Dictionnaire, promenadologues #3 de Yona Friedman

Exposition

Architecture, design, dessin, vidéo

Dictionnaire, promenadologues #3 de Yona Friedman

Passé : 8 → 23 février 2014

Par Sylvie Boulanger, Rémi Jauze et Laurie Moor

« Quand je dis un mot je ne sais pas ce que l’autre comprend. Quand je montre une image 
on comprend la même chose. »


Il y a trente ans, Yona Friedman commence un dictionnaire par le dessin. Sur l’invitation 
du Cneai, il réactive ce projet, resté inachevé jusqu’alors. Sur une table géante reprenant 
le fonctionnement d’une page de dictionnaire, les termes-clé de l’œuvre de Yona Friedman
sont traduits en maquettes, livres et films de l’artiste. Cette exposition à l’horizontale
 propose un parcours dans l’œuvre de Yona Friedman, sur le principe de la circulation des 
savoirs. Sur la table, un mot lié à d’autres, illustrés par Yona Friedman forment une idée.
 Par exemple « communiquer » est lié à « parler », « oreille », « pouvoir », « facile ».
 L’interaction entre les mots, les pictogrammes, les maquettes et les éditions créent un
 système de pensée et d’action. »


« Pourquoi ce « dictionnaire » ?
 Une anecdote peut l’expliquer. Il y a quelques années j’ai été en visite en Chine. Dans les 
grandes villes je n’ai pas eu de difficulté à me faire comprendre car beaucoup de gens ont appris 
l’anglais ou le français. Mais dans les petites villes c’était différent. Par exemple, comment 
demander de l’aide à un passant pour trouver la gare ? J’ai résolu la difficulté en faisant un petit 
dessin, très simplifié, d’un train et je lui ai montré. Il m’a tout de suite compris, et m’a indiqué la 
direction à prendre. J’ai eu une expérience similaire en cherchant un restaurant. Mais aussi une 
boutique, une marchandise, etc. C’est cette expérience qui m’a donné l’idée de faire un «
 dictionnaire » de petits dessins, facilitant la vie d’un visiteur à l’étranger, lui permettant de 
s’exprimer en utilisant ces « modèles » et de se faire comprendre ».

— Yona Friedman, Introduction au Dictionnaire


Le Dictionnaire est ici le résultat d’un jeu entre Sylvie Boulanger et Yona Friedman. Les mots 
proposés par celle-ci sont traduits en image dans un second temps, sur le mode de la tentative et 
de l’improvisation par l’artiste. La technique est simplement définie. Les objets sont représentés 
par des lignes simples, les émotions transforment les corps d’après les règles du mime. Enfin,
 pour les actions complexes, les schémas de base sont dotés d’objets ou accompagnés de
personnages.


« Déverrouiller le sens des mots vous semble une nécessité préalable à l’urgence de 
communiquer. De cette méfiance vis à vis de l’abstraction sont nées les Bandes Dessinées, dont 
vous avez adapté la forme en fonction des usages technologiques : fascicules photocopiés de
 Manuels, diaporamas et dessins animés. Comme je n’arrivais pas à comprendre comment vous 
faisiez pour dessiner un mot abstrait, par exemple le mot « liberté », vous m’avez appris que 
« liberté » tout court, on ne peut pas le dessiner, car le mot liberté ne veut rien dire. « On peut 
être libre de se déplacer, on peut être libre de parler, de manger ou de travailler. Mais on ne peut
 pas être libre tout court ». Cette réponse a eu pour effet de me libérer de la gravité des mots et je
 vous propose donc un jeu. Celui qui consiste à libérer certains mots de leur opacité, de les
 traduire dans une langue visuelle et donc compréhensible par tous. Pour commencer, j’imagine
que les mots société, avec, improvisation, mobilité, fonctionnement, faire, pouvoir… subissent le même sort que le mot liberté ? »

Correspondance Yona 
Friedman/Sylvie Boulanger


Systématiser cette démarche consiste à créer un dictionnaire par le dessin, qui permet à des 
interlocuteurs de se comprendre, quelque soit leur langage ou leurs références culturelles.
 L’exposition développe ainsi un choix de concepts dans l’œuvre de Yona Friedman. Plaise à
 quiconque de se prendre au jeu en prolongeant les articles du dictionnaire de ses propres
 dessins. A l’occasion de l’exposition, le Cneai publie le Dictionnaire et quatre Bandes dessinées : Politique, Architecture, Guidebook for an Extraterrestre, Sciences humaines et animales, en 
collaboration avec Jean-Baptiste Decavèle pour Balkis Production et l’Ecole Nationale
 Supérieure d’Architecture de Paris La Villette, qui accueille par ailleurs la suite de l’exposition à
 partir du 3 mars 2014.


Yona Friedman


Né en 1923, il grandit en Hongrie où il étudie l’architecture puis rejoint la Résistance.
 L’expérience de la guerre marque l’élaboration des thèmes de son œuvre, tels que la citoyenneté
 et la liberté de choisir. Après la guerre, il décide de s’installer en Roumanie, puis en Israël où il
 continue ses études d’architecture. Yona Friedman fonde le Groupe d’Etude d’Architecture
 Mobile (GEAM) en 1957. Le point de départ de cette organisation est le constat d’un échec
 global de la planification urbaine. Le groupe trouve des solutions en travaillant avec des
 structures flexibles constituées d’éléments préfabriqués. Yona Friedman déménage à Paris et se
 marie avec Denise Charvein. Dans un premier temps, il concentre ses efforts sur les moyens de 
donner forme à ses idées. A travers son activité de professeur et ses publications (près de 500 
articles et livres), ses concepts sont largement diffusés. Les idées et les projets de Yona 
Friedman ont toujours été intimement liés aux problématiques politiques et scientifiques de leur 
temps. Son travail de publication de plusieurs livres pour les non-spécialistes, à l’Unesco et à 
l’Université des Nations Unies, fut important pour l’élaboration de ses projets autour de
l’architecture « mobile ».