Anne-Charlotte Yver — Exsangue — Acte I
Exposition
Anne-Charlotte Yver
Exsangue — Acte I
Passé : 12 → 27 septembre 2015
Correspondance autour d’Exsangue, juillet — août 2015 .
“Il s’agit travailler sur un désencombrement en mettant en place un système d’autonomie qui ne relève ni de la prouesse, ni de la performance. Les éléments à l’unité ne sont pas volumineux, transportables facilement (…) et c’est par leur assemblage, leur placement, leur lien, leur extension qu’ils viendront occuper l’espace. (…)
Il y a ces trois Actes, qui apparaissent dans l’ordre du processus de travail plus que dans l’ordre de l’ouverture des expositions. Il y a toujours en premier lieu un souci de rassembler un certain nombre d’éléments particuliers à partir d’une intuition : images, matières, formes, objets trouvés, mots, etc… Ensuite vient leur ancrage dans un espace et peut-être en dernier lieu, une tentative de formation d’objets plus complexes et plus clos sur eux-mêmes, qui travaillent sur l’extension, les potentialités et les limites des éléments de départ, dans un circuit quand même ouvert à la déviation en cours de route. (…)
Le latex s’est imposé comme une évidence, par rapport à des intuitions très subjectives. Pour revenir à l’exemple du Rituel du serpent de Warburg, j’ai l’impression d’être sur ce même déplacement symbolique du serpent-éclair. En tous cas j’y reconnais la manière dont les liens se tissent par la manipulation concrète, comme dans un processus rituel archaïque mais investi d’un sens profond, l’appréhension d’une situation à travers un objet de substitution signifiant. Le latex, fluide qui coule des vaisseaux d’un arbre, récolté par « saignées », coagule pour former un matériau ultra résistant, extensible, élastique, une peau translucide qui fonce au contact des ultraviolets. Dans un travail où les éléments s’interchangent pour être tour à tour ossature, surface, chair, masse, structure, peau et où la sculpture prend corps par l’assemblage de ces éléments, le latex symbolise clairement tour à tour le fluide (sang) et la membrane. L’acier ici est à la fois machine d’expérimentation, de chirurgie ou de contrôle de cette matière difficile à tenir, qui se rétracte et change d’aspect, qui devient tellement fine quand elle se tend, qu’elle tend à s’échapper de l’étau qui la tient. Il est un support qui n’a pas su s’en tenir au minimalisme sans doute requis pour un support, mais s’est laissé emporter dans sa fabrication progressive vers un certain maniérisme. On est sur des questions de contrôle et de ce qui résiste au contrôle — comme cette espèce de jouissance du détail dans la construction — ou peine à lui résister. Les tubes de néons diffusent des ultraviolets à travers la matière et évoquent le processus de transformation de la couleur du latex tout en le rendant incandescent, comme une manière de maintenir active, vivante et chaude une matière coagulée qui a achevé sa transformation. Il s’agit en quelque sorte de rendre l’énergie vitale à une matière morte, toujours un genre d’acharnement un peu monstrueux et désespéré à la Frankenstein."
Anne-Charlotte Yver
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“L’autonomie que tu instaures dans ton processus de fabrication est situé à l’inverse de ces pièces disjointes de leur origine constructive, comme peut l’être la carrosserie d’une voiture, le rapport plastique d’une coquille aux traits lisses dont les articulations entre les parties sont hermétiques. La perte de l’origine dans l’objet achevé tend à masquer les rapports de forces qui lui ont donné naissance. En quelque sorte c’est lui retirer de sa nature et effacer les combats internes qui l’ont poussé à être et à subsister. Dans ce sens, je ne comprends pas pourquoi tu parles si peu de comment tu travailles, de la lutte qui se joue quotidiennement dans ton atelier, de tes doutes, de ton acharnement à maîtriser, du désespoir face aux dysfonctionnements, suivis immédiatement après du sentiment fugitif qu’une lueur de compréhension naît de ce qui échappe à ton contrôle. L’autonomie de ton travail c’est aussi l’autonomie de tes pièces, de la pièce assemblée, à l’échelle d’un espace à l’élément de jonction qui tient dans ta main. Elle s’inscrit dans la mesure de ton corps, de ta force, de ton sexe, de ta mémoire, de tes obsessions, de ta technologie. Les pièces présentent autant de forces et de concentration dans leur manière d’être rangées que dans leur présentation dans une galerie. Elles se réclament autonomes, soit à ta mesure, et trouvent dans ta liberté le potentiel de se transformer, de s’adapter, d’être hybrides ou mutantes, ce qui au final, les préserve de l’obsolescence. Elles ne sont jamais figées, la possibilité du réemploi ou de la suppression d’une de ses parties est constante, tendue vers une recherche du sens qui semble toujours s’échapper, ce sens qui lie ton corps à la pièce et la pièce à l’espace.”
Jean-Baptiste Geley
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Vernissage Samedi 12 septembre 2015 15:00 → 22:00