Carolee Schneemann

Exposition

Collage, peinture, performance

Carolee Schneemann

Passé : 13 septembre → 9 novembre 2019

La galerie mfc-michèle didier propose un hommage vibrant à l’artiste Carolee Schneemann, pionnière de l’art de la performance à travers l’essence de sa création polymorphe, son geste de peintre, dont l’exposition révèle toute la force.

— Guillaume Benoit

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Carolee Schneemann (1939-2019) est peintre… aussi ! Tout au long de sa carrière, elle n’a eu de cesse de rappeler que les performances, les films, les images, les textes, sont pour elle des extensions de sa peinture.

Si son travail interpelle par l’omniprésence du corps nu féminin, c’est pour mieux déjouer les tabous de l’époque :

« En tant que peintre, je n’ai jamais accepté les tabous visuels et les interdits concernant certaines parties spécifques du corps1 »

En utilisant son corps, Carolee Schneemann se réapproprie le nu féminin : loin de la réification du nu féminin opérée dans l’art classique, le corps de Schneemann est sujet, rebelle, irrépressible et conflictuel.

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Carolee Schneemann, Women’s Travel Plans, 1979 Photos sérigraphiées sur papier — 76 × 107,5 cm Crédit photographique : Charles Duprat

Pionnière du Féminisme, elle utilise son corps comme outil de revendication et s’éloigne ainsi de la représentation traditionnelle du modèle. La question que pose Carolee Schneemann est de savoir si le corps féminin peut être à la fois image et faiseur d’image, dans un monde où les modèles à suivre sont rares : « Je décidai qu’une peintre du nom de “Cézanne” serait ma mascotte : je supposais que Cézanne était indubitablement une femme — après tout, le “anne” de son nom était féminin. Les baigneuses que j’étudiais en reproduction étaient-elles étranges parce qu’elles étaient peintes par une femme ? Mais “elle” était célèbre et respectée. Si Cézanne avait pu le faire, je pouvais le faire2. »

De même que le corps est poussé au-delà de ses limites, l’image produite par Schneemann, dans ses films, photographies ou performances est ensuite transformée au moyen de la peinture.

Rompant avec des siècles d’histoire de l’art, sa peinture modifie l’image au lieu de la créer. En ce sens, elle se positionne dans la continuité du mouvement expressionniste abstrait, par l’utilisation, entre autres, du dripping, mettant en scène le corps peignant de l’artiste. Toutefois, ce corps peignant — et comment ne pas penser aussi à Yves Klein — vient détruire ou tout au moins souiller, déformer, abîmer l’image même du corps. Cette mise en abyme de l’image est la signature même de son travail.3

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Carolee Schneemann, The Men Cooperate, 1979 Photos sérigraphiées sur papier — 77 × 108 cm Crédit photographique : Charles Duprat

Fuses, son film iconique de 1965, qui est le premier film montrant l’acte sexuel sous un angle érotique à travers la perception d’une femme, fait l’objet d’une riche déclinaison : la pellicule est agrandie, imprimée, peinte, couverte d’acide, colorée. Cette œuvre est le point de départ d’une série de « peintures » construites suivant un principe récurrent qu’elle met alors en place : les images sont juxtaposées pour créer une forme de narration, puis sont modifiées, recollées et repeintes.

Le point de vue narratif se veut neutre, sans jugement. Le regard posé sur l’action qui se déroule est celui que le chat pose sur l’artiste et son compagnon de l’époque, James Tenney. C’est un corps libre qu’elle nous présente, affranchi des tabous de son temps. Avec cette œuvre, Carolee Schneemann brise les chaînes qui enferment le corps, plus particulièrement le corps féminin. Fuses est une pièce centrale car elle concentre tous les thèmes propres au travail de Schneemann. C’est à la fois un point de départ mais aussi un manifeste.

Dans ses installations, les images utilisées par Carolee Schneemann proviennent en partie de la documentation de ses performances. Fille de médecin, dont elle dira qu’il s’occupait autant des corps vivants que des corps morts, elle utilise à la fois sa propre image, mais aussi celles issues de la documentation médicale.

Dans la série Hallucinating (2002), elle emploie aussi des images de guerre, dupliquées, découpées et collées bout à bout pour donner une impression de déflagration.

Elle tire aussi ses images de différentes sources scientifiques et historiques, comme dans Ask the Goddess II (1988-2006) où se côtoient diverses visions des sexes féminin et masculin à travers l’histoire, la mythologie et la fiction.

A l’instar de Robert Rauschenberg, qu’elle a fréquenté au sein du Judson Dance Theater, Carolee Schneemann assemble ces différents fragments d’images, qu’elle vient colorer et marquer de son propre corps. De même que Fuses est un film à partir duquel Schneemann peint, Devour/Goya (2006) est au départ une installation vidéo projetée sur plusieurs écrans, collage d’images sur lequel des modifications sont appliquées, utilisant ainsi différents médias qui se répondent et se complètent. Dans ce montage dense, le titre représente à la fois la ruée vorace et synthétique des médias contemporains et l’impulsion correspondante, presque addictive, de leurs consommateurs.

Sa pièce Forbidden Actions-Museum (1979) reproduit six documents photographiques d’une performance clandestine au Kröller-Müller Museum aux Pays-Bas. Dans les galeries du musée, Schneemann attend la relève des gardiens et se déshabille rapidement pour une série d’actions nue. Elle décrit ce projet comme une tentative de « retirer le nu des murs dans le but de désacraliser et reconsacrer cette iconographie. »

La plasticité du rapport de Carolee Schneemann aux différents supports permet à son travail de conserver intacte la pertinence de ses débuts : outre son statut de pionnière de la performance féministe, elle est parvenue, jusqu’à nous, à insuffler une réflexion sur la narration séquencée, la peinture et le cinéma.

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1 Carolee Schneemann, Imaging her erotics, MIT Press, 2002 : “As a painter I had never accepted the visual and tactile taboos concerning specific parts of the body”.

2 Livre d’artiste de Carolee Schneemann, Cezanne, She was a Great Painter, trois éditions en 1974, 1975 et 1976 : “I decided a painter named ’Cezanne’ would be my mascot: I would assume Cezanne was unquestionably a woman — after all the ’anne’ in it was feminine. Were the bathers I studied in reproduction so awkward because painted by a woman? But ’she’ was famous and respected. If Cezanne could do it, I could do it.”

3 Carolee Schneemann, “Radicalize Your Own Images and Sensations, Carolee Schneemann and heide Hatry in conversation with Thyrza Nichols Goodeve”, The Brooklyn Rail, 2013. “I have always written about the physical demands of perception and the visceral energy of painting—from nature, from closely observing the strokes of paint creating an image, the energy of abstract expressionism—all has lead to the actualization of perceptual energy.”

  • Vernissage Jeudi 12 septembre 2019 18:00 → 21:00

    A 19h30 le soir du vernissage : conférence d’Émilie Bouvard, directrice scientifique de la Fondation Giacometti.

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94 boulevard Richard Lenoir

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T. 06 09 94 13 46

www.micheledidier.com

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