Daniel Dewar & Grégory Gicquel — Stoneware murals
Exhibition
Daniel Dewar & Grégory Gicquel
Stoneware murals
Past: September 16 → October 15, 2016
Do not disturb
Il y a quelque chose de profondément excitant à suivre la réinvention systématique de la sculpture entreprise à mains nues depuis plus d’une quinzaine d’années par le duo franco-britannique Daniel Dewar & Grégory Gicquel, poursuivant ainsi ce que Flaubert ne put mener à bien, pour cause de décès, via ses alter ego Bouvard et Pécuchet. Étudiant la sculpture avec un enthousiasme perpétuel de néophytes, Dewar & Gicquel la prennent comme un problème à résoudre et la dissèquent impitoyablement pour en exprimer au grand jour les abominables paradoxes.
Après 1968, on a cherché à nous faire croire que la sculpture avait sombré, noyée au sein des « arts plastiques » — mais Dewar & Gicquel, comme l’administration fiscale, savent qu’on nous trompait : la sculpture est bien là et plus vivante que jamais, faisant la nique à la peinture migrée sur Instagram. La sculpture, nonobstant l’invocation analphabète des mânes de Marcel Duchamp, opère en gros depuis le Moyen Âge selon les mêmes catégories qui ne sont toujours pas démonétisées : narration, célébration, monumentalisation, glorification du pouvoir ou de la sexualité. Ainsi, la sculpture peut encore pénétrer l’espace public tel un éléphant dans la pièce et provoquer les vives réactions qui réjouissent les réseaux sociaux.
Pour abaisser la sculpture, on a cherché, en même temps et non sans paradoxe, à la rabattre à une industrie : on lui renvoya sa nature d’objet. On entretint artificiellement une contradiction entre, d’une part, une pratique sérielle faisant appel à la machine ou à la technique de l’ouvrier et, d’autre part, un art de la main du créateur, aujourd’hui plus divinisée que jamais. Sommée de choisir son camp, gadget décoratif banalisé ou relique de luxe, la sculpture était prise en otage.
En copiant à la main de façon répétitive les modèles industriels les plus anonymes d’objets fonctionnels ordinaires dont ils s’appliquent à conserver l’utilisation potentielle, Dewar & Gicquel libèrent la sculpture pour composer une ode triomphale à notre époque. Pour eux, les sanitaires sont l’«allégorie de la céramique traitée en sculpture». De fait, la plomberie est une des œuvres d’art majeures produites par l’empire occidental sous la bannière de l’Amérique, comme Duchamp l’avait déjà noté en 1917. Assyriens modernes, Dewar & Gicquel célèbrent cette conquête sanitaire en trois hauts-reliefs en céramique présentant, sur une trame de carreaux format standard, des séries de modelages de cuvettes de WC, de lavabos (pour lesquels ils constatent qu’il est très difficile de trouver un modèle «anonyme», les designers se laissant aller), et de porte-savons : tous semblables et, intervention de la main oblige, tous différents.
Pour compléter cet environnement de copies sans originaux conçu pour la galerie Loevenbruck, Daniel Dewar & Grégory Gicquel ont exécuté un quatrième mural carrelé où une frise de pipes, alternativement flaccides et turgescentes, tendent leurs becs à diverses hauteurs de bouche et viennent opportunément rappeler, plus encore que les sanitaires, que le corps des hommes, même absent, façonne notre civilisation.
-
Opening Thursday, September 15, 2016 6 PM → 9 PM
Opening hours
Tuesday – Saturday, 11 AM – 7 PM
Other times by appointment