You Have Been There — Départs, bifurcations
Exposition
You Have Been There
Départs, bifurcations
Passé : 6 → 30 juillet 2011
Une proposition de Marie Muracciole
« Vous avez été là » — cette exposition réunit un ensemble d’œuvres autour de l’idée du départ. Certaines sont liées au simple passage d’un lieu à un autre ou d’un temps à un autre. D’autres se réfèrent à des transformations de l’existence, à la fin d’une histoire ou d’une croyance. Chacune figure à sa manière l’énergie et la perte que génèrent les changements de trajectoires, les choix, les séparations. Le titre renvoie à une vision fugitive, ou plus analytique, des distances parcourues ou imaginées, des ruptures et des métamorphoses accomplies.
Onze artistes aux pratiques distinctes et issus de générations et de contextes différents, se rencontrent autour d’un dénominateur commun momentané qui est la figure du départ ou celle de la bifurcation. Cartographies, relevés transitoires, constellations fictives, représentations de l’attente ou de la séparation, ces images ne peuvent former une seule histoire et se prêtent aux déplacements de l’imaginaire. Elles ne se ressemblent pas et ne se complètent pas. Elles ne proposent pas de cohésion formelle ou idéologique. Leur présence ici ouvre des territoires et des dérivations possibles, et invite à y circuler à notre tour.
Départs
La cosmogonie disposée par Annette Messager sur une table où ses éléments semblent temporairement échoués s’intitule L’ensemble des mondes. Les planètes sont des globes terrestres pris dans des fragments de corps, des filets ou des objets, et ces figures hybrides gravitent dans un univers mental qui accorde le dérèglement et la fable.
Moyra Davey associe la notion d’accident à sa pratique photographique, en particulier dans ses Mailers, une série constituée de groupes d’images qu’elle expédie par la poste vers leur lieu d’exposition et qui portent les signes du voyage accompli. The End est constitué de douze « mailers » et donne une définition du départ radicale et définitive. Car les photographies se réfèrent au poète John Keats et aux lieux qui lui sont attachés à Rome où il est mort à 25 ans en 1821.
Le cinéaste Amar Kanwar évoque en quatre actes brefs, d’une économie narrative radicale, l’histoire d’une séparation. Une grande part des images de A Love Story est prise dans une décharge gigantesque à la bordure de New Delhi. L’espace de tri et de transformation des rebuts est transfiguré par la lumière et l’activité qui s’y déroule renvoie aux processus de la mémoire — la préservation et le choix, le rejet et la séparation, le recyclage des traces de ce que nous vivons et l’oubli de ce que nous perdons.
Attentes, intersections
Les trois photographies de David Goldblatt nous transportent dans la banalité de la vie occidentalisée : automobiles stoppées par la circulation, salle d’attente d’organisme de crédit. Autant de cadres quotidiens qui modèlent ensemble l’autonomie et l’isolement.
Dans Intersection, Jeff Wall dresse une trame urbaine saturée, où de rares passants et des manifestations très minoritaires de la nature affrontent le règne du construit et l’invasion verbale de l’affichage. Les véhicules qui avancent et les signes de clôture de l’espace n’évoquent pas vraiment la circulation et la possibilité du passage. Cette image, comme d’autres photographies de Wall, a saisi une cohabitation entre des mondes qui se croisent sans entrer en contact.
Gerard Byrne a photographié des arbres dans des lieux où Samuel Beckett a vécu. Il les a mis en scène comme des décors de théâtre en référence à la didascalie qui ouvre En attendant Godot : « Une route de campagne. Un arbre. Soir ». Ni l’un ni l’autre ne sont le véritable « point de départ » de la pièce, mais ils évoquent les coexistences entre la littérature et la vie, entre l’imaginaire et le quotidien.
Enfin avec Le Mur des Paresseux, Restaurant de la villa Harris ou Family Tree, les photographies d’Yto Barrada associent les signes de l’abandon et de l’attente avec ceux de la projection du désir, ou de la métamorphose du temps : rêves de départ impossibles, désencombrement des images du passé, ou états hybrides de ruines modernes envahies par des végétations inquiétantes.
Bifurcations, dérives
Dans la série des Mapping Journey, Bouchra Khalili a filmé huit migrants clandestins qui racontent leur trajet jusqu’en Europe et en retracent les étapes sur une carte murale. À chaque film, elle a attribué une sérigraphie, transformant le parcours effectué en une constellation céleste dont les astres sont terrestres.
Prey de Steve McQueen a pour figure principale un magnétophone qui diffuse un son énigmatique, à la fois discontinu et saccadé. L’objet posé dans l’herbe s’élève brusquement, attaché à un ballon, arrachant à la gravité terrestre le motif ténu et insistant d’un numéro de claquettes.
Go with the Flow est une fraction de mythologie personnelle ; Christoph Keller y raconte comment il a confié à la bifurcation nord-sud d’une rivière japonaise l’orientation de ses recherches entre la science et l’art. Dans cette fiction, la décision est prise par « le courant » et la « nature ». Dans l’œuvre de Keller, le choix entre les formes différentes de l’expérimentation reste ouvert comme la trace de cette bifurcation initiale.
Pierre Huyghe a réalisé pour cette exposition un collage en trois temps. Il est parti de lieux dont l’histoire vit un nouvel épisode à Paris — le trou des Halles et le zoo de Vincennes. Avec des images trouvées, découpées et dont il fait dériver des fragments, il cartographie un projet impossible : une réplique grandeur nature d’espaces perdus, détruits, ou réhabilités, un paysage composite et dans lequel il est possible de se perdre.
Les artistes
- Jeff Wall
- Bouchra Khalili
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Pierre Huyghe
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Gerard Byrne
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Christoph Keller
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Annette Messager
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David Goldblatt
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Yto Barrada
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Amar Kanwar
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Moyra Davey