Caro Suerkemper
Que révèlent les poupées-créature de Caro Suerkemper sur notre perception de la sexualité ? Sont-elles des figures de projection ? Dʼoù provient notre fascination face à ces scènes ambivalentes, ces actes de séduction dans lesquels les ingénues sʼexhibent tout en se refusant ? Le musée imaginaire de Caro Suerkemper est peuplé de femmes vêtues de costumes traditionnels et populaires, de cupidons rococo ainsi que de Saints catholiques pris dans un ravissement. Ses acrobates charmeuses conçues en une matière fragile, évoquent autant la tradition de porcelaine de Meissen que les Netsukes érotiques, miniatures japonaises. Ses aquarelles peintes avec délicatesse, représentent des saynètes que lʼon pourrait emboîter les unes dans les autres. Souvent de petit format, elles demandent au visiteur de sʼapprocher, suscitant ainsi chez lui un plaisir voyeuriste, celui de découvrir ce qui se tient caché.
Ses sources contemporaines proviennent du hardcore porno, notamment des annonces sado-masochistes. Lʼartiste est fascinée par les positions extrêmes, les tournures des corps, quʼelle reproduit ensuite sur du papier transparent. Avec malice, elle réinvente à chaque protagoniste une tête appropriée. Dans son travail, elle interroge les clichés de ces femmes prises dans des jeux de rôles aliénants et qui affichent continuellement la même expression de « pétasses perdues » selon lʼexpression de lʼartiste. Cette apparente absence fait dʼelles des écrans de projection pour le spectateur.
Lʼartiste décline des situations convenues, tout en donnant à ses créatures le pouvoir de renverser la logique de domination et de soumission de sorte que le regardeur se voit confronté à ses propres fantasmes en devenant prisonnier de son propre objet de désir.
Trônant coquettement au sommet dʼune colonne, une Sainte en robe virevoltante sʼy agrippe fortement à lʼaide de ses jambes, tandis que ses mains placées dans le dos semblent nouées par des chaînes invisibles. Comme sʼil assistait à un spectacle de cirque ou à une revue du Moulin Rouge, le spectateur est saisi par lʼeffort physique inattendu de la demoiselle, alors même que cette danse érotique semble contrebalancée par une inexplicable lutte intérieure. Lʼexhibition du corps sʼoppose ainsi à lʼexpression du visage qui sʼabsente. Une légèreté enjouée fait face à un effort extrême. A la fois défiantes et perpétuellement en attente, voici ce qui caractérise ces captives si attachantes. Elles sʼapparentent à des poupées, prêtes à toutes les farces. « Les poupées nous sont données dès le berceau », souligne ironiquement lʼartiste, dont le corps féminin constitue le point de départ de son travail.
Dans une autre sculpture, trois grâces forment une triade. Celle placée en hauteur, vêtue dʼune robe bleu ciel, élève sa tête vers la sphère céleste tout en sʼappuyant sur ses deux copines dénudées. Ces créatures sont à la fois sublimes, boute-en-train, effrontées et aimantes.
Caro Suerkemper
Contemporain
Céramique, dessin, sculpture
Artiste allemande née en 1964.
- Localisation
- Berlin, Allemagne
- Thèmes
- Condition humaine, consommation, féminisme, identité sexuelle