À l’épreuve du végétal — Les Douches la Galerie
Le végétal est un motif récurrent qui traverse l’histoire de l’art et continue d’être présent dans les œuvres d’art contemporain. Symbole de l’impermanence, du cycle des saisons, il inspire une attention, un soin particulier. Les artistes explorent différentes techniques photographiques pour mettre en lumière le vivant sous toutes ses variations.
Dans ses photographies, Pascal Kern décortique les légumes afin de montrer leurs différentes faces. L’artiste présente à la fois les portraits des cucurbitacées et leurs deux empreintes. Il nous invite à imaginer leur manipulation. Un encadrement en bois participe entièrement de l’œuvre et renforce la volumétrie du sujet photographié. Ses images cibachromes s’approchent de la sculpture, d’une tentative de préserver la trace du poids du légume. Elles font également écho à des icônes, où le légume devenu motif acquiert une certaine présence, quasi précieuse.
Thierry Balanger développe un travail photographique expérimental afin de proposer « une vision des choses à un moment donné ». Par la technique de la chimigramme, il donne une nouvelle vie à des fleurs fanées, cassées, roses, tulipes, pissenlits. Le processus chimique s’approche d’une technique picturale. Des silhouettes, des présences apparaissent et d’autres mondes possibles s’ouvrent au regardeur. La plante est énigmatique, fantomatique, comme revenant à la surface. L’artiste s’en remet au hasard et se laisse surprendre par ce qui apparait sur le papier photosensible. Son image l’amène à visualiser ce qu’il observe et qu’on ne remarque pas forcément. « Je cherche à voir le rien, l’invisible au premier coup d’œil. » témoigne-t-il. Les plantes sont semblables à des corps, encore en mouvement, décomposés et recomposés.
Sébastien Camboulive présente sa série Point d’équilibre, des photographies qui montrent une jungle fournie d’une densité de végétaux. La découverte d’un jardin à l’abandon l’a amené à s’intéresser aux papillons. Une certaine symétrie, en écho aux ailes des insectes, et un foisonnement de plantes sont associés dans ses images hypnotiques. « Par ces manipulations, je recherche une hypothétique harmonie cachée, une possible cohérence, une rigueur sous-jacente dans un amoncellement, à première vue illisible ou sans intérêt. » explique-t-il. L’artiste compose une architecture merveilleuse, inspirant le rêve et le désir d’évasion. « J’ai photographié pour trouver un sens à cet enchevêtrement. » poursuit-il. Face à ses images, nous pouvons nous remémorer des souvenirs de promenades dans des jardins, des moments de contemplation d’une flore épanouie ou redécouverte : une expérience esthétique qui nous amène à revivre des sensations d’une proximité avec une nature proliférante, qui semble avoir repris ses droits sur le bâti.
Dans les images de Paul Pouvreau, il est question d’une manipulation d’un objet du quotidien. Les images de sa série Invasives teintées d’un certain humour, attirent notre attention sur nos consommations de plastiques. Ce travail artistique a pour origine un intérêt pour l’enveloppe des objets, leurs emballages. Il a modelé des sacs plastiques utilisés dans des œuvres précédentes, tel un geste de recyclage. « Ses photographies documentent une époque. » L’élément polluant est métamorphosé pour composer un bouquet de fleurs, une nature morte symbole du monde industriel. L’artiste révèle « le paradoxe d’être séduit par l’emballage alors que celui-ci est vecteur de pollution. » Aux couleurs vives, ses compositions évoquent, par leur titre, le développement d’une végétation sauvage qui reprendrait ses droits sur la ville. Le titre de cette œuvre nous incite également à nous poser des questions quant aux espèces qui se développent dans les anfractuosités du béton. Ses photographies documentent le monde dans lequel nous vivons.
Ainsi, cette exposition révèle de quelle manière le végétal est source de rêverie, incite à des manipulations et à des combinaisons pour nous le faire percevoir autrement. La photographie apparait comme une technique ouverte à de multiples gestes et expérimentations. Il n’est pas tant question du végétal pour lui-même mais plutôt de regards sur des situations, des attentions aux petits éléments auxquels on peut prêter de l’intérêt.