Mondrian/De Stijl

Exposition

Architecture, design, dessin, peinture

Mondrian/De Stijl

Passé : 1 décembre 2010 → 21 mars 2011

L’exposition « Mondrian/De Stijl » présentée par le Centre Pompidou entrelace les parcours de l’un des plus grands peintres abstraits du XXe siècle et de l’un des mouvements les plus féconds de la modernité européenne.

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Clé de lecture pour la compréhension des sources de l’art moderne, le mouvement d’avant-garde De Stijl (Le Style) synthétise, dès la fin des années 1900 et dans les années 1920, une vision esthétique et sociale qui aspire à l’universel et rêve d’inventer un « art total ». Piet Mondrian, la figure centrale et la plus célèbre de ce mouvement, mène à Paris de 1912 à 1938 sa quête d’harmonie plastique. Son abstraction radicale, à la recherche d’un langage universel de formes et de couleurs primaires, vise à dépasser la peinture. Pour Mondrian et les artistes de De Stijl, l’œuvre d’art totale, clé d’un nouveau monde, devient symbole d’un équilibre parfait où chaque élément s’intègre et fusionne avec l’ensemble au sein de la communauté humaine.
 
Cette présentation s’articule en deux grands chapitres. Le premier, consacré à Mondrian, est centré sur les œuvres, peintures et dessins créés par l’artiste à Paris entre 1912 et 1938. L’exposition montre, à travers une centaine d’œuvres majeures, l’évolution du peintre, du cubisme au néoplasticisme, de la « réalité naturelle à la réalité abstraite » et reflète le bouillonnement artistique engendré par l’activité de l’artiste dans la capitale parisienne. C’est, depuis 1969, la première présentation d’ampleur à Paris de l’œuvre d’un des artistes les plus importants du XXe siècle, là où Mondrian a pourtant produit l’essentiel de son œuvre.

Le second chapitre de l’exposition investit le territoire du groupe « De Stijl » et trace, en parallèle, l’histoire du mouvement depuis ses origines, à travers un ensemble important de peintures, dessins et photographies. L’exposition est largement fondée sur les pratiques transdisciplinaires des acteurs du mouvement autour des trois figures centrales, qui l’ont animé, Piet Mondrian, Theo Van Dœsburg et Gerrit T.Rietveld, et révèle la complexité des collaborations entre les nombreux artistes qui s’y sont ralliés, peintres, architectes et designers.

Pour accompagner cette présentation inédite, deux publications paraissent aux Éditions du Centre Pompidou, « Mondrian » sous la direction de Brigitte Leal et « De Stijl, 1917–1931 » sous la direction de Frédéric Migayrou et d’Aurélien Lemonier. Un album « Mondrian/De Stijl », les ouvrages « Les Écrits français de Mondrian » et la réédition de l’un des textes capitaux de Mondrian, « Réalité naturelle, réalité abstraite » de 1920 ainsi qu’un numéro spécial des « Cahiers du Musée » complètent ces publications.

Piet Mondrian (1872 – 1944)

Né en Hollande en 1872, Mondrian reçoit d’abord une formation académique à Amsterdam où il obtient ses premières commandes (portraits traditionnels, décors d’églises et de particuliers). Au début du siècle, il peint régulièrement, dans une veine symboliste, les paysages et les fermes proches de la maison familiale de Winterswijk et s’attache déjà aux éléments rythmiques de la composition (arbres, barrières), à la planéité (élévation de la ligne d’horizon pour annuler l’effet de profondeur) et à la géométrisation des formes.

À Paris, où il s’installe en 1912, Mondrian découvre le cubisme de Picasso et abandonne la peinture d’inspiration divisionniste ou fauve, parfois marquée par des sources théosophiques, des années passées à Domburg ou Oele, pour entreprendre la recherche d’un « langage pictural universel ». Entre 1912 et 1920, il mène progressivement le cubisme jusqu’au néoplasticisme (la Nouvelle Plastique abstraite), passe de « la réalité naturelle à la réalité abstraite ».

Partant de l’analyse et de la décomposition de la forme, il aboutit à la plastique pure, fondée sur l’établissement de rapports entre des surfaces colorées, selon une logique d’harmonie et d’équilibre entre les parties. Cette dialectique horizontal / vertical, où les couleurs pures (bleu, rouge, jaune) se juxtaposent aux non couleurs (noir, blanc, gris) dans une géométrie combinatoire qui abolit la perspective, permet une infinité de variations modulaires.

Sur ce principe, Mondrian crée, pendant cette période, plusieurs cycles de peintures avec lesquels il met en place sa théologie du néoplasticisme. Ces œuvres sont ordonnées en séries homogènes et systématiques, les plus minus, les compositions dans le carré, en losange, les grilles.

« Tout se compose par relation et réciprocité. La couleur n’existe que par l’autre couleur, la dimension par l’autre dimension, il n’y a de position que par opposition à une autre position ».

Le tableau est ouvert et apparaît comme un fragment d’un ensemble plus vaste. La division de la toile en quadrilatères entre en rapport avec le cadre de l’œuvre, avec le mur où il se trouve, avec la pièce, avec la cité. Le néo plasticisme est un monde exact qui lie l’ordre pictural à une utopie sociale, spirituelle et poétique.

Dans son atelier « sanctuaire » du 26 rue du Départ à Montparnasse, qui est, non pas décoré mais traité comme un tableau, meubles et chevalet compris, pour constituer un espace d’art total, Mondrian vit très pauvrement mais nullement reclus. Depuis ce laboratoire expérimental, il mène une activité considérable, qui conjugue des entreprises théoriques, éditoriales et commerciales, pour défendre son idéal néo plastique et activer ses réseaux artistiques autour de tous les mouvements d’avant-garde européens abstraits (Dada, De Stijl, Abstraction-Création, etc…)

En 1915, c’est le lieu de sa rencontre décisive avec Theo van Dœsburg. En 1918, il lance le manifeste du mouvement De Stijl (Le Style). En 1921, il expose à la galerie de l’Effort moderne de Léonce Rosenberg qui édite son traité, Le néoplasticisme. Principe général de l’équivalence plastique et monte l’exposition « De Stijl » en 1923. En 1925, Mondrian est présent à la première exposition internationale d’art non figuratif, « L’Art d’Aujourd’hui » avec d’autres ténors de l’abstraction. En 1926, il crée la maquette du décor de la pièce de théâtre de Michel Seuphor, L’Éphémère est éternel. En 1927, il fait paraître dans Vouloir, son article doctrinal, Le Home — la Rue — la Cité, participe au Salon des Tuileries et expose chez Jeanne Bucher. En 1931, il patronne l’avènement d’Abstraction-Création. En 1937, l’artiste rejoint l’exposition « Origines et développement de l’art international indépendant », organisée par Yvonne et Christian Zervos au Jeu de Paume des Tuileries.

Pendant ces vingt années parisiennes, Mondrian côtoie non seulement tous les artistes qui comptent, les Delaunay, les Arp, Jean Hélion, Robert Mallet–Stevens, Pierre Chareau et Le Corbusier, les cubistes, les constructivistes, les artistes dada et les abstraits, mais accueille aussi des jeunes artistes comme Calder, venu spécialement à Paris, en 1930, pour visiter son atelier. À Paris, il trouve ses premiers collectionneurs, français comme Charles de Noailles, américains comme Albert Gallatin, ou suisses comme Alfred Roth, ses premiers disciples, comme Jean Gorin ou Félix Del Marle, ses critiques et thuriféraires, comme Christian Zervos ou Michel Seuphor.

« Poème de l’angle droit » selon Le Corbusier, le 26 rue du Départ, de microcosme du néo plasticisme devient le point de référence d’un monde nouveau, qui subordonne l’individuel à l’universel. À ce titre, il est visité par les plus grands photographes de l’époque: André Kertész, Rogi André, Florence Henri… qui immortalisent son image pour les revues d’art du monde entier.

De Stijl et le Néoplasticisme

Le mouvement d’avant-garde hollandais De Stijl (Le Style) constitue une clef de lecture incontournable pour la compréhension des sources du mouvement moderne. Celui-ci s’organise autour de trois figures centrales: les peintres Piet Mondrian et Theo van Dœsburg et le concepteur de meubles et architecte Gerrit Rietveld. Les autres membres du noyau originel sont les peintres Bart van der Leck, Georges Vantongerloo et Vilmos Huszar, les architectes JJP Oud, Robert van’t Hoff et Jan Wills, le poète Anthony Kok, rejoints ensuite par le graphiste Piet Zwart et l’architecte Cornelis van Eesteren.

C’est en 1918, une année après la fondation officielle du groupe et la publication du premier numéro de la revue qui diffuse et rend publique la doctrine du mouvement, que les créateurs de De Stijl synthétisent de façon la plus explicite la vision esthétique et sociale qui les regroupe: le premier manifeste du groupe appelle à un nouvel équilibre entre l’individuel et l’universel et milite pour la libération de l’art des contraintes du culte de l’individualisme. Cette recherche de l’universel et l’utopie partagées par les signataires du manifeste, pourraient se résumer dans cet aphorisme: « Le but de la vie est l’homme, le but de l’homme est le Style ».

Le Stijl, à la fois vision utopique et engagement dans la production du réel du monde industriel, prend ses sources à la fois dans la tradition hegelienne et le mouvement théosophique, alors largement répandu en Hollande. Pour autant, c’est avant tout une transcription formelle, plastique, picturale ou architecturale des principes d’une harmonie universelle que les créateurs de De Stijl mettent en œuvre. La peinture, la sculpture, la conception de mobilier et le graphisme, l’architecture et bientôt l’urbanisme sont les supports de cette expérimentation conduite simultanément par les différents créateurs du groupe. Pluridisciplinaires, les productions du Stijl le sont par nature, outrepassant les cloisonnements traditionnels et académiques entre arts majeurs et mineurs, entre arts décoratifs, architecture et urbanisme.

De l’esprit à la ville, tel pourrait être le fil directeur de l’évolution des productions de De Stijl durant les quatorze années de son existence. La spatialité de l’œuvre d’art passe progressivement du statut de support d’analyse du monde à celui d’agent de construction de l’environnement social et politique de la ville. À ce titre, la spatialisation de l’œuvre constitue une expérience du monde, ordonne le monde et donne corps à la communauté; elle configure et rend possible l’équilibre entre l’individuel et le collectif, entre le rationnel et le sensible, entre le savoir et le faire, entre le spirituel et le matériel.

Il s’agit en priorité pour le Stijl d’inventer un langage formel qui répond aux enjeux de la société industrielle au lendemain de la première guerre mondiale et de tracer les stratégies de mise en œuvre d’un ordre sociétal nouveau.

La méthode de cette vision est le néoplasticisme qui consiste, dans un premier temps, à radicaliser l’approche des avant-gardes contemporaines:

« Les cubistes, disait Mondrian, refusent les conséquences de leur propre révolution plastique. La sensibilité moderne ne peut se réduire à l’intégration de multiples points de vue, elle doit tendre vers une langue plastique directement universelle et rationnelle ».

Van Dœsburg militera quant à lui pour « l’élaboration au sujet des arts plastiques, des principes fondamentaux élémentaires et intelligibles par tous ». C’est par l’usage strict des couleurs primaires (bleu, jaune, rouge), du blanc et du noir appliqués en aplat, de lignes droites et orthogonales, la limitation des formes et la géométrisation des volumes que les créateurs de De Stijl inventent une grammaire de formes. L’élémentarisation du lexique formel et les proportions dynamiques repoussent les limites du tragique et donnent lieu, in fine, à une esthétique projetée comme universelle.

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