Miguel Branco — Deserto
Exposition
Miguel Branco
Deserto
Passé : 28 janvier → 21 avril 2012
Né au Portugal à Castelo Branco en 1963, Miguel Branco a étudié à la Faculté des Beaux-Arts de Lisbonne et dirige depuis 1998 le Département Peinture du Ar.Co. — Centre d’Art et de Communication Visuelle de Lisbonne. Son œuvre est présente au sein d’institutions internationales tels le MUDAM au Luxembourg, le CAM — Centre d’Art Moderne de la Fondation Calouste Gulbenkian à Lisbonne ou encore la Fondation Serralves à Porto.
Durant les vingt dernières années, Miguel Branco s’est principalement consacré à la peinture, à l’exception d’une série de sculptures en argile et fer réalisée dans les années 1987-89. Plusieurs aspects marquants distinguent son œuvre, qu’elle soit peinte ou sculptée : tout d’abord la notion d’échelle, puis le recours à la tradition à laquelle son œuvre fait constamment référence, que ce soit à travers les techniques de peintures employées ou par le choix de ses thèmes dans l’Histoire de l’Art tels que le portrait, la peinture animalière et la nature morte et enfin la présence constante dans son travail d’un dispositif scénique agissant dans son œuvre : quelque chose d’impalpable ou quelqu’un en est le protagoniste. Qu’elle soit animal, humanoïde, objet, lieu, crâne, scribe ou encore papillon, cette entité résonne en chacun de nous ; elle détient à la fois une vérité et la cache, comme si ce qui était créé dans ce silence redéfinissait les limites et actions de ce qui agit sur nous.
L’exposition est composée de plusieurs installations reliées entre elles et conçues spécifiquement pour nos deux espaces du Marais.
L’articulation des œuvres entre elles, leur emplacement, ainsi que le parcours dessiné par l’observateur qui les découvre sont fondamentales à la compréhension de cet univers artistique, à la fois mystérieux et étrange. Cet ensemble d’œuvres édifiées dans l’abandon des choses, se présente à nous dans toute la subtilité d’une voix silencieuse qui a un message clair à nous formuler.
Plusieurs installations sont présentées : l’œuvre intitulée Sans titre (d’après le Paysage avec Diogène de Nicolas Poussin) de 2011 est composée d’écuelles, de petits bols, de plats et de cloches, tous réalisés en résine blanche immaculée. Elle fait référence au fameux tableau de Nicolas Poussin de 1647 intitulé Paysage avec Diogène représentant en premier plan le fameux philosophe grec de l’antiquité, Diogène de Sinope, proche d’un jeune homme à genoux buvant de l’eau dans le creux de sa main, au bord d’une rivière. A son côté, Diogène qui observe la scène, contrit et confus, jette l’écuelle qui lui servait à boire, dans une prise de conscience du superflu représenté par cet objet qui symbolise son dernier attachement au monde matériel. L’œuvre est ainsi empreinte de renoncement et de confiance absolue.
Une autre œuvre intitulée Sans titre (Restes), 2011, est composée de bols et tasses en bronze de dimensions réduites. Chaque pièce, de par le choix du matériau (bronze) et de la patine, a été conçue et disposée en référence aux objets des fouilles archéologiques Etrusques et Romaines. Par ces objets, l’artiste crée l’illusion d’un « musée imaginaire » et nous invite ainsi à découvrir les vestiges d’un passé historique fictif, simulacre du musée (lieu qui préserve et sacralise l’art) reproduit à l’intérieur de l’espace de la galerie d’art. La puissance de ces œuvres est justement dans cette tension toujours présente tout au long de la série.
La quinzaine de moines en bronze intitulés Sans titre (Moine), 2011, dont la patine a été pensée et travaillée dans le moindre détail, nous plonge dans un univers empli de références ancestrales et archéologiques. Ces êtres, à l’image des anachorètes qui se retirent dans le désert pour se consacrer à la prière et à des exercices de pénitence, ont fait le choix d’une vie spirituelle dans la solitude et le recueillement ; ils sont à la recherche ou à l’écoute de vérités supérieures ou de principes essentiels. Ces moines, à la fois centrés sur eux-mêmes et prêts pour la bataille, sont des guerriers de l’esprit. Il y a en eux une tension latente issue des éléments structurels qui les composent. Ici, les moines sont affinés jusqu’à en devenir ascétiques, à l’image de l’icône par excellence de l’Art du Gandhara — le Buddha ascète du Musée de Lahore — et leur dénuement nous offre une nouvelle forme d’émergence.
Ils sont rejoints par une série de dix œuvres sur papier intitulées Sans titre (Désert), 2011, dix papillons de grand format, créatures éphémères chargées d’un symbole de mutation (de la larve, à la chenille et à la chrysalide). L’artiste s’est procuré des images de papillons dans des publications sur la nature ou a collectionné de vrais papillons qu’il a fait venir de plusieurs endroits dans le monde, pour ensuite les faire photographier. Face à ces merveilles de la nature, riches en détails et en couleurs, l’artiste s’emploie tout d’abord à ôter la couleur pour ne conserver qu’un bleu monochrome, ce qui lui permet de vider la forme de toute sa connotation naturaliste tout en conservant son essence et en y logeant à l’intérieur d’autres formes complexes savamment nichées. Nous pouvons trouver cette tonalité de bleu dans les «azulejos» musulmans ou portugais, mais également dans les porcelaines chinoises. En déambulant à travers ces différents lépidoptères, le visiteur de l’exposition est appelé à sentir à l’intérieur de lui-même une métamorphose identique à celle du papillon. Ces œuvres ne souhaitent pas nous imposer leurs images mais plutôt nous apprendre à regarder ce que nous croyons voir. Le grand format a ici une double intentionnalité : d’une part la mise en valeur de la singularité de l’image, et d’autre part, il vide l’image de sa connotation «sentimentale» liée au cliché de la représentation du papillon. De même qu’elles sont des symboles de la résurrection et de la métamorphose, ces images aplaties par le processus numérique, se vident et deviennent spectaculaires par leur impact graphique.
A travers ce long dédale, dans le cheminement d’installations empreintes de silence et hautement instruites, dans les déambulations des buddhas, des mendiants, des scribes, des papillons, le visiteur de l’exposition Deserto est progressivement amené à la rencontre de différentes perceptions, de différentes expériences qui lui permettront peut-être de se mettre à l’unisson de l’Art et de ses nombreuses formes évoquées.
Cette exposition a été montrée au Pavillon Blanc du Musée de la Ville de Lisbonne au Portugal. Un catalogue en couleurs a été édité pour l’exposition à Lisbonne comportant un texte traduit en anglais de Bernardo Pinto de Almeida, il sera complété par une publication comportant les photographies des nouvelles œuvres faites pour la galerie ainsi que la traduction en français du texte de Bernardo Pinto de Almeida.
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Vernissage Vendredi 27 janvier 2012 18:00 → 20:30