Levi van Veluw
Le monde de Levi van Veluw est régressif : ses derniers travaux révèlent le sens des premiers, chaque nouvelle œuvre vient éclairer les séries passées, il fonctionne comme une spirale qui remonterait inlassablement le temps, à la recherche du fait déclencheur, de là substance première, des origines.
Au début justement il y a un cauchemar récurrent : dans sa chambre un enfant tente de maintenir groupées entre ses mains des billes de verre. Elles glissent entre ses doigts, s’échappent, roulent et s’éparpillent dans tous les coins de la chambre alors que l’enfant tente de les regrouper et de les maintenir ensemble.Mais toujours l’une d’entre elles finit par lui échapper.
L’ordre est cassé, les barrières ont cédé. Les billes roulent, se répandent et l’enfant doit tout reprendre, les ramasser, une part une, les regrouper et les contenir : chasser le chaos, inlassablement.
La série « The Collapse of Cohesion » rejoue ce rêve à l’infini : la chambre de l’enfant, son lit, son bureau, l’armoire patiemment ré-inventée, ré-ordonnée, figée pour un temps dans un ordre merveilleux. Les traits du dessin sont doux. Le calme règne.
Bien vite cependant le vent se lève, la haute marée arrive, le parquet ondule, les chaises se soulèvent. La chambre se disloque, se désagrège sous l’effet des forces de la nature : l’ordre retourne au chaos, les tables s’effondrent, les armoires s’affaissent, les cabinets explosent. Les billes à nouveau renversées, le monde vacille.
Et l’artiste rejoint l’enfant.
Le temps a toutefois apporté un début de compréhension et de lucidité à l’artiste. Quelques remèdes aussi : ces représentations du chaos sont avant tout des créations de l’esprit. Avant que d’être posé sur le papier, il est mentalement ordonné : Levi van Veluw ne procède pas par dessins préparatoires — l’image, mûrie, s’inscrit directement et sans hésitation sur la feuille vierge.
En d’autres mots, ce chaos est une structure. Un chaos ordonné. Un chaos élaboré et contrôlé par son créateur. Un chaos que l’artiste a su apprivoiser, comme ces mauvais rêves que l’on rationalise afin de les désamorcer, de les atténuer en mettant en exergue leur invraisemblance.
Et pourtant. Les lignes droites ne le sont jamais totalement. Les faces des cubes ne sont pas totalement identiques. Peut-être même les parallèles sont-elles fausses.
Alors le papier se déforme, des temps anciens l’onde remonte, la tension arrive, les doigts se tordent, l’emprise se desserre, et les billes, à nouveau, se répandent dans la chambre de l’enfant.
Levi van Veluw
Contemporain
Dessin, installations, photographie, vidéo
Artiste né en 1985 aux Pays-Bas.
- Localisation
- Pays-Bas
- Site Internet
- levivanveluw.com
- Thèmes
- Architecture, portrait