Les sœurs aigües du grand Colorial
Exposition
Les sœurs aigües du grand Colorial
Passé : 15 mars → 26 avril 2014
Geamoon (Natalia Villanueva), née en 1982, est une artiste franco-péruvienne, diplômée de l’ENSBA. Elle vit et travaille à la fois, à Paris et à Peoria, dans l’Illinois (USA) où elle transforme, depuis avril 2011, une église abandonnée en centre culturel.
Il est souvent question, dans le travail de Geamoon, de matériaux épuisés : cendres, poudres et autres poussières parcourent ainsi ses œuvres, comme autant de traces d’objets qu’elle ne nous laissera pas voir. Son exposition intitulée mystérieusement Les sœurs aiguës du grand Colorial n’échappe pas non plus à ces présentations oscillant constamment entre révélation et dissimulation.
On se tromperait vivement en essayant de déceler dans les objets utilisés par l’artiste — aiguilles, bobines de fil… — une passion quelconque pour les arts ménagers : ces matériaux sont d’abord autant de réflexions possibles sur la déperdition, la répétition et l’accumulation. Dans Sœur n° 0, portant son attention sur le fragile, le fin, les matériaux en apparence d’une grande simplicité, elle tente dans une perspective équilibriste d’allier la mise à nu progressive des bobines vers un cœur de bois ou de plastique terne et le dévoilement de leur substance cotonneuse. En défaisant ce qui a été fait, elle reclasse patiemment : découpage après découpage, mèche par mèche, une nouvelle histoire s’écrit, celle des petites choses qui lentement s’épuisent.
L’idée de lecture est également à l’origine d’ Aiguë, dont le titre fait autant référence aux aiguilles utilisées pour sa composition qu’à la violence sourde qu’elles sous-entendent. Des pages de journaux vierges de mots ont été piquées par l’artiste à l’aide de milliers d’aiguilles métalliques dont on se sert habituellement pour recoudre un bouton. Toutes les mêmes, et toutes différentes, elles viennent transpercer un papier bien léger et d’apparence si frêle, lequel se gondole en se chargeant à chaque piqûre de non-dits. À leurs côtés, une petite boîte métallique vient présenter l’épilogue d’ Aiguë : s’y querellent des centaines d’aiguilles en apparence désordonnées, mais qui n’attendent que de réinventer l’histoire qui s’écrit ici sans fil ni couture.
Les boîtes occupent une place à part dans l’œuvre de la jeune artiste : elle n’hésite pas, pour les soustraire à son propre regard, à enfermer ses Mood/Bad/Drawings dans des coffrets de bois une fois terminés. Dans l’exposition, Sœur 1-10 joue également sur notre capacité à accepter ce que l’on ne voit pas : des boîtes en métal colorées qui la composent émergent des dizaines de fils colorés se réunissant en un point unique. Mais à hauteur d’œil, nulle bobine n’apparaît : car Geamoon est sans doute une magicienne, de celles qui découpent des fils de soie devant vos yeux avant de les restituer, entiers. Et qui les laissent se dévider sans fin.
Horaires
Du mardi au samedi de 14h à 19h
Et sur rendez-vous