L’état du ciel — Troisième partie
Exposition
L’état du ciel
Troisième partie
Passé : 6 juin → 7 septembre 2014
Ed Atkins
Bastards
Au travers de vidéos, installations, textes et dessins, Ed Atkins (né en 1982, vit et travaille à Londres) développe une œuvre extrêmement singulière qui se nourrit de certains paradoxes de l’existence. Comment parvenir à toucher et capturer l’essence des choses, l’intériorité et l’émotion des êtres — ces mouvements de l’impalpable —, au-delà de leur enveloppe matérielle ? Suivant des scénarii où se rencontrent signes, références et sources multiples, où l’image et le langage s’entremêlent, se compose une œuvre dédiée à cette étude. Ed Atkins s’intéresse ainsi à cette matière qui nous échappe, à ces transformations qui s’opèrent au-delà du visible, aux métamorphoses de soi, qui se conduisent en dehors de notre contrôle. Dans la lignée de penseurs tels que Maurice Blanchot ou Catherine Malabou, les thèmes de la disparition, de l’immanence et de l’incarnation hantent l’œuvre de l’artiste. Ils sont personnifiés par la figure omniprésente du cadavre, enveloppe d’une métamorphose invisible constituant autant un personnage dramatique qu’une allusion à notre finitude.
Employant les outils et formes du présent, l’artiste étudie ce que nous sommes en mesure de percevoir, toucher et représenter. Au moyen de vidéos de très haute définition, d’images de synthèse et par l’omniprésence du son, Ed Atkins nous plonge dans des images numériques au plus proche du monde matériel, à un degré tel qu’elles en troublent notre rapport au monde et sa possible représentation. Une myriade d’outils et d’effets cinématographiques — flous, réfractions lumineuses, son immersif, vivacité et saturation des couleurs, montage intense — compose une œuvre viscérale et organique, où chaque vidéo invente son propre écosystème.
Pour sa première exposition monographique en France, Ed Atkins présente Ribbons (2014), installation monumentale déclinée en un triptyque vidéo de haute définition, dont la bande sonore envahit l’ensemble de l’espace d’exposition. La parole du protagoniste, qui oscille entre lamentations, dénigrement et supplication, rythme la structure de la vidéo où ses errances et dérives psychiques trouvent leur écho dans le flux continu de l’image, du texte et de la bande-son. Délirant, possédé et monstrueux, ce personnage est « sous influence », contrôlé par d’autres forces — l’alcool, le consensus social, les mœurs, l’outil numérique et l’artiste lui-même. Au centre de cette œuvre persistent les questions fondamentales de la représentation de soi, de la métamorphose interne de l’être, de l’expression du doute, que l’artiste évoque par l’emploi et la subversion des technologies numériques ; une forme magique et paradoxale qui se situe entre notre monde et un autre, entre matérialité des corps et substance invisible.
All That Falls — Attention à la chute
Commisaires : Marie de Brugerolle & Gérard Wajcman
« Du Mur de Berlin aux Twin Towers, le XXIe siècle est né dans les chutes. Traumatiques ou libératoires, réelles ou métaphoriques, entre crises, krachs, crashs, tsunamis, déboulonnages de régimes et sauts à l’élastique, par les temps qui courent, ça tend à tomber. Mais tout ce qui tombe ne tombe pas toujours mal. Au premier rang de ce qui nous tombe dessus, il y a les objets. Si jadis « les grenouilles tombèrent et recouvrirent l’Égypte », la pluie d’objets qui s’abat sur le monde serait notre plaie moderne. Enjoy ! Tel est le mot d’ordre des temps nouveaux. Pas si joyeux que ça. Les objets supposés satisfaire nos désirs nous ont finalement asservis. Du médicament au téléphone portable, tout prend un tour addictif. Et en tombant au rang de marchandises, les objets ont perdu en dignité.
Reste que la chute n’est pas que déprimante ou désastreuse. Au milieu des tragédies, des éclairs de vérité peuvent aussi nous tomber dessus : quand tombent les illusions. Avec le Mur de Berlin ou les tours du World Trade Center, ce sont les idéologies et les croyances funestes d’un siècle qu’on a vues tomber en poussière, toutes les illusions de l’avenir. Il y a des chutes qui, comme les rideaux, dévoilent et nous ouvrent les yeux.
Ça tombe aussi dans l’art. Depuis un moment, le sublime a du plomb dans l’aile. Il semble avoir dégringolé du Parnasse au bazar pour finir par terre. La dure loi de la gravitation qui régit le monde est entrée au musée. L’art nous donne à voir que ça tombe et que l’axe du monde a basculé. Jadis on allait au musée pour se consoler dans les hauteurs de l’art des duretés de la vie ; à présent l’art tend vers le sol, le regard se baisse, mais sans s’abaisser. Prenant de la gravité, c’est le système des valeurs qui se renverse. On passe du symbole à la chose, de l’esprit à la matière, de l’âme au corps, du tout au fragment, du trésor au déchet, du monument au tas, du fantasme au réel. Les œuvres des grands artistes aujourd’hui ne sont pas sublimes, elles sont symptômes, révélateurs d’une civilisation où ça tombe. Elles rendraient intranquille. C’est leur grandeur. L’art tend à ouvrir des brèches dans le réel, discrètes mais efficaces. Nous voici au temps d’un art qui fait acte. Il faudrait penser un sublime pour les temps où ça pleut.
C’est la puissance de l’art aujourd’hui de faire épiphanie du réel. L’importance n’est pas qu’esthétique ou de vérité, elle est aussi politique. En ouvrant sur le malaise dans la civilisation, l’art organise une résistance. Et il y convie chacun, amenant les regardeurs que nous sommes à nous interroger sur notre assise dans un monde qui tangue et se dérobe. Façon de nous aider à ne pas trop nous casser la gueule. Et finalement, l’art vient soigner la pesanteur comme on soigne sa droite : en une chute joyeuse. »
Avec : Ronald Amstutz, Vasco Araújo, Julien Bismuth, Jean-Pascal Flavien, Dominique Ghesquière, Lola Gonzàlez, Camille Henrot, Willy Kautz, Agnieszka Kurant, Julie Legrand, Urs Lüthi, Michael C. McMillen, Steve McQueen, Philip Metz, Deimantas Narkevicius, Tony Oursler, Daniel Pommereulle, Benoit Pype, Delphine Reist, Lili Reynaud Dewar, Jimmy Robert, Miri Segal, Pablo Vargas Lugo. Et avec la participation de : Felix Baumgartner.
100 ans plus tard
Le Pavillon Neuflize 0BC
Au XVe siècle, le shogun Ashikaga Yoshimasa ordonna la construction à Kyoto du Jishô-ji ou Ginkaku-ji (le temple au pavillon d’argent) afin de répondre au Rokuon-ji ou Kinkaku-ji (le temple au pavillon d’or), résidence de son grand-père Ashikaga Yoshimitsu. La guerre d’Onin (1467–1477) interrompit les travaux et le pavillon ne fut jamais recouvert de feuilles d’argent. Échappant ainsi à l’ostentation, le Ginkaku-ji devint un symbole de la sobriété raffinée japonaise. Délaissant les affaires politiques et militaires pour se consacrer à l’étude et aux arts, Ashikaga Yoshimasa se retira dans son pavillon au sein duquel il posa les fondements de la culture traditionnelle japonaise Higashiyama, très influencée par le bouddhisme zen : l’ikebana ou la voie des fleurs, la voie du thé et celle de l’encens, les poésies waka et renga… En 2013, un autre Pavillon — parisien, celui-là, puisqu’il s’agit du laboratoire de création du Palais de Tokyo — a invité Shuhô, maître d’ikebana et responsable du Ginkaku Jishô-ji Kenshu Dojo, à proposer une série de rencontres en France et au Japon à la croisée des pratiques traditionnelles et des arts contemporains.
L’exposition 100 ans plus tard résulte de ces échanges de savoirs individuels et collectifs entre Shuhô et les résidents du Pavillon Neuflize OBC, à travers la mise en scène des processus de circulation, de transmission et d’appropriation des éléments d’une culture. Au cours de cet apprentissage, l’ikebana, art basé sur la composition florale, est devenu un territoire commun d’expérimentation au sein duquel ont été testées des procédures réciproques de traduction — entre langues, entre zones géographiques et culturelles, entre époques ou entre pratiques — pour contourner, d’un Pavillon à l’autre, l’approche exotique.
La définition d’un espace, symbolisée par l’importance accordée au vase dans l’ikebana, est devenue l’un des éléments centraux de cette expérience collective. Le vase est l’outil de transition et de négociation entre l’intérieur et l’extérieur, entre les états (solide, liquide, gazeux), entre les éléments de la composition. « Dans l’ikebana, déclare maître Shuhô, quand on contemple une composition, l’intérêt doit se porter sur le mizugiwa [le bord de l’eau]. » L’exposition est un récipient où se reflètent les œuvres exposées — une flaque d’eau où luira encore, cent ans plus tard, le souvenir oublié des gestes, des discours et des objets.
Avec : Lucas Biberson & Guillaume Henry, Sophie Bonnet-Pourpet, Rebecca Digne, Elke Marhöfer & Mikhail Lylov, Sébastien Martinez Barat, Karin Schlageter, Clémence Seilles, Chai Siris, Antonio Vega Macotela, Yonatan Vinitsky & Shuhô.
Eduardo Basualdo
Teoría (La cabeza de Goliath)
Les œuvres d’Eduardo Basualdo (né en 1977, vit et travaille à Buenos Aires) nous plongent dans un monde à l’étrange familiarité, inspiré des phénomènes naturels et des forces à l’œuvre dans le monde. Très influencé par l’étude de la littérature, du théâtre et de la psychanalyse, l’artiste y met en perspective la place de l’homme, son irrémédiable soumission aux forces universelles qui lui échappent, et sa possible émancipation. Quelles sont nos ressources face aux forces mystérieuses de la vie et de la nature, sinon nos consciences et nos illusions, fragiles mais élémentaires ?
« Je récupère l’idée de l’Homme au centre de l’univers comme un oeil lucide capable de tout voir, mais incapable de le comprendre et de le modifier. L’Homme apparaît toujours dans mes œuvres comme victime de circonstances qui lui échappent. »
Eduardo Basualdo
Teoría (La cabeza de Goliath) (2014), œuvre étrange et captivante rappelant une météorite, s’impose et menace le spectateur de sa masse mystérieuse et démesurée, dont on ne peut ni percer l’intériorité ni reconnaître l’origine. Il s’agit d’expérimenter le mystère de cette forme dominant nos corps et nos consciences, suscitant nos doutes et réveillant nos interrogations. Dramatique et onirique, elle nous encourage à la contemplation autant qu’à la crainte de cet inconnu qui nous surplombe, supérieur à nos existences. Cette œuvre, dont la masse n’est tenue que par une fine corde, fait référence à un équilibre fragile et pouvant être aisément brisé, souvent évoqué dans les récits mythologiques. Elle pourrait alors s’abîmer sur les hommes, irrémédiablement soumis aux lois de la gravité.
Michaela Eichwald
Lauréate du prix Lafayette 2012
Évoluant dans une sphère à la limite de l’underground, Michaela Eichwald (né en 1967, vit et travaille à Berlin) développe une œuvre multiforme alliant pratique plastique et écriture. Ses peintures, collages et sculptures, aux formats variés, créés à partir de matériaux divers (papier, tissus, objets, etc.), forment de grands ensembles au sein desquels chaque création possède son existence propre. Superposant les couches de peinture ou recouvrant les volumes de résines et de vernis, l’artiste convoque les matières et engage un processus dans lequel sa propre subjectivité est en dialogue permanent avec l’expérimentation. Les formes qu’elle réalise sont le fruit d’états émotionnels, de moments particuliers, mais aussi de phases où les mots participent à l’élaboration de l’œuvre grâce à l’écriture et à la poésie. Sur le blog uhutrust.com, l’artiste consigne au quotidien ses pérégrinations, ses pensées, ses observations et ses réactions à l’actualité. Elle y publie des photos qu’elle prend elle-même ou qu’elle trouve sur Internet. Elle y décrit parfois les étapes de travail dans lesquelles elle est alors plongée. Comme un journal de bord à partager publiquement, uhutrust.com témoigne du regard de l’artiste sur le monde.
Michaela Eichwald est engagée dans une réflexion sur le monde de l’art et ses modes de fonctionnement. Comment exister et vivre en tant qu’artiste ? Comment créer et produire, et dans quelles conditions ? Pour elle, les moments de création sont le fruit d’une situation et d’un contexte particuliers, comme, par exemple, la disponibilité d’un espace de travail ou le fruit d’un échange intellectuel. C’est un ensemble de données qui se réinvente au cas par cas et provoque l’alchimie qui permet à l’œuvre de se réaliser.
À l’occasion de son exposition au Palais de Tokyo, l’artiste réalise de nouvelles œuvres, explorant, hors de toute contrainte, l’instant même, la page blanche que représentent les quelques semaines précédant l’exposition.
Les modules — Fondation Pierre Bergé — Yves Saint Laurent
Charbel-Joseph H. Boutros & Alessandro Piangiamore
Horaires
Tous les jours sauf le mardi de midi à minuit
Fermé le mardi
Tarifs
Plein tarif 12 € — Tarif réduit 9 €
Gratuité pour les visiteurs de moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi, les bénéficiaires des minimas sociaux…
Programme de ce lieu
Les artistes
- Camille Henrot
- Miri Segal
- Julie Legrand
- Lili Reynaud-Dewar
- Julien Bismuth
- Rebecca Digne
- Benoît Pype
- Jean-Pascal Flavien
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Deimantas Narkevičius
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Urs Lüthi
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