Gavin Benjamin, Pepe Lopez — Legacy

Exposition

Photographie

Gavin Benjamin, Pepe Lopez
Legacy

Passé : 1 → 30 décembre 2011

Le Mythe Repolitisé

« Ce que le monde fournit au mythe, c’est un réel historique, défini, si loin qu’il faille remonter, par la façon dont les hommes l’ont produit et utilisé : et ce que le monde restitue, c’est une image naturelle de ce réel. »

Roland Barthes, Le mythe, aujourd’hui.

Si Roland Barthes a raison de dire que le mythe, aujourd’hui, est une parole dépolitisée, autrement dit, une parole idéologique cherchant à se faire passer pour naturelle, que dire des œuvres de Gavin Benjamin sinon qu’elles sont des paroles mythiques repolitisées ? Cherchant sans cesse le moyen de rendre aux images qu’il recycle leur dimension historique, il permet à ses spectateurs de retrouver, sous l’apparente évidence de ces clichés, leur envers critique. Mais cette opération de démontage du mythe, comment s’accomplit-elle ? Voilà ce qu’il nous faut maintenant tenter d’expliquer.

Pour faciliter notre raisonnement, partons d’un exemple précis. Dans son œuvre Legacy-7, Gavin Benjamin a choisi de nous montrer un couple d’esclaves aux visages raturés posant devant une maison ostensiblement à l’abandon. Par ce geste associant volontairement deux images de l’oubli (l’oubli de l’identité des personnages qui nous font face, l’oubli de l’histoire de la maison devant laquelle ils posent), l’artiste nous force, en quelque sorte, à voir l’absence de conscience historique qui caractérise d’ordinaire le mythe.

Mais à cette absence, à cette lacune délibérée, Gavin Benjamin a jugé utile d’ajouter toute une série de légendes nous contant de manière sommaire, mais néanmoins précise, l’histoire du lieu (de la colonie) que nous voyons et du couple d’esclave qui pose devant lui. Par ce supplément d’informations, par cet inclusion du mythe dans un système sémiologique plus complexe, il nous dévoile la drame existentiel que le mythe, quand à lui, avait pour mission de nous faire oublier. A la légèreté de l’image mythique, à son amnésie délibérée, Gavin Benjamin oppose donc «un devoir de mémoire» et, plus profondément peut-être, un retour conscient du refoulé.

Si nous voulions, maintenant, donner à l’œuvre de cet artiste sa pleine actualité politique, nous pourrions peut-être la mettre en relation avec ce que tente d’accomplir un site comme « 1rethinking columbus day ». Car si le mythe de l’esclavage et de la colonisation heureuse semble n’être plus vraiment actif aujourd’hui, il n’en demeure pas moins (chose étrange !) que les Etats-Unis continuent à faire de Christophe Colomb un héros national, et de sa fête, une occasion d’oublier les massacres et les horreurs qui ont été perpétrés en son nom. Et si le temps était enfin venu de donner la parole aux vaincus ?

Frédéric-Charles Baitinger
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