Journée d’étude — La création artistique, un laboratoire d’Histoire ?
Rencontre
Journée d’étude
La création artistique, un laboratoire d’Histoire ?
Passé : Vendredi 22 février 2013 09:30 → 18:00
Dans le prolongement de l’exposition Topoï d’Arno Gisinger, le Centre Photographique d’Ile-de-France propose une journée d’étude consacrée aux relations complexes qui existent entre histoire et photographie.
Si l’image photographique — photomécanique ou numérique —, fixe ou en mouvement, constitue parfois un matériau pour l’historien et contribue en tant que trace visuelle à la construction de l’Histoire, qu’en est-il des images produites par les artistes qui se confrontent aux faits historiques ?
Qu’ils interrogent leur positionnement, notamment en tant que témoin, dans l’actualité. Qu’ils observent et analysent la scénographie d’événements historiques par le biais du mémorial, du musée, de la ruine… Qu’ils travaillent à la résurgence de traces d’événements historiques notoires, à la révélation de signes de la microhistoire, qu’ils rejouent (remettent ces derniers en scène) les faits eux-mêmes…
Les artistes font-ils œuvre de transmission, leurs productions témoigneraient-elles simplement d’une histoire des sensibilités (du ressenti, des consciences, de la culture), ou créent-ils un matériau historique ?
Comment la production des artistes entre-t-elle dans le laboratoire de l’Historien, comment participe-t-elle, à son tour de la fabrique de l’Histoire ?
Programme de la Journée d’étude :
Introduction à la journée d’étude par Monsieur Patrick Barone, Président du CPIF et Nathalie Giraudeau, Directrice
10h-11h : « Sous les yeux de ma pensée » — Comment Nadar a revu l’histoire de sa jeunesse
Stephen Bann
Il va sans dire que les premiers pionniers de la photographie en France n’ont pas pu avoir recours à la photographie en tant que représentation de l’histoire. Ils ont été conscients, par contre, d’une voie nouvelle dans la peinture académique, voire d’un rejet de l’ancienne « peinture d’histoire », basée sur les récits d’antiquité et la Bible au profit d’un intérêt pour les sujets de l’histoire moderne. Et plus particulièrement, ils ont dû sentir les effets d’une véritable révolution dans le domaine de la gravure dont fait preuve l’invention de la lithographie. Pour la première fois, la représentation des événements — bien qu’elle était loin d’être « instantanée » — pouvait profiter d’un procédé plus immédiat (dans tous les sens) que ceux de la gravure traditionnelle. Toujours attentif à la place du visuel dans la culture de son temps, le photographe Nadar a laissé dans ses écrits volumineux quelques témoignages à propos de l’influence de certaines images qu’il a pu voir dans sa jeunesse. En relisant ses commentaires sur la période avant 1839, on peut repérer quelques éléments qui vont réapparaître plus tard vis-à-vis de la question du rapport de la photographie au réel.
Stephen Bann est professeur émérite d’histoire de l’art et Senior Research Fellow à l’Université de Bristol (UK). Parmi ses nombreuses publications, on peut noter celles qui portent sur le rapport entre l’histoire de l’art et le création contemporaine : The True Vine : On Visual Representation and Western tradition (1989) et Ways around Modernism (2007). En 2011, il a édité une collection d’essais sur l’histoire de l’art et les albums photographiques au XIXe siècle.
11h-12h : La conscience malheureuse du reporter est-elle une conscience historique ?
Michel Poivert
À travers l’étude des planches contact du photoreporter de l’agence Gamma Gilles Caron (1939-1970), on découvre la conscience critique d’un jeune homme inspiré par l’existentialisme en pleine période de révolution sociale et politique. C’est essentiellement l’expérience de la guerre du Vietnam (1967), puis du Biafra (1968), qui font douter Gilles Caron sur le sens de son métier : peut-on se contenter d’être un témoin dans l’action ?
En retournant l’appareil et en produisant des reportages dans le reportage, Gilles Caron cherche à traduire cette conscience malheureuse qui inaugure la crise morale du photojournalisme.
Michel Poivert est historien d’art, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Parmi ses publications, on peut noter La photographie contemporaine en 2002 (rééd. 2010), L’image au service de la révolution en 2006, L’Art de la photographie, des origines à nos jours (co-dirigé avec André Gunthert) en 2007. Il organise également des expositions, parmi lesquelles « L’Événement, les images comme acteurs de l’histoire » (2007), au Jeu de Paume à Paris, et « Gilles Caron photographe — le conflit intérieur » au musée de l’Élysée à Lausanne (2013).
Pause déjeuner
14h-15h : Reprises du cinéma, cartographies du visible
Christa Blümlinger
Même s’il semble problématique de comparer l’historiographie et la cinématographie au-delà du domaine de l’histoire du cinéma, on peut déterminer les différentes façons dont certaines œuvres cinématographiques « fabriquent » de l’histoire. S’agit-il donc, à l’instar de l’historiographie traditionnelle, de rassembler des images « officielles » de l’histoire événementielle, d’exploiter de nouveaux « documents », ou bien d’amener au jour un « monument », au sens où quelque chose qui n’était pas à l’origine destiné à témoigner ou à signifier parvient ici directement à la parole ?
En choisissant avec précision leur matériel documentaire, les artistes-cinéastes Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi proposent une vision archéologique des collections de films « ethnographiques », au sens le plus large du terme, et une nouvelle cartographie de ces géographies humaines.
Christa Blümlinger est professeure en études de cinéma et de l’audiovisuel à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Elle a été professeure invitée à l’Université Libre de Berlin (en 2008/09) et va être Senior Fellow à l’IKKM, Université Bauhaus de Weimar (en 2013) ; elle est aussi critique et a conçu des programmations en Autriche, en Allemagne et en France. Publications récentes : Théâtres de la mémoire. Mouvement des images (co-dir.), PSN, « Théorème 14 », 2011. A paraître : Cinéma de seconde main. Esthétique du remploi dans l’art du film et des nouveaux média, Paris, Klincksieck, 2013.
15h-16h : L’historien photographié
Philippe Artières
« Au printemps 2011, je me livre à une expérience photographique ; je ne me saisis pas d’un appareil photographique mais j’endosse les habits du personnage historique sur lequel j’enquête — un philosophe jésuite assassiné en 1925 dans une rue de Rome ; une matinée, j’incarne mon « sujet » et je demande à deux photographes — Noëlle Pujol et Andreas Bolm — de capter mes faits et gestes, ceux-là même qui furent ceux du philosophe au cours de sa dernière heure. La photographie comme acte de résurrection du passé. »
Philippe Artières, chercheur en histoire (CNRS-EHESS, Paris). Il a récemment publié Vie et Mort de Paul Gény (Seuil, fiction & cie) et Reconstitution. Jeux d’histoire (Manuella éditions).
Pause
16h30-18h : Dialogue des intervenants avec Arno Gisinger, artiste, autour de l’exposition Topoï
107, av. de la République
77340 Pontault-Combault
T. 01 70 05 49 80 — F. 01 70 05 49 84
Horaires
Du mercredi au vendredi de 13h à 18h
Samedi et dimanche de 14h à 18h
Et sur rendez-vous
Tarifs
Accès libre
L’artiste
-
Arno Gisinger