Louise Bourgeois — Rare and Important Works from a Private Collection
Exposition
Louise Bourgeois
Rare and Important Works from a Private Collection
Passé : 23 mars → 1 juin 2013
Louise Bourgeois à la galerie Karsten Greve Depuis trente ans, le galeriste allemand Karsten Greve suit et expose les créations de Louise Bourgeois. Pour cette monographie, c’... CritiqueL’exposition Rare and Important Works from a Private Collection est entièrement consacrée à Louise Bourgeois. Montrant un grand nombre de sculptures de la fin des années 40, l’exposition dévoile une période initiale de la création de ce protagoniste de la scène artistique du XXe et XXIe siècle. Il s’agit de travaux anciens rarement exposés et qui recouvrent un rôle essentiel dans la production de Louise Bourgeois ; d’une grande variété formelle, les œuvres présentées témoignent en effet des sujets fondamentaux abordés tout au long de son parcours, extrêmement riche. Les sculptures exposées permettent ainsi de traverser les moments majeurs de son œuvre, constamment énigmatique et explicite à la fois.
La biographie de Louise Bourgeois fait partie intégrante de ses créations : son histoire personnelle et ses œuvres sont si profondamment liés qu’il n’est pas possible de comprendre l’un sans connaître les autres. Dans ce sens, la surface des sculptures tout comme le trait des dessins et la présence même des installations sont imprégnés des expériences vécues dans son enfance. Issue d’une famille de restaurateurs de tapisserie ancienne, dès l’âge de dix ans Louise Bourgeois aide ses parents dans leur atelier situé boulevard Saint Germain. Elle commence ensuite des études de mathématiques à la Sorbonne, qu’elle ne terminera pas, et se dédie finalement à la philosophie. Ces deux parcours, différents et convergents à la fois, sont conçus par l’artiste comme deux chemins distincts menant à la même chose : la recherche d’une stabilité, d’un ordre et peut-être d’une logique dans sa vie. Si l’essentiel de sa production artistique se déroule à New York où elle s’installe après avoir épousé l’historien d’art américain Robert Goldwater, Paris et la France restent un point de référence tout au long de sa vie. Paris est sa ville natale, la ville de son épanouissement aux Beaux-Arts et à l’Ecole du Louvre, la ville quittée devenue si lointaine. Mais la France est aussi le pays du cauchemar familial qui est à l’origine de toutes ses œuvres, l’endroit du traumatisme duquel il faut s’éloigner pour survivre.
Les sculptures en bronze, étroites et comme élancées vers le haut, recouvrent un rôle essentiel dans la production et l’histoire personnelle de Louise Bourgeois. Les Personnages, tel le titre donné à ces œuvres de jeunesse, sont réalisés entre 1947 et 1950 : ces monolithes effilés à l’équilibre précaire deviennent le symbole de l’instabilité psychologique vécue pendant ces années. Ayant quitté Paris pour New York en 1938, Louise Bourgeois ressent une nostalgie profonde pour la France et les personnes qui lui étaient proches. Le rassemblement de ces éléments totémiques permet au visiteur de s’introduire dans l’espace de la révocation et de la mémoire, où il se retrouve entouré de ces personnages-personnes comme dans un contexte social. En révoquant sa jeunesse, Louise Bourgeois se confronte également au thème de la femme-mère, probablement à l’origine même de toute son œuvre. Les sculptures Pregnant Woman I et II ainsi que Woman with a Secret, réalisées entre 1947 et 1949, sont donc de rares exemples des premières élaborations de ce sujet qui sera ensuite approfondi pendant toute une vie. L’ambivalence entre l’homme et la femme, tout comme celle entre la femme et la mère, est un élément fondamental de ces œuvres où les repères de genre deviennent flous et incertains.
Le concept de refuge et d’abri est une constante dans le travail de Louise Bourgeois : conçu à la fois comme lieu dans lequel se cacher et tanière de laquelle sortir, le refuge représente un élément clef de son œuvre. Elle l’élabore sans arrêt dans une progression formelle qui commence avec les Nids, « corps habitants » représentant des demeures organiques, et se termine avec les Cellules, sorte de cages grillagées reconstituants des pièces de maison. L’œuvre Lair s’inscrit dans cette recherche : il s’agit d’une tanière en plomb où l’on est coincé et protégé à la fois. La présence qu’on devine à l’intérieur, dans le sombre, est le symbole du secret qui se protège dans la maison-refuge. Dans ce sens, Lair est l’exemple d’un exorcisme annoncé qui n’est pas encore accompli complètement et qui confère à l’œuvre une condensation de tension émotive et de puissance expressive.
A partir des années 90 l’aluminium apparaît dans les travaux de Louise Bourgeois : la brillance apportée par ce matériel accentue l’agressivité suscitée par les contours aiguisés des œuvres. Cela offre au visiteur une expérience perceptible qui symbolise l’état intérieur de l’auteur, comme c’est le cas pour The Mirror réalisée en 1998. Le miroir reflète non pas l’image de la personne qui y est en face mais plutôt l’état d’âme de qui l’a réalisée : ce que l’on voit est l’intimité de Louise Bourgeois, déformée, troublée et indéchiffrable. En concevant l’art comme une garantie de santé psychique, Louise Bourgeois fait du procès créatif l’occasion d’un véritable exorcisme : l’acte créatif devient alors le seul moyen d’apaiser et rationaliser les blessures profondes enracinées dans son histoire personnelle.
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Louise Bourgeois est née le 25 décembre 1911 à Paris. Elle est admise à l’Ecole de Beaux-Arts et fréquente entre autres l’atelier de Fernand Léger. Ses œuvres sont inclues dans les plus grands collections et musées du monde. Ses travaux font également partie de prestigieuses collections privées. Naturalisée américaine depuis 1951, l’artiste est décédée à New York le 31 mai 2010 à l’âge de 98 ans.