Michel de Broin
Au moyen d’une collection d’objets fascinants, les œuvres de Michel de Broin incarnent les aspirations utopiques modernes tout en cherchant à échapper à leur nature contraignante. L’intérêt de son projet tient au doute qu’il sème quant au pouvoir et à la valeur des idées, ce qui l’oblige à les mettre véritablement au travail face aux exigences du réel dans des œuvres qui rendent habilement visibles les comportements des matériaux — et par analogie ceux des systèmes sociaux — soumis à des forces et à des contraintes. Dans des formes et des moyens d’expressions multiples, l’ironie est utilisée comme méthodologie et l’amène ainsi à examiner les conditions stratégiques de possibilités propres à un contexte donné, pour ensuite poser un inconditionné, et enfin, inventer une issue sans précédent.
L‘art comme conspiration
Question posée à l’art, face à l’objet, par l’artiste, par son public, par la critique : « Pourquoi y t-il quelque chose, plutôt que rien ? ». Car, après tout, il pourrait très bien ne rien y avoir. Ce serait peut-être mieux. Après tout, si tout est dans l’idée, comme le rêve le projet conceptuel en art, il vaudrait mieux qu’il n’y ait rien et que tout reste à sa place d’origine, à savoir dans l’idée. Et, pourtant, on le sait, il y a toujours quelque chose, un petit quelque chose, une trace, un objet trouvé, ne serait-ce qu’un semblant d’objet, et il faut bien composer avec cette réalité.
La question rappelle celle du philosophe Martin Heidegger, et ce n’est pas qu’une simple analogie : « Pourquoi y a-t-il quelque chose, plutôt de rien? ». C’est par cette question que Heidegger résumait 2500 ans de métaphysique. Et le geste de Heidegger consistait à faire valoir que l’essentiel désormais n’était pas dans la réponse, mais dans la question même, nécessairement et indéfiniment ouverte. Il y a de l’être, il faut bien s’y faire, mais aucun fondement ne pourra jamais en rendre raison. Maintenir ouverte la question oblige l’homme à se confronter au fait qu’y a quelque chose plutôt que rien.
Or, Michel de Broin est un artiste qui prend au sérieux la question ontologique en art. C’est un producteur, fabricant et créateur, au sens le plus métaphysique du terme, il fait exister matériellement les idées qui l’habitent. Si le projet l’exige, il se fera même mécanicien, ingénieur, ou artisan. Il a ainsi modifié une Buick 1986 pour qu’elle fonctionne en exploitant l’énergie renouvelable fournis par les passagers, fabriqué une bicyclette qui se déplace en transformant la volonté en fumée, transpercé de flèches gigantesques un bâtiment muséal pour identifier géographiquement le lieu de l’art. Et pourtant, tous ces projets ne prennent sens que dans le discours qui les accompagnent, et les concepts qui les encadrent. Alors pourquoi donc fallait-il fabriquer des objets? Et pourtant tout est là. Aussi absurdes et dérisoires qu’ils soient, ces objets se doivent d’être là. Et Michel de Broin ne nous épargnera pas cette confrontation. Alors, pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Michel de Broin
Contemporain
Art urbain, photographie, sculpture, techniques mixtes
Artiste canadien né en 1970 à Montréal, Canada.
- Localisation
- Montréal, Canada
- Site Internet
- www.micheldebroin.org
- Thèmes
- Ironie, société