Critiques — Slash Paris

À la galerie Loevenbruck, Arnaud Labelle-Rojoux joue avec les mots comme on compose un joyeux paysage : par fulgurances, dans un élan ludique et un plaisir régressif du partage immédiat. Mais chez lui, l’instant s’inscrit dans la durée. L’aphorisme devient légende — au sens photographique — d’un réel saisi à vif, et retourné sur lui-même.

La galerie David Zwirner présente Studio Conversations, un dialogue artistique tout en subtilité et en finesse qui laisse la part belle à des sensibilités picturales reliées par une mise en perspective d’un réel bien concret et de la tension vers son échappée.

Rencontres impossibles entre objets et régimes de production de ces mêmes objets, les peintures de Hyunsun Jeon (1989), exposées à la galerie Lelong, frappent d’abord par la conjugaison de leur simplicité et de leur complexité.

La galerie Karsten Greve accueille l’exposition Présences de Robert Polidori, photographe canadien renommé pour son exploration de la mémoire à travers son travail de documentation des chantiers de restauration. De Versailles à Pripyat, ses images révèlent la beauté des lieux marqués par l’histoire et le déclin

Le Palais de Tokyo déploie, avec Joie collective – Apprendre à flamboyer !, une exposition qui, derrière la superbe de son programme et de ses ambitions, se heurte au vide de ses propositions et à la légèreté des démarches de ses créateurs.

De retour au Grand Palais, la foire Art Paris 2025 s’affirme une fois de plus comme un rendez-vous incontournable du calendrier artistique. Forte d’une sélection de galeries qui s’affine chaque année, elle maintient son cap entre volontarisme curatorial et une certaine prudence dans les choix présentés. L’édition de cette année, sans être révolutionnaire, offre un panorama équilibré et d’une sobriété qui permet à quelques talents d’émerger avec éclat.

Inspirée par la philosophe Vinciane Despret et le poète Sean Bonney, ainsi qu’influencée par la pensée de Derrida, l’exposition Tactical Specters à La Ferme du Buisson joue avec les incarnations de la mémoire pour multiplier les souffles de souvenirs qui maintiennent la pensée dans des espaces dynamiques.

Extrêmement riche et infiniment inégale, l’exposition Paris noir au Centre Pompidou oppose à toute tentative de réduction une surabondance d’oeuvres et un éventail de directions laissant, au final, le visiteur abasourdi par les raccourcis et admiratif de la somme de travail accomplie.

Labanque présente une exposition élégante qui joue sur la séduction des formes afin d’instaurer un dialogue fructueux entre l’homme et la nature. Comme le disait Victor Hugo, « rien n’est plus imminent que l’impossible », et c’est bien sur cette lisière que s’aventurent Ambroise&Victor : celle où l’art réenchante le réel et où la rigueur du savoir cède un instant à la magie du regard.

La galerie White Cube présente Intimate Visions, une exposition ambitieuse, bien que malheureusement quelque peu frustrante et maladroite, mêlant des œuvres de diverses époques au service d’une vision romantique de la rêverie intime.

À l’occasion de son exposition au centre culturel Passerelles de Pontault-Combault, dans le cadre de la programmation hors-les-murs du Centre Photographique d’Île-de-France, Denis Darzacq déploie une série d’œuvres où l’abstraction et le mouvement s’entrelacent.

Le Château de Versailles accueille au sein de ses salles une exposition personnelle de Guillaume Bresson, dont le commissariat, peu lisible et avide de sensationnalisme entretient une ambiguïté qui paraît manquer la substance d’un oeuvre qui a su la dépasser.

Formé auprès de Dominique Zinkpé, l’artiste béninois Benjamin Déguénon (1982) élabore à la galerie Robert Vallois un bestiaire de chimères conjuguant spiritualité et fantaisie, marqué par le plaisir du geste de la création.

Le sel, la terre, le temps. Trois éléments qui traversent et structurent l’exposition Métamorphoses de sel de Lise Thiollier, présentée à La Galerie, centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec. Sculptures cristallisées, structures immersives et installations sonores tissent un récit sensible sur la transformation de la matière, la fragilité des écosystèmes et les mutations invisibles du monde qui nous entoure.

Sous le signe d’une visée cosmique et géopoétique du réel, le centre Wallonie Bruxelles inaugure sa saison avec l’événement 25 arts seconde dont l’exposition inaugurale traduit l’attachement de sa direction artistique vers une transcription sensitive de la poétique du fluide.

La galerie Xippas présente une exposition personnelle de Kevin Rouillard qui s’attache, depuis ses première œuvres, à reconstituer des variations géométriques et chromatiques à l’aide de matériaux transformés.

Rêves éveillés ou fils symboliques tirés jusqu’à leur moelle sémantique, les oeuvres de Kriki (de son vrai nom Christian Vallée) laissent leur sens profond tenir en secret les codes de ses compositions.

Radicale, forte et percussive, l’équation à multiples inconnues de l’exposition Faits divers du Mac Val joue de la stupeur et du quotidien pour révéler, à travers l’art, des événements que le récit et la mise en avant portent au statut de stigmates de sociétés qui trouvent là matière au doute.

L’espace Topographie de l’art propose avec Etat d’art, dont le commissariat est assuré par le photographe Marc Petitjean une exposition en forme de témoignage vivant et vibrant d’une expérience collective d’art.

Le Palais de Tokyo présente avec Tituba, qui pour nous protéger ? une proposition très inégale, pour ne pas dire complètement déséquilibrée où des oeuvres intéressantes côtoient des compositions techniquement limitées dans une présentation qui les érige sans les accompagner sur des cimaises bien trop grandes pour elles.

Fort et frontal, le travail d’Apolonia Sokol trouve dans son exposition à la très belle nouvelle née branche parisienne de la galerie The Pill un terrain d’expression favorable à une réflexion d’ampleur sur son médium.

Le Musée de l’Orangerie invite la peintre Amélie Bertrand à une confrontation fructueuse avec les Nymphéas de Claude Monet entre ses murs. Un choix pertinent et convaincant qui offre aux visiteurs, en l’espace de deux salles, un point d’entrée idéal au coeur d’une démarche singulière.

La galerie David Zwirner présente à Paris et à Londres deux accrochages de peintures de On Kawara (1932-2014). Conformément à la volonté de l’artiste de ne voir ses oeuvres exposées que dix ans après sa disparition, ce projet fabuleux fait figure d’événement historique et met à l’honneur une figure essentielle de l’art de notre temps, qu’il a définitivement transformé.

Kadist présente une exposition exceptionnelle qui se déploie entre ses murs et le Palais de Tokyo qui fait vibrer l’intime et l’histoire invitant des artistes de la scène lituanienne et d’ailleurs à explorer les stigmates de la guerre voisine en Ukraine avec gravité.

Le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris propose avec L’Âge atomique une exposition d’une densité extraordinaire dont la pertinence rappelle que derrière la catastrophe nucléaire se cache une torsion de notre histoire que le présent n’a en rien suturé.

Hyper tactile et hyper sensuelle, l’exposition d’Apichatpong Weerasethakul au Centre Pompidou saisit et surprend tant elle prend au sérieux la question plastique du travail du cinéaste.

À l’occasion du centenaire de la naissance du surréalisme, la galerie Jeanne Bucher Jaeger imagine un accrochage de Max Ernst composé des planches réalisées pour l’édition Histoire naturelle, publiée en 1926 par Jeanne Bucher. Ancrée dans son contexte historique, la proposition de la galerie n’en révèle pas moins un souffle artistique intact qui rejoint des problématiques contemporaines.

Parce qu’il s’en nourrit et surtout parce qu’il en réinvente le fil sans jamais s’y fondre, le travail des artistes présentés dans l’exposition L’Objet surréaliste de la galerie Loevenbruck offre une célébration joyeuse, délurée et pertinente du mouvement historique, et peut-être son plus bel hommage contemporain.

Avec sa nouvelle exposition à la galerie Eric Mouchet, Kubra Khademi fait voler les pages de son enfance à travers un ensemble saisissant de dessins réalisés pour la publication de son ouvrage, en collaboration avec Nicole Lapierre.

Avec l’exposition Star de Jacques Villeglé, la première depuis la disparition de l’artiste en 2022, la galerie étend la palette d’interprétation d’un oeuvre majuscule dans l’évidence de sa simplicité.

À la galerie Berthet-Aittouarès se dévoile, à travers une fabuleuse collection, une personnalité tout en nuances et en éclats. Jouant sur la variété de son regard directement impliqué dans la révolution surréaliste, l’exposition rend un superbe hommage à cet ami et collaborateur de Breton.

Conçue comme un display balayant différentes strates de ses travaux récents, la présentation de Laurent Le Deunff à la galerie Semiose est une réussite absolue, pleine de joie, de technique et d’expérimentation qui font de son oeuvre silencieuse la narration assourdissante de la nature.

Lafayette Anticipations accueille La Ruée vers l’Or, une exposition en forme de parc de loisirs destinée aux plus jeunes au sein duquel des attractions s’activent. Malgré ses réjouissantes promesses, l’ensemble se noie dans une accumulation qui n’invente rien et ne donne aucune matière artistique à ses publics.

La galerie Max Hetzler présente jusqu’au 25 juillet une exposition de nouveaux travaux de Matthew Barney qui, à travers un souvenir personnel, tisse une narration sensible autour du principe de causalité qui met en jeu la reconstruction des corps.

Le Mac Val présente tout au long de la saison une exposition d’envergure dont la part critique et réellement ambitieuse définit à nouveaux frais notre humanité à l’aune d’un rapport pluriel et complexe à la machine-mouvement.
Une vraie exposition de chercheurs où tout s’emboite et où chaque oeuvre de cette traversée vrombissante ouvre une nouvelle voie.

Véritable invitation à habiter le lieu et à y aiguiser ses connaissances, son rapport à la subsistance et à la suffisance, le centre d’art contemporain de Malakoff propose avec Éco-luttes, dans le cadre de son programme Un centre d’art nourricier, une exposition qui alterne les mises en pratique tangibles et immédiates de modes responsables d’être au monde et des réflexions plus ouvertes sur nos manières de le percevoir.

À la galerie Chantal Crousel, Yuki Kimura (née en 1971) installe à même le sol une fresque énigmatique composée de plateaux sphériques dont les variations de forme imposent un ordre. Entre progression temporelle et évolution spatiale, c’est l’ensemble de l’espace qui résonne d’une manière nouvelle autour de cette ode à la quiétude et au voyage introspectif.

Avec Nord-Est, cartographie des résonances, l’espace Poush d’Aubervilliers propose une très belle initiative qui met à l’honneur les artistes et institutions travaillant en Seine-Saint-Denis et invente une exposition à son image, où l’enjeu de la création tient autant à sa mise en oeuvre qu’à sa réception.

Kadist propose avec Bastardie une exploration des inventions langagières inspirante et poétique mais aussi frontalement engagée. Zone de brassages de lettres et de formes, l’espace de la fondation confronte des œuvres qui modulent la parole pour en questionner la portée.

À l’occasion du festival Interférences, le Centre Wallonie-Bruxelles présente une exposition intense où son et matière envahissent l’espace pour désintégrer les repères et nous immerger sein de dimensions à l’étrangeté assumée. Les propositions diffèrent mais la force reste et une singulière communion perce à travers ces rugissements digitaux.