Charlotte Delval — Let’s Twist Again
Exposition
Charlotte Delval
Let’s Twist Again
Passé : 5 novembre → 19 décembre 2021
The mice are faxing this message to
you since the goats have eaten all
the paper and the snakes have all the
phone lines busy day and night.
Quand ils se voyaient une fois, ils se voyaient mille fois.
Robert et Josette se sont rencontrés l’an dernier. Quelle chance. Ils se sont bien trouvés tous les deux. Étrangement, il n’y avait rien du flirt habituel qui accompagne le plus souvent la parade nuptiale. C’était plutôt une sorte de mécanisme où l’un et l’autre se gratifiaient. Lorsqu’ils étaient ensemble, il n’y avait ni confusion ni besoin de s’adapter. Ils rendaient le plus souvent visite aux personnes abonnées à des magazines. Ils aimaient y déchirer les images et les faire rebondir sur le sol. Bien qu’ils soient tous les deux non-voyants, ils regardaient chaque image et se demandaient à quoi pouvait bien ressembler les jaunes, les rouges et les oranges. L’envie de faire quelque chose inconsciemment, et souvent de manière compulsive, était le genre de coutume qu’ils aimaient partager. Ce qu’ils ont à dire à ce sujet est parfois chanté avec un arrangement homogène de sons de tambours. Un son, coupé en deux par la voix et l’harmonie, mixé et répliqué sur une puce numérique. Une coutume dont la pratique de Charlotte Delval partage certains aspects.
Opérant différentes actions dans son atelier, l’artiste crée de nombreuses rencontres, fusionne objets et textures. Duo de formes et de matière, elle compose une grammaire, un langage organique, entre fluide et stigmate qui pourrait apparaître comme une orgie abstraite, une science-fiction du future inhibant tout potentiel de vie humaine. Un travail en creux dont l’artiste puise son énergie dans l’empreinte, la trace et le passage. Des enregistrements aux lectures multiples nécessitant un contact physique, une action tactile et résolue.
Tu es moi et je suis toi et nous sommes tous… quelqu’un d’autre.
Mentionner les personnages du roman Des Aveugles d’Hervé Guibert, n’est pas sans importance car il y a dans le travail de Charlotte Delval un rapport particulier au toucher bien qu’ironiquement, ce soit le seul de nos sens dont le cadre de son exposition nous prive. Guibert-Delval, une réflexion au carrefour de l’image et de l’écriture, introduisant différentes atmosphères et températures d’un répertoire de formes qui nous est familier. Cet aspect tactile mentionné dans le travail de l’artiste suggère un rapport particulier à l’autre. Une forme de respect et d’attention qui passerait par l’écoute et le tâtonnement : clés précieuses à toutes formes de communications et de soins.
Du porte-manteau au tapis, en passant par de la vaisselle, le travail de Delval crée, peu importe le lieu, des écosystèmes composés de corps-sculptures, mimant parfois des positions humaines. Il y a des portraits, des souvenirs, des rimes qui se retrouvent aussi dans les titres de ses œuvres: Dominique, Coiffeuse, Dans ton œil de serpent, Mon Lapin. Et un affaissement. Une pratique du sol, au sol, contre le sol, sur un territoire défini ou bien jouant d’une gravité. Une perte d’énergie visible, accueillie en surface, le cas échéant, aux abords de points d’accroches dont la trace est irréversible.
Je suis toi et tu es moi et nous sommes tous… quelqu’un d’autre.
De ces enregistrements visuels et haptiques il nous reste la coque, le dépôt, cette feuille de passage dont Charlotte Delval aime lui donner une forme. Des enveloppes uniques parsemées ici dans son exposition aux Bains Douches dont la légèreté et la douceur nous incitent à reposer nos paupières.
Jordan Derrien, Septembre 2021