Geert Goiris — Writing to myself

Exposition

Photographie

Geert Goiris
Writing to myself

Encore 28 jours : 7 novembre 2024 → 18 janvier 2025

Le point de vue de la rédaction :

Comme une lettre adressée à lui-même dont l’oubli et le temps contribuent au sens, Geert Goiris expose à la galerie Art : Concept des images qui, à travers le temps, continuent à lui parler. De ce dialogue silencieux de soi à soi nous parviennent les bribes d’une double histoire à reconstruire, celle personnelle des mouvements de l’artiste et celle qu’il a voulu transmettre initialement à travers l’immortalisation de scènes blanches, l’édition de fragments de neutralité. Une résonance trouble dont l’énigme participe d’un charme certain, ménageant ses effets pour faire de la valeur réflexive de son médium le vrai protagoniste d’une histoire dans laquelle il se dissout pour n’en demeurer que l’agent. G.B.

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Ces images ont refait surface alors que je parcourais mes archives un peu distraitement. Je les ai choisies intuitivement et les ai accrochées sur le mur de mon atelier en changeant constamment leur ordre. Peu à peu, une séquence avec une correspondance interne est apparue. Comme toute communication, cela repose sur un certain degré d’archivage : regarder, trier et classer, temporiser, formuler une réponse. J’aimerais comprendre la signification des opérations que je réalisais sans cesse. À la périphérie de l’intentionnel, tout peut devenir une déclaration, un langage.

D’où vient ce désir de collectionner, de conserver et de retrouver ? Je m’accroche aux traces de mon existence et j’ai confié une partie de ma mémoire à des objets transitionnels. Des photographies, bien sûr, mais aussi des cartes des lieux que j’ai explorés, des tiroirs pleins de tirages qui ne seront jamais montrés, des plans peu susceptibles d’être réalisés. Mon classeur est devenu si encombré que j’ai dû tout jeter, sauf quelques notes et images qui semblaient signifier quelque chose.

Si cela ne paraissait pas si prétentieux, je l’appellerais une autobiographie visuelle organisée. Ou s’agit-il plutôt d’une forme d’autofiction ? Writing to myself spécule sur la manière dont la technologie élargit nos modes de communication. Les images obtenues avec une caméra peuvent-elles révéler des dialogues intérieurs ? (Ou sont-elles plutôt des monologues ?) Je persévère à photographier sur pellicule argentique parce que quelque chose reste invisible et anticipé. La photographie instantanée est différente : lorsque l’image apparaît sur un écran immédiatement après sa capture, c’est efficace et rassurant. En revanche, une image latente exposée sur pellicule reste obscure. Dès le départ, ce type d’image est une potentialité, attendant d’être activée par un spectateur.

Comme l’a remarqué Baudrillard : « L’essence de la photographie n’est pas d’illustrer un objet ou un événement, mais de se faire événement ». Les mécanismes de la photographie prolongent le fonctionnement de l’appareil. Avant et après l’utilisation de l’appareil photo, le médium continue de cadrer et de focaliser à travers des étapes successives de recherche et d’organisation, de développement et de tirage par contact, de sélection des négatifs, de plongée dans la texture détaillée d’une image grâce à la numérisation à haute résolution ou à l’agrandissement, de recherche d’une surface adéquate en effectuant des essais sur différents types de papier, de renforcement de l’expressivité d’une image en la plaçant dans une séquence ou un contexte.

Après avoir passé ces filtres consécutifs, la plupart des images s’effacent dans un arrière-plan flou. Les tâches répétitives de l’archivage sont abrutissantes, mon attention se relâche et seules quelques images se distinguent. Qu’est-ce qui rend celles qui restent si spéciales ? Émanent-elles d’une sorte de lueur profonde ? Et si la dichotomie perçue entre la surface et la profondeur n’était qu’une illusion, une idée fausse issue d’une pensée paresseuse ? Nous semblons associer surface à superficialité ; les choses profondes ne brillent pas. La finesse est censée dissimuler la vérité. Et si nous avions tout faux ? Peut-être qu’une surface scintillante nous dit quelque chose. Et si cet éclat rayonnant n’apparaissait que lorsque différentes couches de la réalité se rencontrent ? Lorsque le multivers se plie et que les mondes se touchent.

La physique nous apprend que la réflexion est une propriété matérielle : certaines longueurs d’onde sont absorbées, d’autres réfléchies. La matière répond à la lumière qu’elle reçoit. Dans les croyances anciennes, les objets étaient considérés comme visibles parce qu’ils avaient le pouvoir de se projeter jusqu’à nos yeux. Non pas à la manière de rayons lumineux réfléchis par une substance, mais comme un objet conscient de lui-même qui cherche à atteindre celui qui le regarde.

En donnant forme à des choses invisibles, la photographie pourrait éveiller notre imagination. Si nous le souhaitons, ce médium peut fabuler. Il semble que nous ayons parfois besoin de vivre dans des histoires et des pensées plutôt que dans le monde tangible.

Dans la vidéo projetée ici pour la première fois, une phrase est répétée à l’infini : « Tous les scénarios sont là, tous les chemins que vous auriez pu emprunter ». Ce mantra se transforme en un chœur d’une seule voix multipliée par l’overdubbing, évoquant une polyphonie qui ne pourrait jamais se produire sans l’intervention de la technologie. All the scripts est une vidéo sans histoire, une succession rythmée d’images reliant les archives à l’idée du multivers. Un nombre infini de royaumes parallèles contenant des versions similaires mais légèrement différentes de tout.

Geert Goiris, 2024

03 Le Marais Zoom in 03 Le Marais Zoom out

4 passage Sainte-Avoye

75003 Paris

T. 01 53 60 90 30 — F. 01 53 60 90 31

www.galerieartconcept.com

Rambuteau

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Du mardi au vendredi de 10h à 18h
Les samedis de 11h à 19h

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