Peter Hujar
Les œuvres de Peter Hujar racontent — sans jamais forcer le trait, mais en chuchotant –, la sensualité des corps, la brutalité de l’architecture et le parfum du New York interlope des seventies. Des merveilles n’ayant jamais répondu et qui ne répondront jamais à l’économie de l’attention. Qui plus est, l’artiste n’a jamais voulu crier son talent sur tous les toits. On dit même qu’il raccrochait au nez des marchands. Avec pour conséquence d’avoir été très peu exposé de son vivant et, à sa mort, d’avoir été vite oublié. Il est resté «un artiste d’artiste», comme on dit dans le jargon.
Peter Hujar, c’est le New York de la nuit après la nuit, un New York en after où, après avoir fait la fête, on se retrouve avec soi-même et dans le silence. Il photographie ainsi la plupart de ses modèles chez lui, hors de cette vie urbaine trépidante, sur une simple chaise ou en position allongée. L’artiste excelle quand les corps se relâchent et il en tire ses plus beaux clichés.
L’artiste montre un New York vulnérable défiant l’image arrogante et fantasmée qu’on aime lui attribuer. Sa city à lui est intime, confidentielle et se dévoile dans une atmosphère ouatée et tendre. Sa chaleur et son éclat s’échappent des êtres et non de ses néons ou de ses paillettes. Voilà pourquoi le photographe est un grand adepte du lit et célèbre ce flirt entre la peau et ces tissus de chambre dans lesquels on laisse toujours un peu de soi. Retenons ce cliché, où l’icône transgenre Candy Darling, fière, prend la pose comme une star de cinéma alors qu’elle combat son cancer dans un lit d’hôpital.
Certaines de ces photos se retrouvent dans le seul livre qu’a publié Hujar, Portraits in Life and Death (1976). Entre des clichés de momies des catacombes de Palerme, il dévoile des portraits de son entourage: des artistes reconnus comme John Waters, William Burroughs ou Paul Thek, mais aussi et surtout des créatures anonymes ou tombées dans l’oubli (danseuse de night-club, acteur queer, dramaturge, écrivains…) Eux aussi façonnent l’underground et Peter Hujar, par son geste, les fait entrer dans l’histoire. «Voilà la communauté à laquelle j’appartiens», clame l’artiste, explicitant sa démarche à rebours d’une photographie mondaine ou documentaire.
Au fil de sa vie, Peter Hujar photographie de nombreux performeurs drag (comme Ethyl Eichelberg ou les Cockettes) et adeptes de l’esthétique camp. Susan Sontag la théorise dans son essai Notes on Camp en 1964. Elle la désigne comme « un amour de l’anormal, de l’artifice et de l’exagération [et] l’extension la plus poussée, en sensibilité, de la métaphore de la vie vécue comme du théâtre ». Le photographe en propose une vision extrêmement fine et d’autant plus troublante. La théâtralité véhiculée par les vêtements de ses modèles fond sous le poids de leur vulnérabilité, de sorte que l’artifice semble n’en être plus un.
L’artiste se considérait en fait comme un « authentique », un « vrai »: « Je veux que les gens puissent l’éprouver tacitement et sentir son odeur », dit-il à propos du corps qu’il photographie dans ses nus, soulignant les imperfections: cicatrices, saleté, traces de chaussettes, rides…
Peter Hujar
Contemporain
Photographie
Artiste américain né en 1934 à New Jersey , États-Unis. Mort en 1987 à New York , États-Unis.
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