Dominique De Beir — Volailles de plein air (Accroc et caractère 2)

Exposition

Techniques mixtes

Dominique De Beir
Volailles de plein air (Accroc et caractère 2)

Passé : 25 juin → 28 août 2022

L’exposition intitulée De Beir, Volailles de plein air (Accroc et caractère 2) présentée en Galerie Haute par l’artiste française Dominique De Beir (née en 1964, vit et travaille à Paris et en Picardie maritime) fait partie intégrante d’un cycle de six expositions institutionnelles qui se déploie sur une période de deux ans, de 2022 à 2024, et dont le surtitre est Accroc et caractère1. À travers cette série d’expositions, l’artiste (re)parcourt les sillons de trente années de labeur poétique et poursuit son exploration du point, véritable et littérale marque de fabrique de l’artiste.

Avec son exposition aux Tanneries, deuxième du cycle, Dominique De Beir, en écho avec le passé industriel de tannage des peaux animales du centre d’art, met en lumière le travail des surfaces dans son œuvre, entre mutilations, transformations, mutations et hybridations. Mêlant œuvres passées et nouvelles productions au sein d’une même installation inédite et modulaire (1996-2022), l’artiste propose un parcours singulier et ouvert dans la Galerie Haute, tout à la fois espace d’exposition, salle des archives, matériauthèque et prolongement de l’atelier. Ce faisant, elle permet au visiteur d’appréhender le vocabulaire essentiel de son geste créatif, ici décortiqué à travers le prisme des notions de subjectile, d’imprimerie, de zoologie, de classification, de taxonomie, et empreinte d’une discrète dimension autobiographique que viennent souligner le titre de l’exposition, des volailles taxidermisées et un sac plastique imprimé « De Beir, Volaille de plein air » — réminiscences de l’enfance et de la rencontre de l’artiste avec l’imprimerie2.

Celle-là même qui sous-tend toute la démarche de l’artiste, marquant le papier comme les peaux animales et humaines peuvent être tachetées, maculées ou encore tatouées. Celle-là même, peut-être, qui cristallise la prédilection de Dominique De Beir pour les surfaces accidentées, que ces accidents soient volontaires ou involontaires, qu’ils soient le reflet de l’intervention de l’artiste à l’aide des Outils de [sa] passion (2016) récupérés, revisités ou complètement inventés, ou encore de celle du temps sur des objets chinés plein d’histoire(s), devenus matériaux et surfaces d’expression comme d’impression de ses créations (Ruminatio, 2022 ; Correspondances, 2018).

Si Dominique De Beir explore la surface des choses, entre tortures et ornements, c’est bien, semble-t-il, pour mieux la creuser et en dévoiler les épaisseurs et les reliefs, les interstices et les strates, la réversibilité et les faces cachées, dissimulées. À travers différentes typologies de gestes de marquage — mécaniques, artisanaux, passionnés –, l’artiste développe une étude singulière, méticuleuse et violente, micro et macroscopique, des objets, des matériaux et de leur histoire, depuis les composantes de ses « Cyclopédies » (1996) rarement montrées jusqu’aux plus récentes digressions en passant par ses Observations (2016). Scrutant et sculptant le visible pour faire émerger ce qui ne l’est pas, pointant le moment même où les êtres et les choses prennent corps, Dominique De Beir nous rappelle que ces corps sont à la fois matière et mémoire. S’intéresser à la surface des choses, c’est donc pour elle en questionner l’identité profonde et les devenirs.

Un questionnement que l’artiste dédouble à travers différentes formes de reproductions de ses œuvres dont certaines vont ici jusqu’à constituer des cimaises d’un nouveau genre. Des planches de la série « Annexes et Digressions » cousues entre elles et suspendues à l’image de peaux séchées (Dépliants Digression (repliés), 2022) viennent structurer de véritables espaces d’exposition dans l’espace de l’exposition pour des œuvres dont elles arborent, pour certaines, les reproductions mêmes. Faisant dialoguer œuvres fantomatiques, en filigrane, avec leurs incarnations, « en chair et en os », l’artiste pose donc aussi la question du devenir de ses œuvres à l’aune de leurs reproductions, de leurs migrations et de leurs exils, de leurs altérations, réinterprétations et transfigurations au sein d’œuvres nouvelles, entre archives et recyclages, rayonnages et rayonnements.

À la faveur de ces trouvailles scénographiques qui soulignent l’alternance des œuvres exposées aux murs et des installations au cœur de l’espace tout en reposant sur des jeux de correspondances visuelles et colorées tissées çà et là au fil de l’exposition, Dominique De Beir met en exergue les mouvements permanents de l’image, de la surface et de l’œuvre qui sous-tendent sa démarche. Une sensation de mouvement contenue en puissance dans l’atmosphère faussement figée de la Galerie Haute et que viennent projeter en acte les deux vidéos réalisées par Sébastien Denis, artiste et historien du cinéma, et présentées dans les salles de visionnage repliées, elles aussi, au fond de l’espace. L’artiste s’y raconte au travail, dans DDB (2020) à travers le prisme d’un documentaire d’atelier et dans Digression (2020) au cours de la documentation d’un projet artistique. L’une et l’autre révèlent tout autant la physicalité du geste de l’artiste et les sons qu’elle produit, comme les processus de régénération de ses œuvres passées au sein de créations inédites.

En réintroduisant ainsi du récit dans De Beir, Volailles de plein air (Accroc et caractère 2), l’artiste nous invite à (re)découvrir les entrailles d’une démarche au caractère autophage. Jamais vraiment achevées, ses œuvres peuvent toujours faire autre et parfois même devenir le support ou l’espace d’exposition d’une autre, tels des organismes soumis à des mécanismes répétitifs et articulés. À travers elles, Dominique De Beir tend à revitaliser le passé à l’infini, entre inventorisations et hybridations, cloisonnements et décloisonnements, ubiquité et fragmentations, et à atteindre ainsi une forme d’intemporalité de l’œuvre.

Une intemporalité qui n’est pas sans rejoindre la dimension paradoxalement contemplative et réflexive — bien que traversée de turbulences — du travail de l’artiste. Au fil de ses dissections de surfaces, entre le dehors et le dedans, le sur, le derrière et l’à travers, le recto et le verso, l’en-deçà et l’au-delà, l’apparition et la disparition de motifs comme de sens, Dominique De Beir procède en effet à de véritables excavations et incarnations qui révèlent autant de cartographies de mondes souterrains et cosmiques chargées d’écritures et de sens nouveaux, épiphaniques.

Communiqué de presse de l’exposition

1 Le travail de Dominique De Beir sera donc aussi exposé à la galerie Jean Fournier (Paris) de mai à juillet 2022, au Musée des Beaux-Arts de Caen de février à août 2023, à l’Abbaye de Saint-Riquier en collaboration avec le FRAC Hauts-de-France — Picardie de juillet à décembre 2023, au Musée Fabre de Montpellier en novembre 2023 ainsi qu’à la galerie Réjane Louin (Locquirec) en janvier 2024.

1 ** À l’arrière de la ferme de ses parents, le père de l’artiste élevait des poulets qu’il allait vendre au marché sur l’eau d’Amiens. Dominique De Beir a conservé précieusement quelques sacs plastiques publicitaires que ce dernier avait fait fabriquer en grande série pour son commerce et qui portaient l’inscription : « De Beir, Volaille de plein air ».

  • De Beir — Volailles de plein air — Accroc et caractère 2 Vernissage Samedi 25 juin 2022 à 14:30
En région Zoom in En région Zoom out

234, rue des Ponts

45200 Amilly

T. 02 38 85 28 50

www.lestanneries.fr

Horaires

Du mercredi au dimanche de 14h30 à 18h

Tarifs

Accès libre

Entrée libre

L’artiste

  • Dominique De Beir