Agathe May — Galerie Catherine Putman
Dans l’univers d’Agathe May, présenté à la galerie Catherine Putman, les images s’appréhendent par éclat, frontalement, presque familières, entre souvenirs d’illustrations et réalisme d’un témoignage ancré et encré dans la mémoire commune.
« Agathe May — Par où le chemin ? », Galerie Catherine Putman du 7 novembre au 20 décembre. En savoir plus Pourtant, derrière cette immédiateté affleure un patient travail de construction. Les formes, qui jaillissent avec spontanéité, naissent de procédés minutieux, d’un artisanat qui fait vibrer la matière et éclaire les visions qu’elle propose. C’est précisément dans ces tensions — entre évidence et complexité, élan vital et gravité — que s’ouvre l’espace de son œuvre. Une énergie continue traverse ces scènes où le quotidien se déploie sans fard.Rien n’y est figé : les corps, les objets, les gestes de la vie rurale ou citadine s’entremêlent, parfois joyeux, parfois inquiets, toujours porteurs d’une charge sensible. Agathe May révèle le réel dans son ambiguïté ; spectacle de ce qu’il est : ses détails souvent négligés, ce qui demeure en périphérie du regard, ses silhouettes fatiguées des anciens, travailleurs invisibles, entourés d’animaux dont on ne sait qui accompagne ou observe l’autre. Sans jugement, elle rassemble ces présences et leur compose un théâtre où exister pleinement.
La gravure sur bois, qu’elle pousse à des degrés de complexité rares, insuffle un souffle solaire à ses compositions. Les cercles d’impression, les aplats teintés, l’accumulation des passages d’encre empêchent toute stase : l’image palpite. Une vibration singulière propre à sa technique qui fait circuler les figures d’une pièce à l’autre, se répondre d’un médium à l’autre, construisant un banquet visuel luxuriant où les scènes se relaient comme les séquences d’un récit en expansion.
Dans Par où le chemin ?, ce flux se condense en une vaste fresque, un paysage rural où cohabitent la douceur d’un décor familier et la rudesse silencieuse des existences qui le traversent. On y perçoit l’épaisseur du temps : celui qui use, celui qui relie les générations, celui qui fabrique les souvenirs et sculpte les gestes quotidiens. Agathe May s’y attache avec une attention presque tendre, comme si chaque fragment — un vêtement, une plante, un animal, une ombre — contenait une réserve de sens prête à éclore.
L’exposition se donne alors comme un voyage dans l’étoffe même du vivant, où l’humain, l’animal, l’outil, le bâti et le paysage forment une constellation sans hiérarchie. Tout respire, tout raconte. Et dans cette circulation continue, une joie discrète affleure, celle d’un regard qui s’attache à rendre l’écoulement du temps, tirant de chaque grain son énergie possible, conscient que son aléatoire constitue précisément sa capacité à figurer un tout que son œuvre nous aide à habiter, le temps d’un voyage, autrement.