Liu Bolin
Il est encore jeune sur la scène de la performance mais tend à un succès grandissant, et international. Diplomé en 2001 du département sculpture de la CAFA, Bolin conduit ses performances en jouant avec le corps comme s’il s’agissait de sculptures vivantes. Il s’intéresse à la question du corps dans l’environnement social : comment se fondre ou au contraire ressortir dans un paysage socio-culturel donné. Dans sa série « Camouflage », il travaille donc toujours en fonction du site dans lequel il conduit ses performances, en tenant compte des éléments visuels et émotionnels autant que des codes sociaux qui transparaissent dans ces lieux.
Quand le camouflage devient stratégie
L’Homme est-il un animal ?
Le caméléon est doté du pouvoir unique d’adapter sa couleur à celle de son environnement afin de se protéger. Le serpent à sonnette peut lui s’enterrer entièrement sous le sable ; outre une meilleure sécurité, cela lui apporte également accès à la nourriture. Bien d’autres animaux, parmi lesquels le gecko ou le scarabée ont appris, à travers le temps, à s’adapter à leur environnement et à échapper à leurs prédateurs. Le camouflage est dès lors, devenu un facteur essentiel de survie.
L’Homme n’est finalement peut-être pas un animal puisqu’il ne sait pas instinctivement comment se protéger.
Au cours de ces trois mille dernières années de civilisation, deux points apparaissent clairement : pour commencer, l’Homme évolue tout en détruisant son environnement; pour finir, le développement de l’espèce humaine engendre des effets néfastes pour elle-même. Au prix de sa brillante Civilisation, l’Homme est enclin à oublier qu’il est toujours un animal et annihile son propre instinct.
En effet, l’être humain semble avoir oublié qui lui faut continuer de penser à sa survie. Lorsqu’il s’adonne aux joies de la consommation et du développement, omnibulé par la poursuite de ses désirs, c’est sa propre tombe qu’il creuse. Dans la société humaine, il ne suffit pas de se dissimuler pour se protéger. Nous avons l’habitude de dire que l’existence humaine joue un rôle clé dans le cheminement du monde, je dirais qu’au contraire plus nous nous développons, plus nous nous fragilisons.
Ce qui définit l’Homme est nettement amoindri sous couvert du développement économique. Si la mort entraine la disparition du corps des hommes, le développement économique entraine la fragilisation de son esprit ; car c’est avant tout la pensée qui résume son existence. La Guerre au cours de la première moitié du siècle dernier et le développement économique dans la seconde moitié ont achevé de diminuer les hommes. Directement ou indirectement, qu’il le veuille ou non, l’Homme est dominé par la nature qui le rappelle d’ailleurs sans cesse à l’ordre.
Il y a un siècle, tout homme chinois portait une longue tresse. À cette époque, telle était la norme. Le fait qu’il n’en porte pas ou qu’il la raccourcisse révélait ses idées novatrices.
Aujourd’hui, la tresse dans le dos — autrefois marque des artistes — est devenu le point fort des coiffeurs dans tout salon de coiffure ; et de quiconque qui voudrait dénigrer la majorité des gens aux cheveux courts. La longueur des cheveux ou l ‘existence de tresses est en réalité sans importance. Tout dépend du contexte. La signification dépend de l’environnement extérieur. Les hommes naissent dans une société et notre mode de pensée est fixé par les traditions. L’être humain est si misérable que même sa façon de penser est transmise dans l’inconscient des générations futures.
L’agitation intellectuelle est plus terrible encore que la disparition physique.
Je m’estime parfois chanceux de n’être pas né dans les années 50. Les gens nés à cette époque ont tout connu. Ils ont eu de nombreuses expériences en commun : leur profonde admiration pour le Président Mao, la Révolution Culturelle, une éducation avortée, ils n’ont pas fait d’études, ont obtenu le « bol de riz en fer *, puis se sont retrouvés confrontés à une vague de licenciement pour enfin être autorisés une nouvelle fois à la propriété. Ensuite, ils ont dû assumer les frais de scolarité de leurs enfants et acquérir des maisons à leur charge. Comment la force de la culture et de la tradition peut-elle ne pas influencer le mode de pensée de toute une génération ?
À présent, dans le monde matériel réel, les opinions divergent. Chacun choisit sa propre voie et son mode de connexion vers le monde extérieur. J’ai décidé de me fondre dans l’environnement. Certains diront que je disparais dans le paysage ; je dirais pour ma part que c’est l’environnement qui s’empare de moi.
Dans un contexte où l’héritage culturel est prédominant, la dissimulation n’est finalement pas une solution.
Liu Bolin
Contemporary
Urban art, installation, performance, photography, sculpture, mixed media
Chinese artist born in 1973 in Shandong , China.
- Localisation
- Beijing, China
- Themes
- Actualité, aliénation, capitalisme, conceptuel, condition humaine, consommation, culture, disparition, environnement, espace public / espace urbain , globalisation, humain, identité, idéologies, manipulation , mondialisation, politique, réalisme, société, symboles