Jin Woo Lee
Concrète et symbolique, figurative et abstraite, l’œuvre de Lee Jin Woo est multiple. L’apparente simplicité résulte d’une exploitation sophistiquée de la lumière, du relief, de la matière, du « vide » et du « plein ». De la pureté des formes et des couleurs, de l’économie de moyens se dégagent une sérénité, une lenteur, une intensité… C’est un travail en dehors du temps et de l’espace.
La démarche de l’artiste, calme et silencieux, se tient à l’écart du monde contemporain des plasticiens qui réinventent régulièrement leur processus artistique. Car le projet obstiné de Lee Jin Woo s’étale sur toute une vie. Sa manière de travailler est toujours la même : il superpose des couches et des couches de Hanji, ce papier traditionnel coréen, emprisonne entre chaque feuille des dessins à l’encre de Chine, des pigments naturels et du charbon de bois, plus ou moins grossièrement pilé. L’œuvre finale se situe entre le tableau et la sculpture, hors classification. Les dessins, les formes et les couleurs enfouis dans les strates du papier ne se laissent entrevoir qu’en transparence. Le fruit du long travail de l’artiste ne se révèle jamais complètement, clairement. « Il se cache avec humilité ; comme toujours en Corée » dit-il.
Les œuvres de Lee Jin-Woo n’en sont pas moins puissantes : elles semblent radicalement dépouillées au premier abord, souvent définitivement abstraites. L’observation attentive décèle cependant une nuance, une forme humaine ou végétale sous le papier, un aplat noir en réalité composé d’une superposition de dessins… si ce n’est la révélation soudaine d’un paysage. Le « vide » n’est qu’apparent et ces « tableaux » sont intensément pleins et vivants.
L’œuvre de Lee Jin Woo conjugue la culture coréenne dont il reste profondément empreint et sa connaissance de celle de l’Occident. Outre les matériaux, tous naturels, il accorde une grande importance aux techniques traditionnelles coréennes — la calligraphie notamment — qui nourrissent sa démarche et lui imposent discipline et rigueur. Mais, plus que tout, cet héritage marque l’œuvre de Lee Jin-Woo d’un certain état d’esprit : une façon d’aborder le monde qui échappe légèrement au spectateur occidental, et qui pourtant le fascine. Une vision holistique du monde et de l’art, une autre perception de la culture et de la nature, sans rupture profonde. L’homme s’inscrit dans l’ordre du monde, s’y pose et disparaît.