On Kawara — Early Works
Exposition
On Kawara
Early Works
Dans 9 jours : 23 novembre 2024 → 24 janvier 2025
David Zwirner a le plaisir de présenter, quasiment simultanément dans ses galeries londonienne et parisienne, deux expositions de peintures de On Kawara (1932-2014). Pour la première fois depuis la disparition de l’artiste en 2014, et en collaboration avec la One Million Years Foundation — établie par l’artiste de son vivant pour veiller à la postérité de son œuvre et de sa démarche artistique –, ces expositions sont aussi une rare opportunité de revoir ou de découvrir deux séries de peintures de première importance.
Pendant plus d’un demi-siècle, On Kawara a développé une pratique artistique singulière et tout en nuances autour de la notion de temps, à la fois son écoulement chronologique et sa fonction de mesure de l’existence humaine. Figure centrale de l’art conceptuel, mouvement émergeant à New York au cours des années 1960, l’artiste a laissé une œuvre d’envergure structurée en séries distinctes qui, prises dans leur ensemble, livrent une profonde réflexion sur le temps et l’espace. À la fois spécifique et universel, rigoureux et vaste, le travail de On Kawara s’attache à explorer d’un même geste l’immensité comme la trivialité du vécu humain, tout en se prêtant à une multiplicité d’interprétations.
À Paris, ce sont quatre tableaux de jeunesse très rarement montrés au public qui sont présentés, exécutés par On Kawara à Tokyo en 1955 et 1956. Pour le jeune artiste, membre actif et engagé de l’avant-garde artistique tokyoïte, peindre participait d’une réflexion visant à s’extraire de l’atmosphère qui régnait dans le pays après-guerre, encore marquée par un lourd traumatisme collectif. Assez vite, On Kawara se distingue sur la scène artistique de l’époque en choisissant d’évoquer le retentissement psychologique des atrocités, au lieu de les représenter directement, dont le souvenir était encore vif dans l’esprit des Japonais. Mettant la forme au service du contenu, et vice-versa, l’artiste mobilise des sentiments de malaise, de colère et de désillusion au service de peintures énigmatiques qui témoignaient déjà d’une grande maîtrise. Elles attestent aussi l’intérêt précoce de l’artiste pour les toiles de format particulier, puisqu’elles figurent parmi les plus anciens exemples de cet aspect de l’œuvre. Et la façon dont l’espace s’y contracte et s’y dilate en même temps brouille radicalement le rapport du regardeur aux règles de la perspective, offrant l’expérience déroutante et unique d’un espace-temps bien particulier.
Au milieu des années 1960, juste avant d’entamer la série des “Date Paintings”, On Kawara fit don de la plupart de ses œuvres réalisées au cours des années 1950 au musée national d’Art moderne de Tokyo, comme pour tourner la page, de façon quasiment rituelle, avant de se lancer dans une nouvelle phase de sa production artistique. L’artiste conserva moins de dix tableaux datant de cette période, parmi lesquels figurent ceux de l’exposition parisienne. Au sein d’intérieurs claustrophobiques parfois décorés de motifs kaléidoscopiques se retrouvent des éléments récurrents et facilement identifiables tels que des vers ou des asticots, des meubles et des plats vides. L’intensité foisonnante de ces compositions semble diamétralement opposée à la sobriété efficace des œuvres qui ont fait connaître On Kawara par la suite. Pourtant, cette première manière picturale a influencé la seconde à bien des égards, tant l’on y décèle l’intérêt naissant de l’artiste pour des thèmes qu’il explora ensuite avec bonheur, comme la répétition sérielle, les formes stylisées jusqu’à l’abstraction, l’expressivité chromatique ou encore la pensée existentialiste.
À Londres sont présentées vingt-quatre peintures issues d’une série emblématique, "Today" (ensemble connu sous le nom de “Date Paintings”). L’apparent dépouillement de chaque composition — la date du jour, peinte dans une police sans empâtement spécialement conçue par l’artiste sur un fond monochrome dans l’une des trois couleurs — procède en réalité d’une série de décisions calculées et choisies, d’un protocole strict qui, cependant, s’adapte à différents contextes. Adoptant l’un ou l’autre format parmi huit tailles standards, l’artiste peignait soigneusement la date du jour sur toile, à la main, mais détruisait l’œuvre s’il ne l’avait pas achevée avant minuit. On Kawara incluait aussi la préparation des couleurs dans son processus artistique, et veillait à emprunter la langue et la grammaire du pays où il se trouvait pour inscrire méticuleusement ses lettres blanches à la surface de chaque composition, recourant à l’espéranto lorsque la langue officielle du pays n’employait pas l’alphabet latin.
L’exposition londonienne constitue une sélection représentative de l’œuvre entière, avec des peintures allant de 1966 à 2012 (du tout début de la série “Today” jusqu’à peu avant sa conclusion), et notamment plusieurs œuvres de grand format, un diptyque exécuté à Mexico en avril 1968 et un tableau pour chaque année de la décennie 1970-1980. Cet ensemble met en lumière l’envergure formelle et conceptuelle de l’entreprise menée par l’artiste sur plusieurs décennies. La franche simplicité de la composition véhicule un message d’une grande profondeur, traitant non seulement du passage du temps mais aussi de la nature même de la conscience. Pour le curateur Jeffrey Weiss, « d’une part, chaque peinture s’efforce de saisir un jour en particulier, ou même de le retenir. Elle représente la journée pendant laquelle elle a été peinte, et si elle n’est pas finie quand le jour s’achève, elle est détruite. D’autre part, évidemment, la journée en question est déjà écoulée depuis longtemps lorsque nous sommes face au tableau. Le temps ne peut être suspendu.1 »
1 Jeffrey Weiss, extrait traduit de « On Kawara: 48 Years, 1966–2014 » Solomon R. Guggenheim Museum, 3 février 2015, article consultable en ligne.
Horaires
Du mardi au samedi de 11h à 19h