Je dois tout d’abord m’excuser… — Joana Hadjithomas & Khalil Joreige

Exposition

Sculpture, vidéo

Je dois tout d’abord m’excuser…
Joana Hadjithomas & Khalil Joreige

Passé : 6 juillet → 13 octobre 2014

Poursuivent leurs recherches sur les modes de narration et l’écriture de l’histoire, ces cinéastes et plasticiens libanais s’intéressent ici aux spams, ces mels indésirables, en se focalisant sur les scams qui constituent des arnaques particulièrement efficaces. Les artistes ont collecté, archivé, étudié et remonté la trace de ces mels pour interroger les rapports à l’histoire, aux contextes, aux différents régimes de représentations. La matière des scams, reléguée d’habitude aux corbeilles de nos ordinateurs, devient un symptôme de l’état du monde, une cartographie des conflits, une étrange Histoire contemporaine, mais aussi le lieu de rencontres singulières et d’expériences poétiques.

Les cinéastes et plasticiens libanais, Joana Hadjithomas et Khalil Joreige construisent leur œuvre sur l’écriture de l’Histoire et sur la production de savoirs et d’imaginaires ainsi que sur les modalités de la narration contemporaine. Ils prennent appui sur l’expérience de leur propre pays tout en dépassant ses frontières.

Je dois tout d’abord m’excuser… leur exposition à la Villa Arson est le fruit d’un travail de recherche qu’ils mènent depuis 1999 sur les courriers indésirables reçus sur internet, les spams, et plus particulièrement les mails d’arnaque, les scams. Ils ont collecté, archivé, étudié plus de 4 000 d’entre eux jusqu’à, dans certains cas, en remonter la trace.

Ces courriers, s’inscrivant dans une tradition qui date du XVIIIe siècle (Les lettres de Jérusalem), usent aujourd’hui d’une structure similaire : une personne affirme posséder une importante somme d’argent qu’elle doit transférer rapidement. Un pourcentage conséquent de cette somme sera versé à celui qui l’aidera, un inconnu, qui serait pourtant la seule personne de confiance de son entourage. Si la « victime » accepte, on lui demande alors petit à petit d’avancer de l’argent destiné à couvrir des frais imaginaires avant que le transfert ne soit effectif. Ce transfert n’aura jamais lieu.

Connues également sous le nom “d’arnaques nigérianes” , car souvent issues de ce pays, ces escroqueries se révèlent particulièrement efficaces puisque chaque année des milliers de personnes sont abusées et plusieurs centaines de millions d’euros volés, entraînant quelquefois des meurtres et des suicides.

Mais comment peut-on y croire ? Qu’est-ce qui anime cette croyance ? Ces scams jouent de la crédulité du destinataire et, pour l’abuser, se basent sur une réalité vraisemblable, l’actualité ou des événement réels, faisant référence à des conflits existants et usurpant souvent l’identité de personnes connues. Écrits à la première personne, construits comme des monologues, ce seraient les confessions d’enfants ou d’épouses d’hommes politiques, de dictateurs illustres et ce qu’ils racontent sont des réservoirs d’histoires dans tous les sens du terme.

On y croise supposément la femme de Yasser Arafat, l’ex-première dame tunisienne, l’avocat de Kadhafi, le fils aîné de Moubarak, le frère du leader Kurde Oçalan, la femme du président du Liberia, Charles Taylor, le fils du General Assumane Hanis de Guinée-Bissau, les enfants du Colonel Coulibaly de la Côte-d’Ivoire, Nenita Villaran, la veuve de l’ancien ministre des finances des Philippines, le secrétaire du milliardaire ukrainien Khodorkovski, mais aussi des officiers américains en Irak, des veuves anonymes, des enfants de négociants de cacao ou d’exploitants de mines d’or… À la lecture attentive de ces scams, se profile une histoire de ces dernières années : les conflits, les guerres, les déplacements, l’évolution de l’économie, des valeurs financières, des matières premières, de la religion, de la politique, du terrorisme et même de l’écologie… Ces archives virtuelles dressent une cartographie des conflits, un symptôme de l’état du monde et des relations Nord/Sud, tout en étant le lieu de rencontres singulières et d’expériences poétiques.

L’exposition fonctionne comme un parcours narratif, un film déployé qui, sous la forme d’installations, de sons, de vidéos, de sculptures et de dessins, déconstruit ces données, les transforme pour produire des images et des représentations singulières. On y retrouve des personnages récurrents, d’autres secondaires, des scammeurs, des victimes, des scambeaters qui veulent scammer les scammeurs, des montages parallèles, des décors originaux, des accessoires indispensables, des scénarios et des récits virtuels. Peu à peu, ces éléments tissent entre eux de multiples correspondances.

La “matière” des scams, d’habitude reléguée aux corbeilles de nos ordinateurs, devient pour les artistes, un espace de transformation pour interroger les formes narratives et artistiques générées par internet ainsi que le rapport à l’histoire contemporaine, aux contextes, à l’art, aux différents régimes de représentations et à l’étrange foi qui nous fait croire aux images et aux récits.

A découvrir aussi…

Trois pas de côté, l’exposition des diplômés 2014

Avec : Pauline Allié, Tanguy Beurdeley, Jedrzej Cichosz, Lucile Diacono, Raphaël Emine, Quentin Euverte, Victorien Ezard, Céline Fantino, Margaux Fontaine, Vincent Guiomar, Valère Jasson, Sharon Lesley Jones, Paul Le Bras, Sarah Maisonobe, Baptiste Masson, Simon Nicolas, Georgia René-Worms, Chloé Ribadeau Dumas, Florence-Delphine Roux, Anna Tomaszewski, Nelly Toussaint, Sergio Valenzuela Escobedo, Julien Ziegler.

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Sergio Valenzuela Escobedo, Autoportrait, 2008

Cette exposition collective propose à une vingtaine de jeunes artistes fraîchement diplômés de confronter leurs œuvres au regard des professionnels de l’art et du grand public.

Rendez-vous annuel avec la jeune création, cette manifestation est aussi pour le visiteur une invitation à découvrir les univers et les recherches de chacun de ces artistes qui croisent des expérimentations diverses et mettent en œuvre une multitude de techniques et de matériaux.

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Quentin Euverte, Dekobaiku, 2013 — SuzukiTS 1991 — 207 x 82 x 111 cm.

Avec des préoccupations hétéroclites et des pratiques très variées et parfois diamétralement opposées, conceptuellement comme esthétiquement, le cru 2014 de l’École nationale supérieure d’art de la Villa Arson contient toutefois des interrogations communes.

De nombreuses pratiques intègrent en effet une certaine forme de contre-pied qui se manifeste notamment par une inclinaison à tracer un chemin alternatif, à avancer sur une voie de côté et à s’affranchir des modes de compréhension normés.

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Chloé Ribadeau Dumas, El condor, 2013 — Vidéo, 4’38’’

Le commissaire invité, Frédéric Bonnet, a choisi à travers une sélection d’œuvres d’explorer la notion de “décalage” au sens large : pratique du braconnage culturel, invention de territoires, interférences grâce à l’imagination de dispositifs perturbant le réel, questionnement de la manière de produire des images en reconsidérant notamment les fondements de la vitesse et du spectaculaire qui gouvernent l’image contemporaine.

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Tanguy Beurdeley, Sans titre, 2014 — Vidéo, 1’

Faire Trois pas de côté c’est, à partir d’objets ou de situations réinventés grâce au geste créatif (déplacement des sens et dévoiement des usages, maniement des symboles, réinvention de territoires, insertion de perturbations et d’interférences…), considérer un autre usage des choses et proposer, in fine, une autre manière de lire le monde.

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