Louis Gary
Les œuvres de Louis Gary travestissent, dans un carnaval de formes, les catégories qui organisent le fourbi de l’existence, leur genèse également. Des figures sculptées sont élaborées à partir de polystyrène, de plâtre et de peinture, avec le secours des gestes du peintre en bâtiment, du façadier et du modéliste-maquettiste. Chaque élément des figures est revêtu d’une couleur unie, maillon d’un coloriage net et régulier, comme inspiré, par lecture certes abusive, de la ligne claire. Cette palette, soit enfantine soit schématique, contrefait une harmonie trop primaire. La matière des sculptures est polie, presque transcendée. Mais ces mongolos (c’est ainsi que l’artiste, par commodité, nomme ces sculptures) et leur esthétique bien huilée modèlent sans hiérarchie tout et n’importe quoi, flanquant parfois de titres philosophiques les objets les plus triviaux et livrant des images du monde particulièrement déboussolantes. L’idiotie qui y est affectée participe à leur drôlerie, mais elle fait aussi office de méthode.
La pratique de l’artiste, en s’appuyant sur le labeur, l’empirisme ou la patouille, dégage ses ambitions encyclopédiques de tout appareil conceptuel. Il y a à la place une attention à l’environnement dans lequel s’établit l’œuvre, et à ce qu’un contexte peut générer de formes singulières. Louis Gary s’est ainsi accommodé en 2018 d’un long déplacement familial en Nouvelle Zélande pour réactiver sa pratique de la photographie. Travaillant à la chambre et sans trépied, il a produit un corpus d’images qui suivent le cours de la vie pour en rapporter les inflexions. Biographiques, elles oscillent dès lors entre le déjà-vu et l’insolite. Les emboîtements et les concordances qui régissent le travail de Louis Gary semblent singer les lois de l’ADN : rodées mais en même temps mutantes, engendrant des formes sui generis.
— Antoine Camenen pour L’ahah, 2019.