Julian Hoeber
Exposition
Julian Hoeber
Passé : 11 février → 24 mars 2012
Julian Hoeber Du 11 février au 24 mars, La galerie Praz-Delavallade accueille Julian Hoeber pour sa seconde exposition personnelle en France. Une... CritiqueLa Galerie Praz-Delavallade présente la deuxième exposition personnelle de Julian Hoeber, qui vit et travaille à Los Angeles. Seront présentés cinq nouvelles peintures de sa série en cours Execution Changes, un ensemble de dessins et trois chaises qui font partie d’un nouveau projet de conception de mobilier.
GPD: Quand on compare ton exposition actuelle à ta dernière exposition ici à la galerie (2009), il y a des similitudes, mais tu as aussi franchi un pas important vers un nouveau projet. Quand on aperçoit tes peintures, on est d’abord tenté de penser à Frank Stella, mais cette nouvelle série fait également usage de l’idée du concept comme machine quasi-automatique à produire une œuvre d’art de Sol Le Witt.
JH: Sol Le Witt a été important depuis le début. Après avoir vu un ensemble de ses wall drawings, j’ai commencé à réfléchir à différentes manières de diviser une composition. Une des choses que j’ai cependant toujours ressenti par rapport à Le Witt, c’est qu’il y a beaucoup de choses que sa rigueur apparente laisse de côté et n’aborde jamais. Son style très propre et rationnel laisse prétendre une sorte de neutralité, mais nous savons qu’il s’agit d’un choix purement esthétique. Il me semble que la nature très subjective de ces décisions esthétiques a toujours été évincée par les historiens. Execution Changes, la série de peintures sur laquelle je travaille actuellement, repose sur un système mathématique de divisions d’un rectangle, capable de générer plusieurs milliers de compositions uniques. Ce qui m’intéressait, c’était de mettre en place un système conceptuel, mais de s’appuyer ensuite sur la partie véritablement subjective. Ainsi les compositions sont de nature conceptuelle, mais l’exécution demeure très personnelle.
GPD: De cette manière tu parviens à confronter la pratique de l’art minimal et conceptuel qui s’est souvent éloignée du savoir-faire artistique, avec l’amour d’une pratique en atelier et le besoin que peut avoir un artiste de créer quelque chose avec ses propres mains. Comme tu viens de nous l’expliquer, au sein de cette approche systématique, tu as tendance à explorer les irrégularités. Les grilles sont éclaboussées de détails expressifs et tu utilises une facture très gestuelle, avec beaucoup de matière.
JH: Oui. Tout comme une ligne est toujours une forme, un aplat de couleur est toujours un objet. La peinture a une épaisseur, il faut ensuite se demander si c’est quelque chose qu’on a envie d’exploiter. Avant de commencer ce projet, je n’avais pas fait de peinture depuis une douzaine d’années et j’avais oublié à quel point l’acte de peindre semble prendre le dessus sur tout. J’ai l’impression de ne pas contrôler certaines choses quand je peins. C’est un peu comme essayer de contrôler son écriture ou sa façon de marcher. C’est faisable, mais on est mal à l’aise, et il faut avoir une très bonne raison pour s’y tenir. Le caractère un peu déchaîné de ma peinture est simplement lié au plaisir que j’ai en peignant. Mais ces détails expressifs s’expliquent aussi par une certaine frustration et un besoin constant de retravailler les choses. Pour cette exposition en particulier, un grand nombre de tableaux ont été peints et repeints, et je ne crois pas que j’aurais été capable de faire ça en gardant une surface propre. Dans le passé, j’ai réalisé des œuvres qui nécessitaient tellement de soin et de précision, que j’ai dû contenir ma spontanéité. Maintenant, si je veux qu’une couleur déborde des lignes, je me l’autorise. Le projet met en place les règles et me permet ensuite de les transgresser. Il y a un plaisir à avoir cette structure qui régit la conception de mes peintures, et ensuite de se permettre la liberté d’être négligent, tout en laissant la structure apparente. J’aime aussi les différentes manières dont ce processus me revoie à mes névroses personnelles.
GPD: Et la psychologie et plus particulièrement ton propre état psychologique ont toujours joué un rôle-clé dans ton travail, n’est-ce pas ?
JH: Mon état psychologique informe évidemment toujours ma manière de travailler. Ce à quoi je me réfère spécifiquement ici, c’est le fait d’établir des règles uniquement pour les transgresser plus tard, le fait de prendre plaisir à désobéir à l’autorité, assimilable à la rébellion adolescente, et même enfantine. L’esthétique de l’art conceptuel a toujours eu un côté plutôt raide et il semble que nous associons l’intelligence à la rigueur, et à la capacité à se contenir. J’aime l’idée qu’il peut y avoir une intelligence un peu sale. J’aime que mon travail intègre un état d’esprit qui permette de réunir à la fois la rigueur et les tendances explosives et débraillées. De cette façon, les pulsions conscientes et inconscientes sont en équilibre.
GPD: Tes cadres renforcent le caractère objet de tes peintures. C’est quelque chose que tu as voulu ?
JH: Mon encadreur m’a raconté que d’autres artistes lui avaient dit qu’ils considéraient que je ne faisais pas de peintures, mais des sculptures de peintures. Cette idée ne me dérange pas. D’une certaine façon, ces cadres me permettent aussi de lier les peintures aux meubles sur lesquels j’ai travaillé ces derniers temps. Si les peintures peuvent être vues comme des objets, et rappellent les motifs ou les couleurs du mobilier présent dans l’exposition, il devient plus évident pour le spectateur de trouver sa place dans l’espace. Je suis venu à l’abstraction à travers l’amour du travail d’artistes comme Bridget Riley et Fred Sandback, qui m’ont fait ressentir mon propre corps dans l’espace de façon très puissante. La surface des peintures, leur façon de s’imposer dans l’espace, les cadres, l’accrochage de l’exposition et le mobilier sont pour moi autant de moyens d’impliquer le regardeur et tout son corps.
(Extraits d’une interview avec l’artiste)
L’artiste
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Julian Hoeber