Béatrice Balcou
Conversation avec Devrim Bayar & Zoë Gray commissaires de l’exposition « Un-Scene III », WIELS, Bruxelles, 2015 (extrait)
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Devrim Bayar & Zoë Gray : “Cérémonie” est le terme que tu utilises pour décrire les performances que tu conçois autour d’une œuvre existante. Quel est le sens de ce terme ? Quelle place occupe le sacré dans ta pratique ?
Béatrice Balcou : Le terme « cérémonie » évoque ici la conduite d’un rituel devant un petit nombre de personnes. C’est également une référence implicite au chanoyu, la cérémonie du thé japonaise avec laquelle je partage la délicatesse des gestes ainsi que la mise en place d’une temporalité et d’un espace spécifiques. Par le biais d’un rituel, qui n’est autre que celui de l’installation de l’œuvre, mes cérémonies créent une communauté éphémère autour d’un seul objet et proposent de s’interroger sur notre manière de regarder les œuvres d’art. […] Lors de la cérémonie, l’œuvre devient en effet sacrée mais en même temps elle est aussi démystifiée puisqu’on découvre son conditionnement et les conditions marginales de sa manipulation et de son installation.
Devrim Bayar & Zoë Gray : Dans tes cérémonies, tu présentes des pièces réalisées par d’autres artistes.
Comment arrives-tu à naviguer entre l’approbation, la critique, l’appropriation et l’instrumentalisation ?
BB : Avant chaque cérémonie, j’entre en dialogue avec l’artiste ou le responsable de la collection. Ces rencontres sont importantes parce qu’elles permettent une meilleure compréhension de l’œuvre et tiennent lieu de contrat moral. Lors de ces rencontres, le responsable de la collection, le régisseur ou l’artiste lui-même m’apprennent à manipuler l’œuvre et nous nous mettons d’accord sur les conditions dans lesquelles la cérémonie va avoir lieu. Je ne pense pas être dans l’approbation, la critique, l’appropriation ou dans l’instrumentalisation car je ne modifie pas l’œuvre, ni ne la commente. Je la présente juste dans un autre contexte.
Devrim Bayar & Zoë Gray : Le temps semble occuper une place centrale dans ton travail. Dans une société accro à la vitesse et qui a tendance à voir diminuer son temps de concentration, tes cérémonies obligent le public à appuyer sur pause, à rencontrer une œuvre d’art dans une temporalité vraiment inhabituelle. […]
BB : Mon travail propose en effet une décélération et invite à aller à l’encontre d’une approche « touristique » du musée, du musée comme lieu de consommation des œuvres. Afin de rendre précieuse cette rencontre avec l’objet d’art, j’inscris mes cérémonies dans une autre temporalité : elles ont lieu, lorsque cela est possible, en dehors des heures d’ouverture du musée, même parfois à 8h30 le matin !
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