
Isabelle Suret Gallery
Au fil des différentes adresses de la galerie Anton Weller, une attitude nomade a pris forme, première tactique pour se départir de l’identité traditionnelle d’une galerie comme lieu établi dans sa fixité. Cet itinéraire parisien vient préciser la volonté d’Isabelle Suret d’offrir aux artistes des lieux non codifiés selon les normes habituelles, de renoncer aux monolithiques murs blancs imposant au cadre une sorte d’abstraction déjà toute tendue vers la muséification : elle leur a préféré, dans un premier temps, des espaces domestiques, appropriables et concrets, plus intimes et propices à la rencontre. Car montrer n’est pas seulement proposer un accrochage ou un dispositif valide dans un espace plus ou moins neutre ou connoté, c’est, pour Isabelle Suret, se mettre en quête d’un espace aux convenances d’une œuvre et la conduire vers la situation désirée voire rêvée par l’artiste.
Susciter un nouveau rapport à l’œuvre exposée en provoquant les circonstances favorables à sa rencontre, s’accompagne aussi et peut-être avant tout d’une détermination à trouver un autre mode de fonctionnement pour une galerie, dans une situation de crise de l’art contemporain, de son marché et par conséquent de son public. C’est cette réflexion qui amène Isabelle Suret à reposer la question du lieu et du sens de sa galerie afin de résoudre la péréquation entre deux termes non pas antinomiques mais délicats à associer : celui de l’exposition et celui du marché de l’art ou autrement dit celui de l’œuvre et celui du galeriste. Cette distinction s’exprime déjà par l’effet d’une double nomination accordant à la galerie le statut de structure logistique (galerie Anton Weller), subordonnée au respect de ce moment de relation à l’œuvre (Chez l’un, l’autre) que constitue pour l’artiste comme pour le public, une exposition.
Opter pour des lieux atypiques, c’est alors favoriser un recentrement sur l’œuvre et lui proposer les moyens adéquats de sa présentation. C’est aussi la faire sortir de cet écrin irréel de l’espace quasi-sacralisé de la galerie et l’inciter à occuper des territoires non plus en marge voire en retrait mais ouverts et communs à tous : lieux atypiques à l’art mais ordinaires à la vie. C’est cette voie originale qu’Isabelle Suret s’applique à développer.
Cette réconciliation entre une liberté permise à l’artiste et son inscription dans le champ du marché de l’art, constitue une alternative à l’antagonisme ressenti entre galeries et centres d’art : les unes réputées pour leur seule allégeance au marché, les autres pour la souplesse d’expérience qu’ils offrent aux artistes. Discerner ainsi les deux natures qui sont constitutives de la définition même d’une galerie d’art est, semble-t-il, une manière justement évaluée de prendre aujourd’hui position.