Alfred Courmes — Rétrospective
Exhibition
Alfred Courmes
Rétrospective
Past: October 7, 2023 → January 7, 2024
Après avoir investi l’espace Niemeyer, la rétrospective Alfred Courmes est présentée au Musée de l’Ardennes, maison des ailleurs. Le projet de cette exposition est né du désir de collectionneurs privés qui ont acquis des œuvres d’Alfred Courmes au cours des dernières décennies. Il est d’usage de dire que la palette sociologique des passionnés de Courmes, ceux qui ont acheté au fil des ans des œuvres à titre personnel, va du garagiste à l’avocat parisien en passant par le conservateur du Musée d’art moderne de New York qui avait acquis à titre personnel le panneau en bois du magnifique Saint Sébastien à l’écluse Saint-Martin, désormais revenu en France.
Cette rétrospective réunit plus de 70 tableaux d’Alfred Courmes. Beaucoup des œuvres exposées n’ont jamais, ou très rarement pour certaines d’entre elles, été montrées, comme La Pneumatique Salutation angélique ou le grand Ex-voto à saint Sébastien de 1934 vu pour la dernière fois à l’exposition Masculin / Masculin au musée d’Orsay en 2013. Présent aussi l’insolent 45 % de B. A. acheté par Coluche.
L’exposition est la première à réunir la quasi-totalité des œuvres appartenant aux plus grandes institutions culturelles françaises, comme le Centre Pompidou — Musée national d’art moderne, le Musée d’art moderne de Paris, La Piscine à Roubaix et bien d’autres musées en région. C’est ainsi que sont présentées des œuvres conçues par Alfred Courmes comme un ensemble, tel le saisissant diptyque réunissant le Saint Sébastien du Centre Pompidou et le Saint Roch du musée d’Issoudun, quasiment représentés à taille réelle. Adapté aux formes voluptueuses de l’architecture d’Oscar Niemeyer, le parcours offre une scénographie originale qui débute avec les œuvres des années 1920 couvrant les deux périodes où Courmes affirme sa peinture : la période du Lavandou avec La Grande Baigneuse du Lavandou de 1924 et celle d’Ostende en Belgique, qui court jusqu’au poignant L’Homme blessé de 1929. L’exposition se poursuit avec le regroupement des œuvres qui prennent pour décor le canal Saint-Martin où Courmes développe ses collages de situation qui mêlent décors urbains, personnages fantastiques, personnages iconiques de la publicité (le Bibendum, la petite fille du chocolat Menier, le bébé Cadum, etc.).
Dans cette séquence, sont présentés les différents Saint Sébastien, aux côtés de l’Ex-voto à Saint Sébastien de 1934. De nombreux dessins et gouaches préparatoires sont également présentés (dont la grande esquisse de La France heureuse, prêtée par le Centre Pompidou) et d’autres études de projets non réalisés.
Commissariat : Dominique Carré et Carole Marquet-Morelle
Informations pratiques : Musée de l’Ardenne, maison des ailleurs, Place Ducale, 08000, Charleville-Mézières
À propos d’Alfred Courmes
La personnalité et l’œuvre d’Alfred Courmes (1898-1993) émaillent l’histoire de la peinture réaliste du XXe siècle. Rares, depuis les années 1930, sont les comptes-rendus de Salons, rares, jusqu’aux années 1980, sont les expositions nationales consacrées à la peinture contemporaine qui n’accordent une place significative à Alfred Courmes. Son œuvre est pourtant sans cesse à réhabiliter, le peintre n’ayant jamais fait montre d’autocélébration. Il nous a même délégué le rôle de Sisyphe, rouler pour lui le rocher de sa notoriété. Alfred Courmes a été condamné (s’est lui-même condamné ?), à n’être qu’une figure « excentrique, bizarre et grinçante », selon les mots — non empreints de jugement mais d’interrogation — de Jean Cassou dans les colonnes du journal L’Humanité en 1936. Cassou essayant là de relativiser l’avis d’André Breton qualifiant le peintre d’« Ange du mauvais goût ».
Cette considération a durablement marqué la relation d’Alfred Courmes avec le milieu culturel et a porté une ombre durable sur son œuvre, ombre que nous voulons effacer en réhabilitant (une fois encore) cette figure complexe, armée d’une immense et joviale culture, qui aura peu connu les honneurs sinon celui de dresser le portrait officiel de Jack Lang en 1991. Courmes aura côtoyé tout le XXe siècle en qualité de peintre insolent et utilement provocateur. Il aura trouvé ses meilleurs amis dans le cercle restreint des peintres d’à-côté. En France : Clovis Trouille et Gaston Chaissac ; en Belgique : James Ensor et Félix Labisse. Au fil des ans et au hasard des rencontres, il aura stupéfié aussi bien les peintres de la Figuration narrative (Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo, etc.) que les membres du groupe Panique (Olivier O. Olivier, Roland Topor, etc.). Alfred Courmes est un peintre d’histoire sociale, toute son œuvre le prouve. Aussi bien que ses engagements dans l’association « Travail et Culture », aux côtés de René Huyghe, Germain Bazin, Pablo Picasso ou Fernand Léger.
Depuis ses premières peintures au Lavandou (où il est né) jusqu’aux œuvres de sa maturité parisienne, en passant par sa période ostendaise (où il se marie une première fois), Courmes s’attache à démonter les ressorts sociaux, religieux, militaristes qui gouvernent son siècle. Nous ne nous sommes interdits aucune limite dans le choix des œuvres que nous voulons montrer, y compris parmi celles qui ont pu choquer — ou pour le moins surprendre — ses contemporains. Alfred Courmes est un fin connaisseur des codes de la peinture de la Renaissance italienne et des primitifs flamands comme le montre son imposante peinture murale de l’ambassade de France à Ottawa reproduite dans l’exposition. C’est aussi un érudit de l’histoire de la mythologie, un féru de l’histoire des sciences, un soupçonneux de l’histoire des religions, et encore plus des désastres de la guerre. Un enchanteur du désir, bien sûr. Et, point d’orgue de cette œuvre, son appétence pour les images publicitaires qui en font assurément le pionnier d’un pop’art européen et américain.
Alfred Courmes est aussi un amoureux de Paris (particulièrement le canal Saint-Martin qui lui sert de décor), se suffisant, au mitant de sa vie, de ses après-midis de travail dans son appartement de la rue des Écluses-Saint-Martin qu’il rejoignait après son labeur de nuit aux grands magasins de La Samaritaine.