Georg Baselitz — Descente
Exposition
Georg Baselitz
Descente
Passé : 2 avril → 1 juillet 2017
Les expositions du mois de mai en images et en bref À la manière d’un journal de bord visuel, nous vous proposons semaine après semaine de plonger en images au cœur des expositions franciliennes que nous avons visitées à la découverte des propositions artistiques les plus excitantes du moment.La Galerie Thaddaeus Ropac présente dans son espace de Pantin un vaste ensemble de nouvelles peintures et d’œuvres graphiques de l’artiste allemand Georg Baselitz, réunies sous le titre Descente.
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Cette exposition se compose de cinq groupes d’œuvres qui, d’un point de vue stylistique et iconographique, se rattachent au cycle intitulé Avignon et aux autoportraits fragmentés que l’artiste avait montrés à la Biennale de Venise en 2015. Baselitz abordait alors la question de l’œuvre tardive et de la vieillesse en se référant à un fait historique notoire : le refus par la ville d’Avignon de la donation d’une série d’œuvres tardives de Picasso.
En 2017, un an avant son 80ème anniversaire, ce thème est toujours présent : « J’étudie l’œuvre tardive de Picasso. Avignon. (…) Sa carrière était au plus bas. Personne ne voulait de ses tableaux. Arman et Christo étaient en vue à Paris et continuaient à produire tandis que Picasso était absent de la scène artistique. Quand on vieillit, on se demande : suis-je encore dans la course, ou les autres ont-ils déjà filé loin devant ? » faisait remarquer Baselitz récemment lors d’un entretien.
Dans les quatre nefs de la galerie, l’artiste présente des réinterprétations d’un tableau iconique de Marcel Duchamp, Nu descendant un escalier (1912), des portraits presque abstraits du peintre originaire de Dresde Ferdinand von Rayski, des références à un tableau d’Otto Dix Die Eltern des Künstlers [Les parents de l’‘artiste] (1924), des portraits sensibles et sans concession de sa femme Elke, ainsi que des travaux qui renvoient à Die Grossen Freunde [Les Grands amis], l’un de ses tableaux majeurs de 1965. Dans l’espace de la galerie ces œuvres se font écho et ouvrent sur cet univers plastique intime et très personnel devenu caractéristique du travail de Baselitz au cours des dernières années.
A propos de ces motifs autoréférentiels, Baselitz disait récemment : « Le champ thématique de mon travail s’est fortement réduit au cours des dernières années. L’important est que je me suis de plus en plus isolé dans ma peinture. Je me suis de plus en plus replongé en moi-même pour en tirer tout ce que je fais. Je vis avec d’anciens catalogues, avec de vieilles photos et ne fais rien d’autre. Je peins entre moi et moi-même et sur nous deux. Voilà. Et de temps en temps, quelqu’un comme Dix, que j’estime beaucoup, vient se joindre à nous. »
Ces nouveaux tableaux ont pour sujets son enfance et sa jeunesse, ses débuts artistiques ainsi que sur des personnages de sa ville natale Dresde, sa femme Elke et lui-même. Baselitz a déjà abordé ces thèmes mais cette nouvelle série se distingue par un traitement pictural particulier. Baselitz réalise d’abord une peinture très contrastée en deux couches. Ensuite, il applique à la spatule un volume important de peinture à l’huile d’un blanc pâteux qui donne une impression de relief. « Puis il y a des dessins pris dans cette masse blanche. Des physionomies et des formes similaires tracées avec un objet qui ressemble à un calame, une sorte de roseau taillé en pointe. Enfin, l’ensemble est caché. Comme enfumé. Il est neutralisé, contenu. Autrefois, un tableau efficace était un tableau où tout fonctionnait ensemble. Le format, les contrastes, les contours, tout était juste. Si vous peignez un tableau noir, il n’est pas efficace — qu’est-il alors ? Il a l’attitude d’un tableau ou l’allure d’un tableau. C’est quelque chose de suggéré. J’ai décidé de faire des tableaux inefficaces ». (Georg Baselitz)
Le Nu descendant un escalier (1912) de Marcel Duchamp est généralement considéré comme un adieu à la peinture, comme un point final annonçant un nouveau départ. Baselitz, qui qualifie cette œuvre d’entièrement piquée à Picasso, s’est intéressé à Duchamp en 1999 et en 2007. S’attachant à le représenter avec sa femme de chambre dans des scènes érotiques pleines d’humour, il a opposé la subjectivité artistique à la tendance conceptuelle de Duchamp. « A un moment donné, j’ai compris que c’était absurde. L’art est subjectif et traite de lui-même et de l’artiste. C’est l’artiste qui est le plus important dans l’art. Lui, Duchamp, y a mis fin. Et y a également mis fin théoriquement. La fin du monde est son dernier tableau. Pourtant, même du temps de Duchamp, il y avait évidemment des gens comme Picasso et d’autres qui continuaient joyeusement à peindre. Le subjectif, l’individuel sont décisifs en art. Et si on refuse de l’admettre, cela devient alors de la politique, de la philosophie ou un événement banal. C’est une règle, un enseignement dont j’ai fait moi-même l’expérience. Dès que je remarquais que je me faisais mal voir, j’observais les gens et constatais qu’ils étaient dans l’erreur et voulaient une chose que je ne pouvais pas approuver. Ils cherchaient à me dominer. Avec des dogmes, avec des idéologies.»
L’année dernière, le Städel Museum de Francfort a organisé une importante exposition qui réunissait presque la totalité de la légendaire série des _Helden _et _Neuen Typen _[Héros et Nouveaux types], considérée aujourd’hui comme des œuvres clés de l’art allemand des années 1960. La plus grande toile de ce cycle, Die Grossen Freunde [Les Grands amis], réalisée en 1965, fait l’objet d’une réinterprétation dans l’exposition de Pantin. A propos de cette démarche, Baselitz fait remarquer : « Ma façon de peindre n’est pas très convenable, mais je les ai peintes, comme je peignais dans les années 1960. J’ai pris des nuances brunes et du noir. Je trouve que ce sont cinq magnifiques tableaux. Il y a des coulures, ils sont un peu flous, mais comme la composition est déjà connue, le spectateur les confond avec ce qu’il a déjà vu. Ils ne ressemblent plus à des héros brisés. En fait, ils sont plutôt agressifs. Ils sont devenus incroyablement agressif avec cette couleur. »
———Georg Baselitz est né en 1938, sous le nom de Hans-Georg Kern, à Deutschbaselitz, près de Dresde. Il vit et travaille actuellement à Bâle, sur les bords du lac Ammersee (Bavière), à Salzburg et à Imperia (Ligurie). Ses œuvres, qui évoluent dans le champ de tension entre l’héritage de l’expressionnisme allemand et l’aisance gestuelle de la peinture américaine (Jackson Pollock, Willem de Kooning), font de Baselitz une figure essentielle de l’art contemporain à partir des années 1960. Ses Heldenbilder, [tableaux de héros], Fingermalereien [peintures aux doigts], Frakturbilder [tableaux fracturés] et Russenbilder [tableaux russes] sont présents dans les collections des musées les plus prestigieux. À la fin des années 1960, Baseliz commence à peindre ostensiblement ses motifs à l’envers, montrant ainsi que les éléments picturaux prédominent par rapport au sujet. Il en résulte une exceptionnelle simultanéité entre figuration et abstraction. Le désir de transformation, de changement permanent se fait également sentir dans son œuvre tardive. Depuis 2006, il a réalisé des peintures appelées Remix Bilder [Tableaux remix], où il interroge librement l’iconographie de ses œuvres passées.
Baselitz a représenté l’Allemagne à la Biennale de Venise en 1980, il a participé en 1972, 1977 et en 1982 aux documenta 5, 6 et 7 à Kassel. Le Solomon R. Guggenheim Museum de New York organise sa première grande rétrospective en 1995 qui est ensuite présentée au Los Angeles County Museum, au Hirschhorn Museum à Washington D.C., à la Nationalgalerie, à Berlin et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. En 2007, la Royal Academy of Art de Londres organise une autre rétrospective d’importance. En 2006 et 2007, la Pinakothek der Moderne de Munich et l’Albertina de Vienne présentent pour la première fois le cycle des Remix Bilder [Tableaux remix]. En 2011, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris montre l’ensemble de son œuvre sculptée. En 2014, le Haus der Kunst de Munich lui dédie une grande exposition personnelle où l’on peut voir ses Schwarzen Bilder [Tableaux Noirs] et ses bronzes à patine noire pour la première fois dans un cadre institutionnel. En 2015 il présente la série Avignon à la Biennale de Venise. En 2016, une confrontation entre les œuvres de Georg Baselitz et celles d’Emilio Vedova a lieu au Musée Küppersmühle de Duisburg. En 2016, la série des Helden und Neuen Typen [Héros et Nouveaux types] est exposée au Städel Museum de Francfort et au Moderna Museet de Stockholm. Celle-ci est actuellement présentée au Palazzo delle Exposizioni à Rome et voyagera ensuite au Guggenheim de Bilbao en 2017. Une exposition de l’artiste se tient également à la Nationalgalerie de Budapest au printemps de cette année. En janvier 2018, la Fondation Beyerler présentera une vaste exposition monographique des œuvres de Baselitz à Riehen, près de Bâle.
Un ouvrage, avec un texte de Florian Illies, sera publié à l’occasion de l’exposition.
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Vernissage Dimanche 2 avril 2017 13:00 → 17:00