Michael Sailstorfer — Freedom Fries am Arbeitsplatz
Exposition
Michael Sailstorfer
Freedom Fries am Arbeitsplatz
Passé : 12 septembre → 9 novembre 2013
La Galerie Perrotin, Paris est heureuse de présenter l’exposition personnelle de Michael Sailstorfer intitulée Freedom Fries am Arbeitsplatz réunissant sept Mazes paintings et deux Statues de la Liberté.
Philippe Joppin : Par le passé, vous avez réalisé plusieurs ensembles de sculptures, mais vos dernières expositions présentaient un grand nombre de tableaux. Comment avez-vous évolué ainsi vers la peinture ?
Michael Sailstorfer : J’ai commencé la série Mazes (Labyrinthes) paintings en 2009. Ces toiles ont été présentées pour la première fois en 2012. En 2009, après une longue période de réflexion et de doutes, j’ai décidé de passer à la peinture. C’est tout naturellement l’étape suivante de ma pratique artistique… L’idée m’est venue simplement, sachant qu’en tant qu’artiste je refuse de devoir restreindre ma pratique et les matériaux que j’utilise à un médium ou à une technique en particulier.. Il y a d’abord l’Idée. Elle est première. Ensuite vient le choix du matériau…C’est ainsi que je commence habituellement un travail et c’est ce qui explique cette grande diversité dans ma pratique. Chaque pièce ou série de pièces a un aspect différent, car elle a pour point de départ de nouveaux problèmes, de nouveaux doutes et de nouvelles décisions à prendre. C’est ce processus qu’illustrent les Mazes. Toutes les bonnes et les mauvaises décisions, tous les « oui » et les « non », les « à droite » et « à gauche », les « en haut » et « en bas », sont visibles à la surface et ce sont elles qui font l’œuvre d’art.
PJ : En ce qui concerne plus particulièrement cette nouvelle série, j’ai également le sentiment que vos références évoluent, que vous vous détachez de la scène culturelle allemande pour aborder la culture pop américaine.
MS : Mes derniers « Mazes » font en effet directement référence aux « oxydations » d’Andy Warhol. J’ai d’abord enduit les toiles d’un apprêt à base de cuivre ou d’autres pigments métalliques avant de sérigraphier sur elles les structures de labyrinthe. En les aspergeant ensuite d’acide ou en pissant dessus, je cherche mon chemin dans le labyrinthe, en oxydant ainsi la surface apprêtée…
PJ : Dans cette série, vous êtes allé chercher des images sur le web, alors que vous travaillez habituellement avec des éléments naturels en vous interrogeant sur la façon dont l’artiste peut transformer la nature en une autre réalité. Ces références à Internet vous intéressent-elles plus particulièrement, ou bien êtes-vous davantage focalisé sur le geste et les possibilités infinies qu’offre le médium ?
MS : Mes nouvelles pièces débutent presque systématiquement par une recherche en ligne. Quand j’ai entrepris de faire les Mazes, j’ai cherché des modèles de structures labyrinthiques et j’en ai trouvé des milliers sur le web. Il existe même des générateurs de labyrinthe en ligne, des sites web de jeux pour enfants et des passe-temps. C’était la solution la plus simple pour me procurer le matériau. Et c’est une ressource inépuisable. Mais j’aime aussi cette idée qui consiste à transformer par de bonnes ou de mauvaises décisions une infinité de possibilités aléatoires en une œuvre d’art unique.
PJ : Dans le cadre de l’exposition à la galerie, vous travaillez également avec un objet emblématique, la statue de la Liberté. Faut-il y voir une relation avec le fait que Bartholdi était un sculpteur français, ou bien sa présence s’explique-t-elle tout simplement par l’idée de modifier cette image emblématique comme vous l’avez fait avec les piss paintings de Warhol ?
MS : Sur la route que je prends pour aller de Berlin à la campagne, dans le Brandebourg, j’ai fait un détour par un dépôt de matériaux de construction d’occasion. J’y ai trouvé une reproduction de la statue de la Liberté, de 2 mètres 50 de haut, en fonte d’aluminium, qui était posée à côté de vestiges de monuments soviétiques, de vieilles baignoires et de morceaux du mur de Berlin. J’ai acheté cette sculpture de la Liberté et l’ai rapportée dans mon atelier où elle est restée pendant quelques temps…C’est en préparant mon exposition à la Galerie Perrotin à Paris que j’ai décidé de la présenter, car la statue d’origine était un cadeau de la France. J’aime l’idée de l’utiliser dans un sens littéral, comme si la sculpture était un trépan gigantesque qui perforerait les murs de la galerie.
Ici, l’idée de base, me semble-t-il, ce n’est pas de modifier une image emblématique, mais de voir à quoi pourrait servir cette image emblématique ou, encore, le mot « Liberté », et quelles relations il était possible d’établir avec elle.
PJ : J’ai l’impression qu’il existe un rapport étroit entre cette Statue de la Liberté et certaines de vos précédentes sculptures, comme If I should die in a car crash it was meant to be a sculpture où vous associez à un ready-made un appareillage électrique.
MS : Ces pièces ne sont pas principalement axées sur le dispositif électrique. Ce dont il est question, c’est d’une relation ludique avec des ready-made qui sont imprégnés de certaines références. Et ces références, ces idées, sont resituées dans des contextes inédits par de petits déplacements ou des transformations minimes. Parfois, un moteur électrique et une prise de courant sont nécessaires pour faire fonctionner le tout, parfois une meuleuse d’angle suffit. Comme dans le cas, par exemple, de Drumkit (2005), qui est une batterie en tôle récupérée d’une voiture de police. Mais il existe bien entendu des relations très étroites entre cette nouvelle sculpture Statue de la Liberté et des pièces précédentes comme If I should die in a car crash it was meant to be a sculpture ou Time is not a motorway Dans le cas de cette dernière, une roue d’automobile actionnée par un moteur électrique tourne en frottant contre le mur de la galerie et son pneu s’use progressivement durant le temps de l’exposition.
La poussière de caoutchouc s’accumule sur le sol, l’odeur de caoutchouc brûlé se répand dans toute la galerie. Le sujet de cette pièce, c’est le temps. Le vieillissement, les cheveux qui deviennent gris… Il m’est difficile de parler de la nouvelle sculpture Statue de la Liberté car elle est encore en production et je n’ai pas eu l’occasion de la voir en vrai. Mais elle parle de la liberté, sous de nombreux aspects…Et j’ai déjà une autre idée en ce qui concerne le moteur électrique et son utilisation dans certaines nouvelles pièces. Le moteur électrique donne à la pièce une chronologie… il la fait fonctionner, sans intervention humaine… de sorte que la sculpture est humanisée, elle devient l’exécutant sur scène, le white cube…
PJ : Le titre de votre exposition Freedom Fries am Arbeitsplatz, et également de votre seconde sculpture me fait penser à l’œuvre Honigpumpe am Arbeitsplatz de Joseph Beuys. Est-ce un hasard ?
MS : Honigpumpe am Arbeitsplatz est l’une des œuvres les plus importantes pour moi et beaucoup de ses idéaux sont présents dans cette pièce. Le titre et les décisions formelles de ma pièce sont autant de références à Honigpumpe am Arbeitsplatz . L’exposition est construite conceptuellement et formellement autour de cette œuvre. Freedom Fries am Arbeitsplatz peut être interprétée comme une réflexion actuelle sur les idées politiques de Joseph Beuys et où nous nous situons aujourd’hui.
L’artiste
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Michael Sailstorfer