François Fries — Que vois-tu du Mont Fuji ?
Exposition
François Fries
Que vois-tu du Mont Fuji ?
Passé : 5 février → 31 mars 2015
Il y a cette phrase qui fut pour moi (François Fries) un déclic. Elle est du peintre hollandais Jongkind, un précurseur de l’impressionnisme de la fin du XIXème siècle : « Dans le cadre de la fenêtre du wagon j’ai vu passer, à la vitesse d’un éclair, plus de mille tableaux successifs, mais je ne les ai qu’entrevus, très vite effacés par le suivant et, au retour, je les ai revus mais avec une lumière différente et ils étaient autres. Et j’ai compris que c’était comme ça qu’il fallait peindre : ne retenir que l’essentiel de la lumière surprise en une seconde à des moments différents. L’impression fugitive sur la rétine suffit. Tout le reste est inutile ».
« Ce que je fais m’apprend ce que je cherche ». Cette phrase de Pierre Soulages, que François Fries cita un jour lors d’un entretien pourrait résumer — s’il le fallait — toutes les heures passées depuis bientôt dix ans par l’artiste dans ses ateliers successifs. Car en peignant, François Fries, inlassablement, cherche. Pourquoi y a t-il quelque chose et pas plutôt rien ? Mais toute métaphysique et méditative qu’elle puisse être, la question s’enracine chez François Fries dans toute son emprise réelle, dans l’affrontement que le peintre connaît bien, avec la toile, la matière, physique. Car c’est dans le faire (« ce que je fais… ») que sa recherche nait, s’épanouit, s’exécute sans jamais s’achever ni se dissoudre. François Fries cherche, sait-il seulement quoi ?
Une quête personnelle, donc, une sorte de mantra, qui finit par se passer du discursif. On le sait, François Fries aime la fiction : celle que produit le cinéma, son autre territoire, auquel il se réfère souvent pour parler de « manières de faire » mais aussi pour installer l’atmosphère d’une série qu’il commence. Les titres de ses œuvres, souvent, étonnent, par leur dimension fictionnelle au regard de ce que montre la toile. Mais raconter ou se raconter une histoire, l’histoire d’un train traversant à toute vitesse un paysage dont, passager, on ne retiendrait qu’une fugitive image, ou l’errance d’un touriste dans un musée, les yeux glissant de toile en toile, sans vraiment en regarder aucune, conservant dans sa mémoire quelques bribes, souvenirs fugitifs de formes et de couleurs, ou encore imaginer la manière dont « tout s’écoule, même les montagnes »… Tout cela n’est peut-être qu’artefact d’un phénomène rendant les mots provisoirement obsolètes. Je fais, je peins, et en peignant, les mots se dissolvent.
On pense à ce mot de Harold Rosenberg, à propos de l’« action painting », qui pourrait, d’une certaine manière, s’appliquer au travail de François Fries, pour qui, sans aucun doute, la toile restera toujours cette « arène dans laquelle agir » dont parlait le critique américain, cet espace auquel toujours se confronter, et dont le résultat, la peinture, ne sera jamais un « produit fini » mais une pratique complexe, nécessaire et toujours « in progress »…
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