Laurence Nicola
Mes domaines de réalisation sont pluriels et transversaux, l’installation, la vidéo, la photographie, le dessin. Ces domaines s’interpénètrent et se nourrissent mutuellement. Dans mes dessins, le papier remodelé et étiré par l’action de l’eau devient un épiderme. Cette idée de peau, de membrane est aussi présente dans la série des collages « compositions # ». Je peins, déchire, évide et recompose à partir de morceaux. Je suis toujours à la recherche du lien et du partage avec ce qui m’anime et m’échappe: l’altérité. Cet autre est souvent lié à la fragilité de l’être. Fragilité du corps, fragilité des matières avec lesquelles je choisis de travailler, de donner forme.
Ma pratique développe des mises en scène où le corps est toujours présent, éprouvé. Ce corps, je le confronte à des objets, à des matières, à d’autres corps. Ces associations provoquent des situations et des actions incongrues. Je veux faire ressurgir des sensations, des états émotifs latents. J’aborde les désirs, les frustrations et les non-dits. Il s’agit de modifier les paramètres habituels de la rencontre avec l’Autre. Mes actions mènent progressivement à un univers inquiétant, absurde. L’angoissant peut devenir risible et le risible, grinçant. Le caractère sensuel des images place la perception du spectateur dans un équilibre fragile, qui peut à tout moment basculer de l’attrait au rejet.
Les interventions sur les objets résultent de collectes et d’accumulations. Je prélève des objets souvent destinés à être jetés. En les réutilisant, je réveille leur mémoire tout en créant une autre histoire. L’économie de moyen m’est familière, cela m’aide à rester dans une esthétique épurée. Le passage d’un geste du quotidien vers un sens plus poétique est un élément fondamental dans mes vidéos. En cela l’acte chorégraphique m’inspire beaucoup. Le morcellement se retrouve dans les prises de vue photographiques et vidéos. Les cadrages utilisent le pouvoir révélateur de la métonymie ; et si le corps n’est pas toujours là, son absence l’affirme. Je privilégie le gros plan que j’associe à la frontalité et à la fixité du plan-séquence. Je souhaite que le spectateur ressente les images avant même d’en saisir le sens, comme dans le rêve. Les sons ou les silences participent de cette immersion.