Byung-Hun Min — River & Portraits series

Exposition

Photographie

Byung-Hun Min
River & Portraits series

Passé : 13 novembre 2014 → 4 janvier 2015

Evanescence, voilà le premier mot qui vient à l’esprit quand on découvre l’œuvre de Byung-Hun Min. Son travail donne en effet la sensation du temps qui passe, des sentiments qui disparaissent… Imprégnée des traditions picturales asiatique et occidentale, l’œuvre de Min a pour sujet principal la nature et s’articule en séries. Il réalise des photographies de paysages enneigés, de ciels, de brouillard, d’herbes folles, de ténèbres ou de nus qui ont pour point commun à la fois une approche de la photographie comme moyen de capter la réalité de l’instant, et sa capacité à rendre abstrait un moment d’émotion concret mais éphémère.

Son intérêt se porte principalement sur les métamorphoses de la nature : une plante, la pluie, le vent, une tempête de neige, le brouillard qui monte et qui s’épaissit. « Quand elles sont là — dit-il — nous ne sentons pas qu’elles sont là. Quand elles partent ou quand elles changent d’apparence, nous remarquons qu’elles étaient là. Et alors seulement elles nous marquent. Je ne parle pas de grandes choses, mais de petites choses, triviales, de celles qui changent accidentellement. Je les ressens vraiment ». Min exprime ainsi sa manière passionnée de vivre et de sentir ce qui l’entoure, de faire corps avec la nature.

Byung-Hun Min travaille exclusivement en noir et blanc. Les tonalités soyeuses et le papier velouté concourent à la création d’une œuvre poétique et raffinée, à l’esthétique proche de l’aquarelle et de la calligraphie. L’artiste décrit le résultat comme ressemblant « au goût que laisse au petit matin dans la bouche le rêve de la nuit passée ». Tout est ici affaire de sentiments : ressentir le moment présent au moment où il appuie sur le bouton, et restituer cet instant au moment où il réalise son tirage. C’est en allant de chez lui à son atelier qu’il réalise la série des « brouillards » (depuis 1998). Au lever ou au coucher du soleil, la brume venue du fleuve envahit son chemin, enfumant la végétation, les immeubles, le haut d’une montage dans un brouillard blanc, dense, à couper au couteau.

D’un point de vue strictement formel, ses œuvres se reconnaissent par la simplicité de leur construction, la pureté et le minimalisme de leurs formes, l’absence de perspective et de contrastes au profit d’une uniformité des tonalités, une quasi monochromie, souvent d’un gris clair — voir d’un blanc pur, plus rarement d’un gris foncé. Que leur format soit intimiste ou plus imposant, les « brouillards » fourmillent de détails en entraînant le regardeur dans les profondeurs de sensations diverses, qui lui échappent aussi vite qu’elles lui apparaissent.

D’abord ingénieur puis photographe autodidacte, Byung-Hun Min apprécie la photographie pour sa qualité première : sa capacité à enregistrer « l’instant décisif » (comme disait Henri Cartier-Bresson dont le succès en Corée est important dès les années 70). Ainsi considère-t-il qu’il ne faut pas recadrer l’image une fois qu’elle est réalisée, car ce serait tronquer le réel. En ce sens il est un adepte de la photographie « pure ». Or ses images tendent à l’abstraction, se fondent les unes dans les autres, une série même à l’autre : les vallons enneigés ressemblent aux corps nus tandis qu’un sein pointe vers le ciel tel le sommet d’une montagne : une tempête de neige recouvre la forêt tandis que le brouillard tend sur la cime des arbres un voile blanc… Car si Min ne coupe pas son négatif au tirage, il n’hésite pas à le travailler au développement. Il cherche ainsi à restituer non pas seulement ce qu’il a vu, mais aussi ce qu’il a ressenti au moment où il a pris la photographie. Et cette sensation est de l’ordre de l’infinitésimal, de l’impalpable. Lors du tirage, il réitère l’expérience dans la chambre noire : il guette l’instant où les tonalités reflètent précisément sa première émotion.

L’œuvre de Min paraît isolée du reste du monde, hors du temps, intime, et se développe en marge du raz-de-marée coloré des photographies monumentales « plasticiennes » qui font aujourd’hui partie intégrante de l’art contemporain coréen. D’un raffinement extrême, elle combine la réalité des formes naturelles aux sentiments des hommes qui les observent. Empreinte de romantisme et de lyrisme, elle trouve un écho dans l’inconscient collectif, faisant resurgir des sentiments vécus puis oubliés, nous offrant un havre de paix, un moment de contemplation, un temps d’introspection.

Emmanuelle de L'Ecotais
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