A Minor Sense of Didacticism — Mathieu K. Abonnenc
Exposition
A Minor Sense of Didacticism
Mathieu K. Abonnenc
Passé : 28 mai → 30 juillet 2011
Entretien — Mathieu Kleyebe Abonnenc Avec « A minor sense of didacticism », présentée jusqu’au 30 juillet 2011 par la galerie Marcelle Alix, Mathieu Kleyebe Abonnenc creuse le sillon d’une démarche artistique singulière, précisément en marge des productions les plus traditionnelles. A l’image du film de Sarah Maldoror, « Des fusils pour Banta », dont la disparition constitue le point de départ d’une recherche méticuleuse et passionnante. M.K. Abonnenc — A Minor Sense of Didacticism Tourné par Sarah Maldoror dans les années 1970 en Guinée-Bissau pour témoigner de la place des femmes et des enfants dans la lutte ... CritiqueLa recherche de Mathieu Kleyebe Abonnenc a depuis un an pris un tournant décisif. La figure du colonisé (et celle du colonisateur) ne se cache plus dans des espaces suggérés par des vides ou dans les représentations filmées d’un monde à l’agonie. Cette recherche, liée à la construction d’une identité post-coloniale, et le travail formel qui en découle, créent de nouveaux possibles. Un de ces possibles consiste à penser une œuvre collective — car il s’agit toujours d’échanges et de flux — qui puisse lutter efficacement contre l’effacement et la disparition.
Programmer une exposition, c’est envisager un certain nombre de paramètres pratiques, et se préparer à recevoir un ensemble d’œuvres que l’on prend plaisir à imaginer, dont on se réjouit de la présence future. Au cours de ce processus de projection, certains de ces projets recoupent nos désirs et nos engagements. Ils nous rendent impatientes parce qu’on les sait nécessaires à l’approfondissement d’une réflexion en cours.
Nous évoquions il y a peu de temps l’importance d’un certain sens de la responsabilité, même (et surtout) dans le contexte souvent présenté comme autonome du monde de l’art. Nous sommes des citoyennes, nous vivons dans un quartier, une ville, un pays, un continent, et conscientes de cela, il ne nous semble pas inconcevable que notre programmation puisse porter une parole dissonante dans un débat politique aux termes mal posés. Placé sous l’égide de grandes voix de la décolonisation, comme celle de Frantz Fanon, ou aux côtés d’acteurs de ces conflits, comme la réalisatrice antillaise Sarah Maldoror, le travail de Mathieu Kleyebe Abonnenc propose une relecture minoritaire de l’Histoire récente.
A minor sense of didacticism est une occasion pour l’artiste de « tout redire (…) tous ces noms oubliés des livres, certains flétris »1 C’est ainsi qu’il faut comprendre la programmation proposée par Abonnenc dans le sous-sol de la galerie : ces films dont certains demeurent confidentiels, quand ils ne sont pas introuvables, furent projetés à Alger en 1986, à l’occasion du 25 ème anniversaire de la mort de Fanon. Ceux qui ont été témoins des interventions précédentes de l’artiste, autour du compositeur africain-américain Julius Eastman au Plateau / FRAC Ile de France 2 et de Sarah Maldoror à Manifesta 8 et à Gasworks (Londres) auront peut-être compris qu’Abonnenc agit dans le temps, par petites touches qui peignent le portrait d’une famille recréée, d’un contexte qu’il convient de faire apparaître.
L’exposition dont l’artiste fut le commissaire à la Synagogue de Delme au printemps 2010, Self as disappearance, dessinait, autour d’artistes dont les noms nous étaient familiers (Joe Scanlan ou Haegue Yang), un arrière-plan conceptuel ayant trait aux questions d’identité. Tâche difficile dans un pays où toute réflexion sur l’identité est soit reléguée du côté de revendications dites « communautaristes » immédiatement suspectes (lorsque l’on se place du côté des minorités « visibles »), soit utilisée comme bouclier pour protéger une « identité nationale » dite menacée.
Dans un contexte qui nie la possibilité de prendre en compte une histoire différente — toujours celle de l’Autre, pas la nôtre, pas celle qu’il faudrait — la voix de Mathieu Abonnenc rejoint celle de nombreuses femmes3, qu’on a pu adroitement ranger dans une sous-catégorie dite « féministe » de l’art. Le morcellement par sous-catégories, stratégie ancestrale de domination — « diviser pour mieux régner » — permet encore à certains de penser qu’il existerait un art universel. En réunissant les acteurs et actrices bâillonnés de l’Histoire (et de l’histoire de l’art en particulier), en participant à l’écriture d’une mémoire commune par le biais d’expositions, de traductions de textes séminaux, de projections de films oubliés, ou de reconstitutions d’archives éparpillées (comme la collection des numéros de la revue Tricontinentale, publiée par François Maspero ou les images du film Des fusils pour Banta, de Sarah Maldoror), Abonnenc s’empare du legs de l’œuvre de Fanon et des non-alignés. Il est inutile d’évoquer ici l’actualité récente, nationale et internationale, pour souligner la nécessité de faire survivre cette pensée contradictoire au sein de sociétés occidentales au bord de l’amnésie.
IA
1 In L’aube des damnés (réal. : Ahmed Rachedi, Algérie, 1965, 35 mm)
2 exposition Les vigiles, les menteurs, les rêveurs, automne 2010 (cur : Guillaume Désanges)
3 Il a assuré la traduction du texte Choisir la marge comme espace d’ouverture radicale, de l’auteure féministe africaine-américaine bell hooks, à paraître dans le numéro 3 de la revue Petunia.
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Vernissage Vendredi 27 mai 2011 à 18:00