À l’épreuve du végétal

Exposition

Photographie

À l’épreuve du végétal

Passé : 4 septembre → 30 octobre 2021

Capture 1 grid À l’épreuve du végétal — Les Douches la Galerie Le végétal est un motif récurrent qui traverse l’histoire de l’art et continue d’être présent dans les œuvres d’art contemporain. Symbole de l’impermanence, du cycle des saisons, il inspire une attention, un soin particulier. Les artistes explorent différentes techniques photographiques pour mettre en lumière le vivant sous toutes ses variations.

Du 4 septembre au 30 octobre 2021, l’exposition À l’épreuve du végétal réunit les regards croisés de Thierry Balanger, Sébastien Camboulive, Pascal Kern et Paul Pouvreau. Leurs compositions organiques, qu’elles soient empreintes ou factices, luxuriantes ou nébuleuses, attestent de leur place singulière dans la photographie contemporaine française.

Les Douches la Galerie présente un regroupement d’œuvres photographiques qui ont en commun de mettre en lumière le végétal ou plus largement la nature. Sujet d’exploration, cette dernière est également un modèle d’imitation pour sa capacité à engendrer et à produire des formes. Car l’objectif n’est pas tant de rendre compte de l’existence réelle des choses que d’affirmer un dépassement du modèle initial. L’expérimentation et la manipulation d’éléments réels ou virtuels participent à cette quête et rendent compte des rapports que les artistes entretiennent avec à la sculpture (moulage, modelage), le collage ou la peinture. Les photographies qui en résultent créent une ambiguïté fascinante dans une lecture déployée des formes du végétal.

Chaque Nature (1990) de Pascal Kern se présente sous la forme d’un triptyque de trois éléments photographiés frontalement : une cucurbitacée (citrouille, potiron…) sur fond noir et de part et d’autre son empreinte divisée en deux, à l’intérieur de laquelle des pigments colorés révèlent la trace lui donnant une dimension autant picturale que sculpturale. Le moule comme le film photographique répète et multiplie la même empreinte immobilisée dans l’espace et le temps. Il enferme l’information relative à la « Nature », dont on peut imaginer la re-production, une copie démultipliée qui perpétuerait la mémoire de chaque forme. Cet ensemble nous renvoie autant aux natures mortes (la représentation d’objets inanimés de fleurs, de fruits, de légumes…) qu’à une de ses catégories : la vanité dont le mot issu du latin vanitas signifie littéralement « état de vide ». L’encadrement en bois brut des tirages Cibachromes circonscrit le vide et le plein et confère aux images un volume et un poids qui redouble la lecture de la sculpture.

Les Invasives (2018) de Paul Pouvreau entretiennent également un lien étroit avec la sculpture. Par un travail de manipulation, d’assemblage et de juxtaposition de sacs plastiques colorés, l’artiste crée une nature qui lui est propre. Une nature artificielle réalisée avec une certaine délicatesse dans l’utilisation d’un matériau qui révèle une diversité d’espèces florales réunies en bouquets plus séduisants les uns que les autres. Si l’intention n’est pas de calquer des espèces naturelles particulières, car le plastique produit des formes et des variétés qui lui sont inhérentes, l’artiste participe cependant à une sublimation de l’objet dans le maniement et la découverte des possibles de la matière. Le développement de cette recherche révèle la conjonction de contraires. L’art de cultiver non pas des végétaux mais des espèces plastiques séductrices et invasives est en effet symptomatique d’une société confrontée à des messages paradoxaux et contradictoires basés d’une part, sur la stimulation systématique d’un désir de consommer dans des proportions toujours plus importantes, portée par le marketing et la publicité, et d’autre part, sur la nécessité de participer activement à la protection de l’environnement par, notamment, la limitation de déchets. Objets recyclés par un acte artistique, fixé par le médium photographique, les Invasives ouvrent la voix d’une nouvelle existence à conquérir dans le désenchantement d’un monde dont elle signale majestueusement et en couleur la triste issue.

La série en noir et blanc, Point d’équilibre (2021) de Sébastien Camboulive, composée de tirages pigmentaires au charbon, rend compte d’une démultiplication de végétaux dont l’image en miroir crée une certaine profondeur et des effets hypnotiques renforcés parfois par des passages du positif au négatif. Par son exubérance et son développement complexe, Point d’équilibre pourrait être une résurgence du baroque, cet art triomphateur qui rejette l’austérité et l’humilité. La référence est autant picturale (on pense ici au Plafond du palais de Barberini à Rome (1633-1639) de Pierre de Cortone) qu’architecturale ou liée à l’art des jardins : motifs géométriques divisés par des allées avec les points de rencontre soulignés par des fontaines ou des statues, parterres de fleurs conçus comme des tapisseries avec des bandes d’arbustes et de fleurs formant les motifs… Comme dans les jardins baroques, Sébastien Camboulive, impose par la symétrie un ordre à la nature tout en créant des scènes d’illusions et de théâtralité fantastiques. Dans ses photographies se perçoivent également des figures du grotesque (style d’ornement mis au jour en Italie durant la Renaissance) : figures humaines et animales, chimériques et caricaturales mettant en œuvre les motifs du redoublement, de l’hybridité et de la métamorphose.

Les fleurs cassées (2000-…) de Thierry Balanger sont au croisement de la peinture et de la photographie. Comme le photogramme, ses chimigrammes se réalisent sans appareil photographique. La lumière et la chimie participent toutes deux à la création d’images qui laissent apparaitre des variétés de fleurs (roses, tulipes, pissenlits) et des motifs qui tendent vers l’abstraction et un univers à parcourir. Planète, constellation, supernova, les images montrent une autre facette de la représentation des fleurs mais dont l’origine est bien liée au contact du végétal sur le papier photosensible. Dans une quête sans fin de l’image improbable, l’expérimentation se construit dans la logique de la production qui rend compte du hasard et de l’incertitude affirmés. Les fleurs sont traitées comme des empreintes d’un corps éprouvé par l’exploration des limites de la sensibilité des émulsions. Ce corps peut tout aussi bien être celui du photographe lui-même que de son modèle invité, dans une danse macabre, à rejouer l’effacement corporel d’Hector dans, le récit de Michel Tournier, Les suaires de Véronique.1

Isabelle Tessier, Directrice de cartothèque de Vitré

1 La nouvelle de Michel Tournier met en scène une photographe, Véronique, qui a pour projet de rendre Victor, son compagnon et jeune modèle, le plus photogénique possible en pratiquant sur lui la photographie directe.

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