On and Off Dutty
Exposition
On and Off Dutty
Passé : 14 janvier → 10 mars 2011
Il existe déjà dans le monde de l’art une légende Odermatt, celle de cet agent de police suisse vivant dans le canton reculé de Nidwalden, où il prit toute sa vie et « dans le cadre de ses fonctions » des photographies qui se seraient assoupies sans doute à jamais dans les archives d’un commissariat si le grand Harald Szeemann ne les avait un jour découvertes par hasard et montrées fissa à la Biennale de Venise de 2001, prolongeant une longue tradition, plus ou moins fantasmée, de l’histoire de l’art, voulant qu’un génie ignoré soit soudain révélé aux yeux du monde.
Une belle histoire qui n’est ni tout à fait fausse, ni tout à fait vraie, puisqu’avant Venise et dès 1993, Arnold Odermatt fut exposé plusieurs fois, en Suisse, en Allemagne, en Autriche et en Grande-Bretagne, ce qui fait déjà beaucoup pour un « inconnu » qui n’aurait pas été conscient de l’intérêt de son travail. Mais le baptême vénitien fit en effet définitivement franchir les frontières et les océans aux images du retraité helvète.
D’abord connu pour ses Carambolages, ces photographies en noir et blanc d’accidents de voiture avec lesquelles il « illustrait » ses rapports de police, Arnold Odermatt a peu à peu dévoilé les autres pans de ce qui se révèle être une vie de photographe : on duty, en service, des policiers dans leur bureau ou à la manœuvre, des paysages de prévention routière ou encore des phares de voitures sculptés par la chaleur d’un incendie; off duty, tout un monde nouveau que l’on découvre aujourd’hui et qui est celui de l’intimité familiale, des portraits heureux de ses enfants aux souvenirs de vacances.
On et off, comme un appareil photo que l’on allume ou qu’on éteint, Arnold Odermatt l’est aujourd’hui comme il l’a sans doute été toute sa vie. Off parce que très éloigné pendant des décennies du monde de l’art et de la conscience de réaliser une démarche « artistique », mais néanmoins on, parce que le policier n’était pas du genre à penser « jamais pendant le service » et qu’après avoir fait les clichés règlementaires, il en faisait d’autres, « pour lui », assumant une recherche formelle et esthétique dont les clichés de la fin des années 1940 témoignent déjà, d’une voiture hissée hors d’un lac, telle une baleine, ou de ces accidents qui ont la beauté sculpturale de la célèbre locomotive suspendue sur la façade de la Gare Montparnasse (en 1895 !) plutôt que la violence de faits divers des Accidents de Warhol.
Off parce qu’Odermatt ne se rattache à aucune école, que Düsseldorf et ses Becher sont loin des forêts de Nidwalden, et pourtant on, parce que ses images renvoient malgré tout les échos lointains des recherches photographiques des années 1960-1970, du goût pour la neutralité à une tendance « plasticienne » et à un usage de la couleur qui éclatent avec virtuosité dans les photos prise à Lausanne (1964) ou à Bellinzona (1965).
On et off, enfin, parce que si Odermatt, par son relatif isolement et par les années au cours desquelles il travaille, vit avant l’ère de l’homo photographicus, avant le numérique, l’intégration de la photographie dans l’art contemporain et son triomphe public, il rappelle magnifiquement que ce n’est pas un regard rétrospectif qui élève des images au rang d’œuvres d’art, mais plutôt que nos yeux sont capables de voir aujourd’hui ce qu’ils ne voyaient pas hier, mais qui existait déjà, pleinement.
Horaires
Tous les jours sauf le dimanche de 10h à 17h
L’artiste
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Arnold Odermatt