Yoon Ji-Eun — Mirages

Exposition

Dessin, sculpture, techniques mixtes

Yoon Ji-Eun
Mirages

Passé : 16 mars → 27 avril 2013

Ici on tourne, comme dans nombre de danses traditionnelles où l’on se donne la main en cercle dans un mouvement à l’infini. Il règne une impression de flottement, de pause dans toutes ces activités qui ont été accomplies et qu’il faudra répéter encore et encore : les montagnes de linges à agrandir ou à réduire, les cordes à linge suspendues à remplir ou alléger et les sentiers tracés à parcourir. L’échelle et la nature des paysages varient constamment, des scènes miniatures juxtaposées aux topographies monumentales ; d’une nature parfaitement reconnaissable, l’œil passe à des formes strictement géométriques, comme des références à un discours d’arts plastiques. On trouve aussi des petits motifs rouges et bleus — des anaglyptiques, dessinés d’une telle façon qu’ils sont potentiellement tridimensionnels. Des mondes dans des mondes dans des mondes.

Temps, rites et matière

La dimension temporelle et la répétition incessante d’actes banals sont des éléments constitutifs de l’œuvre de Yoon Ji-Eun. Son choix du bois et du bois stratifiés comme matières de prédilection n’est pas anodin, car l’écoulement du temps y est inscrit aussi bien dans les couches superposées que dans le dessin des veines en surface. Parfois, une surépaisseur de bois sous formes de montagnes ou de rochers se détache en relief, renforçant l’impression qu’une donne s’impose aux figures dessinées.

La multitude de récits ainsi que la fascination de Yoon Ji-Eun pour l’acte banal, quotidien, font songer à la peinture flamande et plus particulièrement à Brueghel. Même dans les tableaux où la présence de figures humaines est spartiate, il règne l’idée d’une communauté des hommes, d’un rapport à la terre, à quelque chose d’originel. La matière du bois y est probablement pour quelque chose ; la notion d’ouvrage, de travail de la main qui creuse, sculpte, marque au feu et dessine, également… La référence à l’art populaire n’est pas loin non plus, malgré le travail sophistiqué et les compositions étudiées — un art qui reflète la vie ordinaire, celle de rites et de jours qui se ressemblent, un art qui se régale de l’emploi d’une multitude de couleurs, de la beauté d’un morceau de bois, gravé, dessiné et sculpté. Le bois suit Yoon Ji-Eun jusque dans ses dessins sur papier : on le retrouve dans le motif de l’arbre ou bien dans les surfaces veinées, couleurs bois.

Mirage

Les situations décrites dans les œuvres de Yoon Ji-Eun s’inspirent souvent de photos où elle se met en scène, ou d’images qu’elle trouve. Elles s’organisent autour d’une figure féminine aux yeux bandés qui n’est autre que l’artiste elle-même. Les yeux bandés symbolisent le sentiment d’isolement et de solitude de la jeune femme qui s’est retrouvée cloitrée avec un nourrisson, dans un pays qui n’est pas le sien. La figure évolue dans les paysages, un filet vide sur le dos ou en train de délimiter une chaine de montagnes avec ce même filet, ou bien devant un livre ouvert offrant des paysages différents… S’agit-il d’une interrogation de la notion d’appartenance, de la définition d’un territoire ? Les questions d’identité et de repères sont sous-jacentes dans l’œuvre de Yoon Ji-Eun. Ailleurs, cette même figure se trouve face à une montagne raide avec du linge au sommet. On imagine le chemin qu’il lui faudra parcourir avant de poser encore du linge sur le tas. Quel est le rapport entre la tâche suggérée et le personnage ? Obligation, destin ou choix ? C’est un Sisyphe contemporain face à l’absurdité ; c’est un personnage solitaire, même en compagnie des autres, rappelant l’art des lettrés coréens où l’individu se trouve dans un paysage grandiose. L’artiste explique que pendant l’élaboration d’une œuvre, les éléments environnants (montagnes, rivières, sentiers, formes géométriques) apparaissent devant les figures comme des mirages. Des sources d’étonnement qui s’introduisent, s’imposent, créant des ruptures ou des points d’ancrage dans le mouvement incessant du temps et de l’existence. Souvent la même figure se retrouve dans des situations différentes dans un même tableau. Est-ce une façon de suggérer une évolution ou des hésitations ? Les œuvres préservent leur énigme — ne laissant aux personnages sans visage que la possibilité de poursuivre leur ronde, d’exécuter les mêmes tâches, dans des univers où seul l’environnement change.

Née en 1982 en Corée du Sud, Yoon Ji-Eun a déjà beaucoup exposé en France où elle est venue compléter sa licence d’arts plastiques (section gravure) de l’Université Hong-Ik (Séoul), par des études à l’ENSBA (Paris), auprès de Jean-Michel Alberola. En 2008, elle a été sélectionnée pour le Prix de dessin de Pierre David-Weil. L’année d’après, elle est exposée à Jeune création au CENTQUATRE, et, en 2010, elle est présentée au Salon de Montrouge. Une collaboration avec la Galerie Schirman & de Beaucé l’emmène à la FIAC (2010), au salon DRAWING NOW (2011) et en 2010, la galerie accueille son exposition personnelle Les lents nuages font dormir. Tout récemment, Yoon Ji-Eun a participé à l’exposition Ce que je trouve (pas) chez elle à la Maison des arts de Créteil (2012). Elle est également représentée dans le livre Des artistes dans leur monde — un aperçu de la scène émergeante en France édité par La Gazette Drouot (2012).

Maria Lund
  • Nocturne — Yoon Ji-Eun — Mirages Finissage Vendredi 12 avril 2013 19:00 → 21:00
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