Jacopo Belloni
Jacopo Belloni s’intéresse aux systèmes de croyances issus des cultures vernaculaires européennes. Il élabore ses recherches à partir de matériaux anthropologiques et emprunte à l’histoire des religions, des superstitions et des fictions populaires. Les pratiques occultes et la symbolique du folklore italien informent sa pratique artistique au même titre que la pensée magique, le surnaturel et les présages. Dans ses œuvres — principalement sculpturales — ou dans ses performances, la transformation des êtres et des matériaux, l’utilisation de signes, d’objets votifs et d’incantations permettent à l’irrationnel de venir perturber ce que nous percevons comme « réalité ». En proposant des contes et des légendes contemporaines, il met en scène les ombres de notre présent et l’inquiétude qui peut être ressentie face à une réalité complexe et nébuleuse. Mais il nous rappelle également que les coutumes et les traditions sont des pratiques de production de sens qui nous permettent de nous lier les un·es aux autres.
Tu t’intéresses aux croyances et à la culture vernaculaire, notamment en introduisant des objets votifs et des amulettes dans tes pièces. Comment est né cet intérêt ?
Cet intérêt est né il y a quelques années, alors que j’étais en master d’histoire de l’art à Milan. J’ai été attiré par l’histoire de l’art médiéval, grâce à de brillant·es professeur·es qui tissaient des liens entre cette époque et notre présent. J’ai développé un intérêt profond en rédigeant un mémoire sur la performativité des images au Moyen-Âge et leur utilisation à des fins diverses, généralement thérapeutiques et apotropaïques. Il existait un rapport corporel avec les images : elles étaient frottées, détruites, enterrées, mangées ; un rapport que je trouve très proche de notre présent, où les images sont constamment touchées par nos doigts sur des écrans, utilisées pour effrayer et pour protéger.
Dans tes installations, tu fais appel à des matériaux symboliquement chargés, comme le bronze ou la cendre. Pourrais-tu nous parler de ce choix ?
Je pense que le matériau d’une œuvre a toujours la capacité d’être porteur d’une imagerie symbolique, historique ou liée à notre vie quotidienne. Je trouve que cela ouvre des potentialités narratives qui, même si elles ne sont pas immédiatement saisies, peuvent néanmoins éclore dans l’œuvre et suggérer des clés de lecture au public du monde environnant. Dans de nombreux cas, les matériaux m’intéressent plus que la forme finale de l’œuvre, qui est souvent imprévisible. Pour utiliser une métaphore, ils sont pour moi comme des personnages, bien définis, dans une trame dont la fin est incertaine.
Est-ce que tu peux nous dire quelques mots sur le costume de performance The Superstitious. Private Enchantment, installé dans l’exposition ?
The Superstitious. Private Enchantment fait partie d’un projet plus vaste et continu appelé Les superstitieux. Il s’agit de la création d’une série de costumes à performer faits de feuilles en tissu, souvent en soie. Leurs caractéristiques sont similaires à celles de certains masques folkloriques européens, nommés de diverses manières en fonction du lieu, des traditions et des légendes. Ils sont utilisés à des moments précis de l’année, souvent entre le passage de l’hiver au printemps, afin de propager leur pouvoir germinatif sur les récoltes des mois à venir, et sur la prospérité d’une communauté. Les porteurs du costume faisaient partie d’une guilde, composée de règles et de codes secrets. C’est pourquoi j’aime imaginer mon projet à la frontière entre la légende et la parodie de la réalité : les personnages pourraient être des créatures fantastiques ou des corporate members tentant un rite propitiatoire dans l’espoir d’un avenir favorable.
La Ferme du Buisson, texte et entretien publiés à l’occasion de l’exposition Les Sillons
Jacopo Belloni
Contemporary
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