La chaise vide — Exposition collective
Exposition
La chaise vide
Exposition collective
Passé : 22 → 25 mars 2018
L’exposition collective La chaise vide s’articule, comme son nom l’indique, autour d’une chaise vide. Elle désigne une place réservée, qui est celle d’un invité absent. Cette chaise a été laissée par Marcel Broodthaers comme une sorte de gage. Les propositions qui s’ensuivent viennent d’artistes pour qui son geste compte. Ils répondent à côté. Ils lui trouvent une actualité.
« Que tout devienne glace au pied de la lettre. »
MB
C’était pourtant une bonne idée. Pas la peine de l’exposer, il n’en reste rien. Du moins quasiment : des résidus, des traces obscures (obscurcies d’être coupées de leur objet ?) dont il est difficile d’en tirer quoi que ce soit, de s’y retrouver. Ce n’est pas comme s’il s’était passé quelque chose (un événement, un accident, une catastrophe) que l’on pourrait, à partir d’elles, reconstituer. Non, l’obscurité de ces traces vient bien plutôt de ce qu’elles ne représentent rien, n’ayant plus à qui s’adresser. Une chaise qui n’est pour personne ne serait plus une chaise ? Mis hors circulation, choses et signes, chaises et chaises, idées et semblants n’offriraient dès lors plus prise qu’au vertige et au délire. Support sans fond. C’est peut-être là, arrivé à ce point-là que se pose la question de l’art, à quoi une œuvre à chaque fois essaie une réponse. Peut-on partager (ré-adresser) un délire, un vertige ? Mais il est peut-être trop tard, toujours trop tard : l’art est chose du passé. De là à soutenir qu’il ne peut se saisir à travers ses œuvres, s’attraper qu’avec une avance que seul un artiste, avant même de savoir ce qu’il aura fait…etc.
Mais cette discontinuité du moins suffit-elle à récuser les présupposés de l’art conceptuel, captif d’un dictionnaire illustré, égaré par le contresens de l’arbitraire du signe, que reconduit la croyance référentielle qu’aucune de leur traduction, translation, ou transposition n’entament. Sa chaise n’est pas celle de Kosuth. Son cahier des charges reste bien celui de la modernité, qui non seulement prend en compte, mais aggrave la crise de la représentation. Seulement chez lui, elle passe par la coupure saussurienne qui dégonfle la conception sphérique du monde. La belle forme tombe aussitôt aux rebuts, telle « une huître malade de sa perle ». L’humour broodthaersien s’oriente ainsi et trouve son efficace contre l’herméneutique et le nominalisme (entre autres déclinaisons de l’idéologie) réduit au mieux à la tautologie d’une coquille vide, au pire à tuer la chose pour qu’elle colle à son nom. Là où les artistes conceptuels vont jusqu’à s’effacer pour ne pas faire obstacle à la transparence du signe, il oppose et appose sa signature, réduite aux initiales de son nom, qui ne représente pas tant la marque déposée de l’auteur qu’elle ne retranscrit le rire qui accompagne une opération de déflation du sens.
Comme d’un bâton dans une roue, la métaphore aigle = art enraye la métonymie conceptuelle, qui au lieu de substituer à l’objet sa définition, l’y soustrait. Il suffit d’un rien pour que l’objet en vienne à chasser l’idée qu’on en a et pouvoir ainsi faire à nouveau signe, s’adresser à ceux-là même que MB nomme « les aveugles ». C’est que l’objet, trouvé ou perdu, n’est pas une référence extralinguistique. Il retrouve une valeur efficiente et signifiante comme accessoire à l’horizon d’un décor ; par une mise en scène qui le soustrait à une communication directe ; qui le soumet à un regard pluralisé (indéfini mais situé) ; qui le maintient au conditionnel d’un signe flottant, dans une attente ménagée et une adresse suspendue. Le décor des peintures pariétales n’avait peut-être pas d’autres fins que de déloger la grotte de son ours, et de le dissuader de revenir — un aigle a bien peur d’une bicyclette. Ce qui se vérifie : l’objet surgit comme signe et le signe surgit comme objet dans la peur ou dans le rire.
— D.G.
Entrée libre de 14H à 19H — Métro Belleville, Bus 26 (Arrêt Pyrénées / Belleville) — Renseignements: contact@villabelleville.org
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Vernissage Jeudi 22 mars 2018 à 18:00
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Discussion omelette Rencontre Dimanche 25 mars 2018 à 16:00
Horaires
Ouverture les jours de vernissage et sur rendez-vous
Tarifs
Accès libre
Les artistes
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Pierre Tectin
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Marcel Broodthaers
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Pierre Antoine
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Sergio Verastegui
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Alys Demeure
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Gabriela Lupu
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Rodolphe B. Delaunay
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Camila Farina
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Damien Guggenheim