Romaric Hardy
« L’art est la recherche de l’inutile ; il est dans la spéculation ce qu’est l’héroïsme dans la morale. »
Gustave Flaubert
Romaric Hardy est un ermite. Non pas qu’il se soit retiré du monde et des hommes pour se livrer à d’audacieuses méditations. Non, ce choix de la solitude est une évidence, il lui permet avant tout de profiter du temps, d’en contrôler l’écoulement, de vivre à son rythme, sans autres contraintes que celles qu’il se fixe. Ses errances quotidiennes, ponctuées de lectures ou d’activités physiques, sont avant tout le laboratoire quotidien de Romaric Hardy, où tel Bouvard et Pécuchet, il se soumet au bon vouloir de cette poésie monotone de la découverte et de l’observation, pour mieux en saisir les moments et les situations (qu’il provoque parfois), comme autant de décors potentiels à la réalisation d’œuvres de formes diverses. Là, un jaune d’œuf maintenu sur le mur à l’aide d’un clou, ou bien une pastèque lâchée au-dessus d’une lame de couteau posée sur un socle ; ici une série de photographies aux cadrages aléatoires tentant de saisir l’instant ou un chat disparaît de nuit sous une voiture, ou bien encore cette courte vidéo le mettant en scène dans une épiphanie de roulades dans une flaque de boue. Bien entendu, l’importance de l’équilibre et l’absurdité gratuite du geste sautent tout de suite aux yeux. Car il est ici question de la fragilité, des matériaux bien sûr, mais aussi des situations, de ce jeu équilibre/déséquilibre qui transforme l’exploit en échec, la maîtrise millimétrée en fiasco total. Pourtant, bien loin de se satisfaire de l’habile prouesse, Romaric Hardy préfère montrer l’inutilité, l’absurdité et le non-sens grotesque de ces vanités. De plus il n’hésite pas à se mettre lui-même en scène, exécutant d’inutiles acrobaties, jouant avec le décor comme aurait pu le faire Buster Keaton ou les Monty Pythons, dans un jeu de posture et d’imposture. L’espiègle cabinet de curiosités qu’il construit lentement est une collection d’objets, de souvenirs et de traces de ses actions passées. Qu’il soit sculpteur, performeur, vidéaste ou photographe, Romaric Hardy met en scène l’acharnement de la conquête de l’inutile, dont l’issue n’est que l’autosatisfaction. Qui n’a jamais fait de châteaux de cartes ? Qui n’a jamais fait d’alignement de dominos, maintenus en équilibre dans le seul but de s’écrouler les uns sur les autres ? Qui ne s’est jamais essayé au ricochet ? Actes gratuits ? Pas si sûr, puisque nous éprouvons tous une certaine fierté dans la réussite de ces entreprises, et c’est sur ce terrain justement que s’exprime Romaric Hardy.
L’errance et l’ennui comme prétextes aux défis, aussi inutiles qu’ils soient comme actes artistiques. Cette attitude anti-spectaculaire n’ayant bien sûr que pour unique but de nous confronter à nous-mêmes, non pas pour dénoncer les travers de nos occupations mais plutôt pour en rire avec poésie et légèreté. D’ordinaire, l’occupation futile est illégitime, regardée avec dédain comme pour mieux la circonscrire en pathologie de la perte de temps.
Pourtant, ce que nous fait partager Romaric Hardy, c’est la possible liberté gratuite et universelle qui réside dans la flânerie.
Romaric Hardy
Contemporain
Installations, performance, photographie, sculpture, vidéo
Artiste français né en 1983 à Cherbourg, France.
- Localisation
- Toulouse, France
- Site Internet
- romaric.hardy.free.fr
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