproduction mécanique semble à nouveau étrange. Les règles du marché et leurs impacts à différentes échelles ont envahi chaque image et chaque expérience humaine. L’expérience elle-même est mécaniquement reproduite et médiatisée… prédite, ciblée, mise à l’échelle, distribuée. Ce qui reste de l’aura de l’œuvre d’art est désormais imprégné de doute et de crainte. Wade Guyton trouve le moyen de rendre cela beau, ou du moins vivant.

L’artiste a élaboré son propre processus de travail dans son studio de Bowery : les photographies des œuvres encore humides sont retraitées par les algorithmes et renvoyées aux imprimantes Epson comme de nouvelles peintures, qui sont parfois photographiées à leur tour. Wade Guyton génère continuellement une surprise et une beauté inattendue, en ouvrant chaque étape de son processus aux interférences. C’est un système rigoureux jusqu’à ce qu’il se dérègle ou s’effondre. Rigueur et défaillance, dans chaque image. C’est un processus d’auto-documentation, se nourrissant de lui-même, jusqu’à ce qu’un élément nouveau apparaisse. Les corps de l’artiste et de son équipe sont tous impliqués, et les vieux planchers grinçants de l’atelier continuent d’apparaître aux côtés des bitmaps monochromes et du bruit numérique abstrait. Tout cela devient omniprésent dans son moment de disparition. La disparition elle-même prend vie sous nos yeux.

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Wade Guyton, vue d’exposition, Galerie Chantal Crousel, Paris, 2023 Courtoisie de l’artiste et de la Galerie Chantal Crousel. Photo : Martin Argyroglo

Les œuvres de Wade Guyton (né en 1972 à Hammond, Indiana, États-Unis) ont été présentées dans le cadre de nombreuses expositions institutionnelles, la dernière étant une rétrospective de vingt ans de carrière au Museum Ludwig, à Cologne (2019). D’autres expositions personnelles importantes ont été organisées par des institutions telles que la Serpentine Gallery, Londres (2017) ; le Museum Brandhorst, Munich (2017) ; le Museo MADRE, Naples (2017) ; le MAMCO, Genève (2016) ; Le Consortium, Dijon et l’Académie Conti, Vosne-Romanée (2016) ; la Kunsthalle Zürich (2013) ; le Whitney Museum of American Art, New York (2012-2013) ; le Museum Ludwig, Cologne (2010) ; le Museum Dhondt-Dhaenens, Deurle (2009) ; Portikus à Francfort-sur-le-Main (2008) ; et le Kunstverein à Hambourg (2005). Il vit et travaille à New York.

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