Zineb Sedira
Quand on demande à Zineb Sedira de se définir, elle répond « gardienne d’images », la formule est juste. « Gardienne d’images » évoque « gardienne de la mémoire ». Il s’agit bien de cela, d’un travail sur la mémoire, sa conservation, sa transmission, mais aussi les altérations qui l’affectent, quand le temps passe, et les querelles dont elle est l’enjeu quand des façons opposées de se souvenir d’un même événement s’affrontent.
Contradiction visuelle active
Pour ses vidéos Sephir et Middle Sea, Zineb Sedira emploie deux écrans. Le spectateur doit aller de l’un à l’autre et s’interroger sur les rapports ainsi créés entre deux images. Si l’une est d’une beauté plastique parfaite, l’autre rectifie en s’arrêtant sur un détail trivial. Si l’une amorce une narration, l’autre s’y refuse.
Ce principe de la contradiction visuelle active s’applique aussi aux photographies, en diptyque ou en groupe. Quand Zineb Sedira se rend sur la côte de Mauritanie, ce n’est pas pour célébrer les couleurs admirables du désert et de l’océan, mais pour circuler entre des épaves dont des miséreux découpent la ferraille. Quand elle photographie la mer ou Alger, elle résiste à la tentation du paysage sublime. Et l’une de ses séries, consacrée aux ruines, se nomme Framing the View : question de cadrage, autrement dit.
Au Palais de Tokyo, deux vidéos passent ensemble, dont l’une en deux images couplées, noir et blanc à gauche, couleur à droite. Elles sont consacrées à Mohamed Kouaci (1922-1996), photographe de la guerre d’Algérie et de la première décennie d’indépendance.
Il a accumulé des milliers de négatifs et de tirages, archives d’un intérêt immense. Mais qui n’intéressent personne en Algérie. Sa veuve Safia, vieille dame inquiète, les protège tout en se demandant comment les préserver après sa mort. L’ayant découverte fortuitement, grâce à une amie, Zineb Sedira a convaincu Safia Kouaci de répondre à ses questions sur sa vie et celle de son mari, leur engagement, le passage par la Tunisie où se trouvait le gouvernement provisoire, les reportages dans les maquis — puis la fête à Alger, la rivalité politique entre Ben Bella et Boumediene, les visites de Fidel Castro, Che Guevara ou Franz Fanon. Le contraste entre les images de Mohamed Kouaci, pleines de visages célèbres et de dates historiques, et la voix de Safia, assise dans son appartement algérois et racontant à voix basse, sans céder à l’emphase, en cherchant les mots justes, met là encore en évidence les mécanismes de formation du récit historique.
Zineb Sedira
Contemporain
Photographie, vidéo
Artiste née en 1963 à Paris, France.
- Localisation
- Alger, Paris et Londres