Nicolas Dhervillers — Behind the Future Photographies

Exposition

Photographie

Nicolas Dhervillers
Behind the Future Photographies

Passé : 8 novembre → 22 décembre 2012

Behind the futur

Dans ses précédentes séries My sentimental archives ou Tourists, il y avait déjà cet air. Un peu d’artifice et de poésie vespérale. Dans des forêts, des montagnes, des sous-bois, sur des routes de campagne, des petits hommes passaient. Minuscules incrustes glanées sur internet ou dans quelques archives. Dhervillers leur donnait une seconde existence, la possibilité d’une errance éternelle à travers un temps épais et envahissant. Chez Nicolas, la nuit est toujours feinte. Elle est littéraire et philosophique. Avec elle, les paysages s’abandonnent et deviennent terres d’égarement, zones alternatives, huit-clos métaphasiques. Et qu’il ajoute ou non une présence humaine à ses « tableaux photographiques », Nicolas Dhervillers cherche des âmes à réveiller et des ciels à endormir. Toujours.

C’est presque une ville et elle est presque morte. La nature est passée dessus, autour. Elle a fabriqué ses couleurs et sa propre architecture. De la mousse, très verte, a dessiné librement ses formes et s’amuse aujourd’hui avec les restes. Les restes des chemins ferrés, des larges cuves en cuivre, des grosses machines, des emmêlements de tuyaux, des montagnes de rouille, des hauts fourneaux. On dirait des entrailles de métal, à sec, une acropole de fer, une cathédrale d’acier oubliée par son dieu, révoquée et sans peuple. Cette cité désaffectée de six hectares, c’est l’ancienne usine sidérurgique de Völklingen dans la Sarre, classée au patrimoine mondial de L’UNESCO. Nicolas Dhervillers l’a traversée. Il a cherché sa profondeur et a trouvé dans ses ruines, une beauté enténébrée d’une lointaine présence. Il est passé dans une zone, pareille à celle de l’Orphée de Cocteau, un lieu « où la vie est longue à être morte », un espace où seul règne le silence des ombres. Il a trouvé plus qu’un paysage, un décor, a pénétré son rythme, son langage. Il en a fait un prélèvement sensible, un document esthétique. Il a poussé ses photographies au-delà de l’archive et du simple constat. Il les a emmenées ailleurs, dans un passage intermédiaire et énigmatique, dans une région romantique entre chien et loup, entre la fin du jour et une nuit sans retour. Il y a comme un malentendu dans les clichés de Nicolas Dhervillers, un anachronisme peut être, qui vient sans doute de cette chute vers l’opacité et le secret. Toucher aux lumières, au réel, fabriquer des airs de mystère, d’artifices permet de lutter contre toute forme de nostalgie.

Et à l’intérieur de ce désert abîmé, il n’y a pas un chat on dira. Pourtant, on pressent quelque compagnie aveugle sur les ponts, les échelles, dans les tunnels, les escaliers. Les choses abandonnées gardent une âme têtue et inapaisable n’est-il pas ? « Certains esprits qui aiment le mystère veulent croire que les objets conservent quelque chose qui les regardèrent, écrivait Proust ». Dans une large pièce aux rideaux gris-blancs, une chaise industrielle vide semble attendre la fatigue d’un corps. Sur une route désolée, un feu de signalisation passe au vert. Des rails solitaires sont prêts à supporter un train. Au milieu d’une jungle de ferraille et de verdure, il pourrait se cacher quelqu’un. Une porte pourrait ici s’ouvrir à côté des réservoirs corrodés et des chemins d’acier. « Les peintres qui exaltent le sentiment de la vie sont amenée à chérir les ruines qui rappellent le prix des heures. » disait René Huyghe.

Nicolas Dhervillers n’est pas un peintre mais un photographe qui convoque la peinture, les codes cinématographiques, les paysages virtuels même. L’artiste promène ici l’usine de Völklingen au-delà du contexte social à l’origine de sa construction, la conduit en dehors de l’histoire du modernisme et ou de celle de l’architecte et la traine dans un futur antérieur, dans une géographie autonome proche d’un décor de jeu vidéo. Tout en s’imprégnant de la mémoire des lieux, Dhervillers étire le paysage du côté de la théâtralité et de la fiction, augmente son étrangeté, son potentiel dangereux, et lui confère une assurance et un autre destin.

Julie Estève
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