Florian Sumi — Maître Cœur
Exposition
Florian Sumi
Maître Cœur
Passé : 1 → 29 juillet 2017
Commissariat de : Emmanuelle Chiappone-Piriou en dialogue avec Galerie Escougnou-Cetraro
Entrer. Se déchausser. S’asseoir. S’immerger. Attendre. Attendre encore. Somnoler peut-être. S’extraire. S’essuyer. Se rechausser. Se lever. Sortir.
Verbes des premier et troisième groupes1.
Suggestion d’usages pour le nouveau paysage domestique1 de la Galerie Escougnou Cetraro
……………………………….. ;
Future has been there the whole time assénait l’un des panneaux publicitaires présentés en 2014 par Florian Sumi. Lequel ? vient-il l’envie de demander. Quel régime temporel l’artiste peut-il encore convoquer dans un temps où l’utopie a cessé d’être opératoire, et où le big data lui a substitué la prédictibilité ? Peut-être celui d’un temps à peine différé que, par un processus d’accélération constant, le présent avale et invalide.
C’est que Sumi manifeste une propension à opérer par hypothèses, par une succession de « et si », dont la pluralité induit le soupçon d’une incompossibilité. « Et si » : ce prologue nécessaire à tout exercice de spéculation est un mécanisme discursif et analytique puissant qui, agissant à la manière d’une invocation quasi magique, d’un mécanisme d’activation de l’imagination, ouvre les champs scientifiques et politiques.
Du nano au bio, du cognitif au numérique, toutes les dimensions sont convoquées dans les microfictions de Sumi sur la nature humaine à l’ère post-(humaine, internet). Une série de tables présentant dessins et objets selon un classement conceptuel rend ici compte des multiples terrains de recherche, de la pluralité des connaissances mobilisées et détournées, des préoccupations et des techniques mises en œuvre. Par-delà la diversité des questionnements, ce corpus révèle néanmoins des constantes. À la manière des « méridiens » — dont ce Maître Cœur — qui, selon certaines médecines, traversent les différentes parties du corps pour y distribuer l’action des organes, Sumi établit des transversalités entre ses projets spéculatifs, des continuités méthodologiques et conceptuelles.
Ce qui marque notamment dans cette collection d’éléments c’est le travail de conception, outre celui de création, auquel s’attelle Sumi. Il serait proche en cela du designer ou de l’architecte recherchant, d’une part, la nature systémique des choses de notre monde et produisant, par ailleurs, une série d’objets dont la structure s’affine au fur et à mesure des croquis. Ces objets génèrent des usages, au sens où ils sont rendus utiles par leur emploi, mais rien dans cette utilisation n’est communément reçu ou généralement admis. Pilulier, paratonnerre, cendrier… prototypes ou maquettes, les objets de Sumi possèdent tous une fonctionnalité effective ou potentielle, expérimentée notamment dans des scénarios filmés ou photographiés.
Dans l’exposition Maître cœur, le visiteur est virtuellement invité au rituel intime — laïcisé ou non — de purification des chairs qu’est le bain de pied. Ce qui pourrait être pratiqué dans la moiteur d’une salle de bain privée prend ici une connotation étrange. Bien que ce type de dispositif soit généralement doté d’une finition clinique par les procédés de fabrication industriels, ce n’est pas son aspect artisanal qui surprend. Ce ne sont pas non plus, ou pas uniquement, les études topographiques des corps servant de décor au cabinet de bain qui créent ce sentiment d’étrangeté. C’est plutôt la normalité possible du dispositif introduite par ce « et si ». Cette pratique millénaire se trouve déplacée par l’intrication des échelles domestique et urbaine, par la possibilité de l’exhibition de l’intime dans la galerie et, par extension, dans la rue, dans la ville. En dernière instance, le doute s’instaure que cela puisse fondamentalement altérer nos sensations. Faire des meubles pour faire des mondes, voilà alors sans doute une façon de résumer le programme de Florian Sumi.
Emmanuelle Chiappone-Piriou
1 Référence à l’exposition du MoMA réunissant les architectes et designers italiens The New Domestic Landscape,1972. Commissariat d’Emilio Ambasz.
-
Vernissage Samedi 1 juillet 2017 à 18:00
Horaires
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Et sur rendez-vous