Philippe Quesne
Scènes
Un théâtre de farces et attrapes qui se contente de trois fois rien, de quelques rameaux de bois bombés et de fumigènes bon marché. Un théâtre de boules à neige qui s’autorise tout, les relectures de Scorpion à la flûte à bec, comme les déluges en demi teinte, sans drame.
Il faut dire que depuis ses débuts, Philippe Quesne, ancien scénographe passé par les arts déco, s’évertue à défaire les carcans et à balayer les convenances. « A déconstruire la fabrique des images théâtrales » explique joliment celui qui conseille aujourd’hui de regarder ses spectacles comme des paysages et de s’y immerger au gré des variations climatiques.
A la galerie Schirman & de Beaucé, il présente un ensemble de clichés panoramiques et génériques qui figent, le temps d’un arrêt sur image, le souvenir cotonneux de ses trois derniers spectacles, L’Effet de Serge (2007) La Mélancolie des Dragons (2008) et Big Bang, dernier en date présenté au Festival d’Avignon 2010. Au sous-sol, l’installation Le Jardin des Hommes Invisibles (2011) est une portion de paysage enneigé hanté par de doux métalleux chevelus, directement prélevé sur l’un de ses spectacles qu’il a reconstitué. Et là encore, avec ses airs de-pas-y-toucher, Philippe Quesne cultive l’art de la transgression. Evacuée, l’indétrônable unité de temps et de lieu qui dissocie le théâtre du reste du monde. Ici tout est permis, repartir (symboliquement) avec un bout de spectacle mis en boite (les images contrecollées sur plexiglas évoquent les boites des entomologistes) ou fouler le sol du sacro-saint décor généralement remisé sur scène, et donc inaccessible. Dans cette exposition comme dans ses spectacles, Philippe Quesne adopte la même posture, celle de l’orchestrateur qui officie aussi bien en live et en régie, pour tirer les ficelles du jeu sur scène et les réactions du public, qu’en off et en sourdine dans ses installations. Il y a du Fischli & Weiss dans ces parties de ventriloquie où la ronde animée des objets entre en collision avec les interventions économes et pudiques des acteurs qui semblent, à leur tour, agités par une puissance extérieure. On pense encore à la bien nommée Test Room Containing Multiple Stimuli Know to Elicit Curiosity and Manipulatory Responses brevetée par l’américain Mike Kelley en 1999 et récemment remontrée dans l’exposition Move à la Hayward Gallery à Londres. Dans cette installation aux allures de playground pour grands enfants, les spectateurs / performers ressemblent à des cobayes dont on enregistre les émotions et vérifie les automatismes.
Moins accablant, plus tendre aussi, le théâtre de Philippe Quesne (qu’il s’exprime sur scène ou dans l’espace d’exposition) exerce cependant une forme d’expérimentation similaire et attentive aux objets étrangement doués de raison, comme aux acteurs et aux spectateurs qui parfois ont tendance à se confondre. Reste en toile de fond cette carnation verdâtre qui a gagné le cœur des aventures du Vivarium Studio de Philippe Quesne. Un vert nucléaire d’après la catastrophe, qui résonne aujourd’hui en canon avec les sirènes d’alarme de Fukushima, un vert oxydé qui anesthésie légèrement et permet mine de rien de faire passer la pilule. Preuve encore que Philippe Quesne n’est pas une contradiction près, avec ses spectacles teintés, quand le vert reste sur scène et jusqu’à preuve du contraire, persona non grata.
Philippe Quesne
Contemporain
Installations, performance, photographie, techniques mixtes
Artiste français né en 1970 en France.
- Localisation
- Paris, France